La disparition qui semble implacable des abeilles et autres insectes pollinisateurs met en danger notre alimentation, notre santé et notre économie. L’usage intensif des pesticides et néonicotinoïdes a contribué dans une large mesure à cette extinction. Face à ce phénomène, des chercheurs s’activent pour trouver des parades. Certains en viennent même à fabriquer des insectes cyborgs génétiquement modifiés pour polliniser nos cultures.
Des chercheurs japonais du National Institute of Advanced Industrial Science (AIST) de Tsukuba avaient déjà réussi à fabriquer un drone miniature doté des mêmes facultés que des abeilles pour collecter et déposer le pollen des fleurs. C’est au tour maintenant des bioingénieurs de la startup Draper de développer, en partenariat avec l’université de Cambridge, un projet encore plus délirant : créer des libellules génétiquement modifiées, télécommandées comme des drones pour remplir leur tâche pollinisatrice.
Ce projet dénommé DragonflEye repose sur la création de libellules modifiées génétiquement sur lesquelles les scientifiques apportent un appareillage électronique. Chaque libellule est équipée d’un mini sac-à-dos alimenté à l’énergie solaire. Ce sac contient ce que les chercheurs appellent une « optrode », c’est-à-dire une sorte d’électrode connectée avec certains neurones de la libellule. L’optrode agit comme une interface optique qui utilise la lumière soit pour stimuler des neurones, soit pour surveiller l’activité neuronale de l’insecte. En introduisant dans la libellule une protéine spéciale qui réagit en fonction des couleurs à laquelle elle est exposée, les chercheurs pensent pouvoir ainsi « téléguider » la bestiole et l’orienter avec précision vers des cibles choisies. Les chercheurs parlent ainsi de « contrôle à distance » de l’insecte.
Objectif affiché de cette recherche : concevoir des colonies de libellules cyborgs qui pourront être orientées sur certaines plantes-cibles afin de les polliniser. Objectif moins avoué : cette recherche intéresse l’armée américaine qui y voit les germes de forces hybrides de surveillance de l’ennemi.
L’intérêt de ce type d’expérimentations est dans l’efficacité que représente l’utilisation d’un animal vivant plutôt que la production d’objets électroniques nécessairement très sophistiqués. Tous les objets ont besoin d’une alimentation pour fonctionner et leur autonomie est de facto limitée. Avec un insecte comme une libellule par exemple, plus besoin de ravitaillement. C’est l’insecte qui se nourrit tout seul et produit sa propre énergie. De surcroit, pour les ingénieurs, cet insecte possède une « avionique » inégalable. Alors pourquoi s’efforcer de la remplacer. La seule intervention est de mettre en œuvre un système de navigation contrôlable à distance. Cela semble être désormais possible avec les travaux des chercheurs de Draper.
Toutefois, au-delà des prouesses technologiques, ces innovations de plus en plus nombreuses en matière d’insectes robots ou cyborgs, ne doivent pas occulter le véritable enjeu du déclin des pollinisateurs naturels. Déjà en 2014, l’ONG Greenpeace s’insurgeait contre ces recherches : « Le déclin des abeilles ne relève pas de la science-fiction, c’est une réalité. Les remplacer par des robots ? Ce n’est pas notre vision pour l’avenir de l’agriculture… Il est urgent d’agir et de faire face au vrai problème : les pesticides sont hors de contrôle. » Il est vrai que depuis les années 1990, les abeilles, partout dans le monde, souffrent d’un déclin qui alarme les spécialistes. Environ 30 % des colonies d’abeilles disparaissent en France chaque année, si bien que, depuis dix ans, 15 000 apiculteurs ont dû arrêter leur activité. Ce désastre ne concerne pas seulement la production de miel, mais menace tout notre système agricole. On estime que près d’un tiers de l’alimentation mondiale dépend de la pollinisation effectuée par les abeilles domestiques ou d’autres insectes pollinisateurs.
Source : Seeker
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