Longtemps, nous avons considéré notre cousin Neandertal avec mépris voire, condescendance. Il est vrai qu’avec sa mine patibulaire de brute épaisse, son front bas et son air un tantinet demeuré, il faisait un peu désordre dans notre tableau de famille d’homo sapiens distingués. Las ! c’était sans compter sur les progrès de la génétique. Il faut maintenant l’admettre, nous avons en nous beaucoup de lui. Nous avons tous du néandertalien caché au plus profond de nos gènes. Et c’est cette minuscule part d’héritage qui conditionne quelques-unes de nos faiblesses, maladies ou addictions.
Svante Pääbo, généticien suédois, Directeur de l’Institut Max Plank de Leipzig, a entrepris de se pencher sur le génome de Neandertal. Ses premières révélations remontent à 2012, année où il découvre dans nos gènes, des traces de Neandertal.
Révélation fracassante mais finalement, assez logique. Il y a en effet environ 50 000 ans, Sapiens et Neandertal cohabitaient sur les mêmes contrées d’Europe, du Moyen-Orient et d’Asie centrale. Les rencontres étant inévitables, le métissage allait forcément bon train en cette époque où les distractions n’étaient pas courantes. Échanges, accouplements et grandes histoires d’amour aidant, nous avons donc tous en nous quelque chose de Neandertal : 1 à 4 % de nos gènes sont communs avec notre lointain ancêtre, disparu pourtant de la surface de la Terre il y a plus de trente mille ans. Svante Pääbo, que l’on cite volontiers dans la liste des futurs Prix Nobel, tient à souligner dans L’Express l’importance de cette découverte : « Nous partageons de 1 à 4% de nos gènes. Cela semble peu, mais c’est énorme … Après s’être accouplé avec son cousin, l’homme moderne a continué sa route pour peupler le reste du globe. Jusqu’en Chine et en Australie, ce qui explique, par exemple, que les Australiens ont aussi des gènes de Neandertal, alors que ce dernier n’a jamais quitté l’Europe ».
Svante Pääbo étudie des séquences d’ADN ancien pour mieux comprendre notre histoire et celle de l’humanité. Photo : Olivier Colin, L’Express
Cette part de notre patrimoine génétique aurait pu rester enfouie dans la mémoire humaine, comme un secret de famille bien gardé. C’était sans compter sur les chercheurs de l’université Vanderbilt dans le Tennessee qui, poursuivant les travaux suédois, viennent de révéler dans un article publié dans Science du 12 février, la portée de cet héritage venu du fonds des âges. « Nous avons découvert que l’ADN de Neandertal exerce une influence sur de nombreux traits cliniques de l’homme moderne, sur le plan immunitaire, dermatologique, neurologique, psychiatrique », explique John Capra, généticien en évolution, responsable de cette étude.
L’incidence de Neandertal est subtile mais non négligeable. L’étude a consisté à confronter la carte génomique de Neandertal avec le génome personnel et de dossier médical de 28 000 patients recensés à travers le réseau EMERGE (Electronical medical records and genomics network), fondé par l’Institut de recherche national pour le génome humain.
Les résultats de cette étude consistant à croiser et mouliner des centaines de milliers de données sont sans appel. Ils ont retrouvé dans l’ADN de l’homme moderne plus de 135 000 variantes génétiques provenant des néandertaliens. Ils ont ensuite déterminé les liens entre ces variantes et des maladies et découvert que certaines de ces variations génétiques néandertaliennes étaient étroitement liées à un risque accru de douze maladies dont la dépression, l’infarctus du myocarde, des troubles sanguins, des allergies et un certain nombre d’addictions.
Ces traits transmis par notre vieux cousin étaient à leur époque des avantages concurrentiels. Ainsi par exemple, Neandertal avait un sang épais qui coagulait très facilement. Une caractéristique fort utile quand l’on doit chasser, combattre pour survivre. Un avantage qui devient néfaste et se transforme en risque d’AVC ou d’embolie pulmonaire quand on mène une vie sédentaire et que l’on se nourrit d’aliments très riches. De la même façon, une équipe de l’Institut Max Planck, et une autre de l’Institut Pasteur, ont récemment démontré que nos allergies seraient aggravées par trois gènes venus de Neandertal. Ces gènes servaient à l’époque à doper le système immunitaire, avantage compétitif utile pour survivre en milieux hostiles. Aujourd’hui, ces moyens de défense se retournent contre nous sous forme d’allergies, d’asthme et de prédisposition au rhume des foins.
Autre exemple, l’ADN néandertalien affecte les cellules kératinocytes qui recouvrent l’épiderme et aident à protéger la peau des rayons ultraviolets et des pathogènes. Les chercheurs ont été surpris de découvrir que certains de ces gènes des néandertaliens accroissaient le risque d’accoutumance à la nicotine. Les fumeurs savent maintenant vers où se tourner pour trouver les causes de leur addiction…
Carte d’évolution de l’humanité
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