Les résultats de la compétition annuelle de Boston sur la biologie de synthèse clôturent quatre jours de liesse. L’ingénierie du vivant est désormais très festive…
Tous les bricoleurs du vivant en herbe sont aux anges. Le concours iGEM qui a lieu chaque année à Boston vient de les couvrir de médailles et de prix, soit pour leur inventivité, soit pour leurs bonnes idées « au service de la planète », ou bien encore pour leurs « bonnes pratiques sociales ». La compétition internationale de l’ingénierie génétique des machines (traduction du sigle iGEM) est devenue une référence. Celle de la communauté des « biologistes de synthèse » qui se consacrent à changer, améliorer, doper les fonctions des organismes vivants. Ils étaient 2 700 étudiants cette année a rejoindre la douzième édition de ce concours quasi sportif où chaque équipe s’exhibe avec sa couleur (rouge, bleue, verte….) et son style. 280 équipes, celles des plus expérimentés (overgrad) avec des membres âgés de plus de 23 ans, les « poulains » (ou undergrad) de moins de 23 ans, et les lycéens (high school).
Le grand prix des « undergrad » a été attribué à « William & Mary » équipe de la vieille Université de Virginie qui concourait pour la première fois. Leur performance ? Eliminer le « bruit de fond » dans l’expression des gènes. Ces « ingénieurs du vivant » sont en effet très génés par le fait que les interrupteurs (promoteurs) chargés d’exprimer le génome fuient, c’est-à-dire ils ne sont jamais complètement éteints ou allumés. Ce succès est une belle performance saluée ici par le jury.
Dans la même catégorie, ont été primées les équipes de République tchèque et celle d’Heidelberg. La première a créé une sorte de diploïde « rapporteur » capable de détecter les tumeurs, de les analyser et de signaler ces résultats. Baptisé IOD, ce test simple localise les tumeurs en moins de cinq minutes. De leur côté, les étudiants d’Heidelberg ont développé des usages judicieux des acides nucléiques fonctionnels pour soigner la fibrose kystique ou détecter des substances illicites versées dans les verres.
Chez les plus vieux, l’équipe de l’université de Delft a présenté une imprimante 3D de biofilms bactériens afin de lutter contre les contaminations dans les installations agroindustrielles ou les circuits d’eau. Enfin l’équipe israélienne BGU a réalisé un système de boomerang pour contrer les cancers. Elle a recourt à la « chirurgie moléculaire ciblée » appelée « CRISPR/Cas9 » mise au point voici deux ans par la française Emmanuelle Charpentier.
Les lycéens lauréats sont chinois (TAS Tapei) avec un système de prévention de l’inflammation. Le palmarès se décline aussi en de très nombreuses médailles d’or pour ceux qui ont rempli le maximum de critères demandés (amélioration des biobriques de la collection partagée par toute la communauté, collaboration avec d’autres équipes, réalisation d’un prototype) d’argent et de bronze. Ainsi quatre équipes françaises (Bordeaux, Bettencourt, Ionis Paris, Toulouse) ont décroché la médaille d’or, passage obligé vers un les prix mondiaux… L’équipe d’Evry a obtenu une médaille d’argent et les équipes de Pasteur, Paris-Saclay et Aix-Marseille, des médailles de bronze.
Notons que, en dehors des sujets santé, environnement, énergie… les équipes peuvent, depuis 2014, présenter des projets d’un nouveau genre avec la création de catégories Art et design, logiciels, méthodes et mesures ou pratiques et politiques. L’équipe de SupBiotech (Groupe Ionis) a proposé par exemple une Bioconsole dans laquelle une bactérie fluorescente, Bact’MAN, a besoin du joueur pour survivre. Une sorte de Tamagotchi vivant en quelque sorte…
« De plus en plus les équipes sont notées sur la dimension sociale de leur projet, souligne Gilles Krembel, qui a veillé à la qualité éthique du groupe de Bordeaux et qui a travaillé à mettre au point un substitut à la Bouillie Bordelaise pour lutter contre le mildiou de la vigne. Nous avons examiné l’impact écologique du Curdlan, sucre qui peut protéger les vignes, et que l’on peut sulfater en le faisant produire par des bactéries génétiquement modifiées ». Le traitement des enjeux de sécurité, de communication avec le grand public, et la prise en compte des questions légales et économiques sont devenus incontournables au sein de la compétition iGEM. L’équipe d’Edinbourg mentionnée plus haut a gagné le prix de la meilleure intégration des questions sociétales (human practices). Ce sont les étudiants brésiliens de l’UFMG qui ont été vainqueurs sur le terrain de la pédagogie et de l’engagement du public.
Dans le cadre du programme européen Synenergene consacré à la mise en société de la biologie de synthèse (en France c’est la dynamique Festival vivant), des chercheurs hollandais et norvégiens ont proposé aux équipes d’écrire deux scénarii (l’un applicatif, l’autre technomoral) afin de projeter leur technique dans le futur. L’équipe brésilienne a fait l’exercice avec succès (voir approche technique, versus dimension morale).
La compétition iGEM tente ainsi de répondre à diverses demandes de responsabilisation des étudiants qui interviennent sur le vivant. La culture « easy, cool & fun » de l’événement témoigne aussi de valeurs pour des techniques « open, free & sharable ». La Fondation iGEM a ainsi créé un registre de portions d’ADN (Registry of Standard Biological Parts qui compte aujourd’hui 20 000 portions de génome) qui restent accessibles à tous les compétiteurs. Tant qu’ils sont en lice !
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