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Pire que le Covid, cette pandémie silencieuse avance à bas bruit

Pire que le Covid, cette pandémie silencieuse avance à bas bruit

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Alors que le monde lutte pour mettre fin à la pandémie de Covid-19, les experts affirment que nous sommes déjà confrontés à une autre menace mondiale de maladie infectieuse. Les bactéries résistantes aux antibiotiques ne reçoivent pas autant d’attention que le Covid-19, car les maladies qu’elles provoquent se propagent lentement et régulièrement, au lieu de prendre le monde d’assaut en peu de temps. Mais ces superbactéries pourraient devenir une menace de niveau Covid, selon les scientifiques. Et cela se produira à un rythme lent.

Dans le monde, environ 700 000 personnes meurent chaque année d’une infection bactérienne résistante aux antibiotiques. L’Organisation mondiale de la santé prévoit qu’au rythme actuel, environ 10 millions de personnes pourraient mourir chaque année d’infections résistantes aux antibiotiques d’ici 2050.

En raison de la prescription excessive d’antibiotiques, de leur utilisation excessive pour le bétail et d’autres facteurs notamment environnementaux, de nombreux types différents d’infections bactériennes, y compris des souches de gonorrhée, de tuberculose et de salmonelle, sont devenus extrêmement difficiles, voire parfois impossibles à traiter.

L’explication à cette situation réside dans cette fraction des bactéries contre lesquelles les antibiotiques ne font rien, qui évoluent et se reproduisent, développant une résistance immaîtrisable. Dans le monde, 230 000 personnes meurent chaque année de la seule tuberculose résistante aux antibiotiques. « Il est de plus en plus probable que cette infection bactérienne sera très difficile à traiter, voire impossible, et les infections bactériennes non traitables sont mauvaises. Les infections bactériennes non traitables font beaucoup de dégâts », confie au magazine Insider Sarah Fortune, professeur d’immunologie et de maladies infectieuses à l’université de Harvard. « Elles tuent les gens. »

« Bactéries cauchemardesques »

Steffanie Strathdee, professeur de médecine à l’université de Californie, San Diego, regrette que nous ne parlions pas assez de cette menace : « Contrairement au COVID-19, qui est apparu soudainement et a éclaté sur la scène, la crise des superbactéries est en train de mijoter », déclare-t-elle. « C’est déjà une pandémie. C’est déjà une crise mondiale, et elle s’aggrave avec le COVID ».

Un ancien directeur du CDC américain, Tom Frieden, parle de « bactéries cauchemardesques ». Il appelle la communauté médicale à se concentrer en particulier sur la manière dont les maladies infectieuses se propagent dans les hôpitaux. « Je ne doute absolument pas que dans 20 ou 40 ans, nous regarderons les soins de santé tels qu’ils ont été mis en place en 2020 et nous nous demanderons comment ils ont pu laisser autant d’infections se propager dans les établissements de soins », prédit-il.

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Un système de santé publique « dysfonctionnel » du fait de la pandémie de Covid-19 actuelle rend le problème des superbactéries difficile à résoudre. En effet, une grande partie de l’attention et des ressources qui seraient consacrées à la menace bactérienne sont actuellement consacrées à essayer de vaincre le COVID-19, affirme Steffanie Strathdee. En ce sens, la pandémie de coronavirus pourrait, de manière perverse, aggraver le problème des bactéries résistantes aux antibiotiques.

En juillet, l’OMS a appelé à une utilisation plus prudente des antibiotiques chez les patients atteints de Covid-19 afin d’aider à freiner la menace de la résistance aux antibiotiques. Une étude réalisée en mai dernier a révélé que sur 2 000 patients hospitalisés pour Covid-19 dans le monde, 72 % avaient reçu des antibiotiques, alors que seulement 8 % avaient des infections bactériennes ou fongiques avérées.

Plus les bactéries deviennent résistantes aux antibiotiques, plus le risque de conséquences catastrophiques augmente. E. coli, par exemple, provoque des millions d’infections des voies urinaires chaque année. Si une souche extrêmement résistante aux antibiotiques se développe, elle pourrait se propager et tuer « d’innombrables jeunes femmes », alerte Lance Price, directeur fondateur du Centre d’action sur la résistance aux antibiotiques de l’université George Washington. « Elles pourraient aller chez le médecin avec ce qu’elles pensent être une infection vésicale de routine et finir par mourir d’infections sanguines car les médecins se retrouvent dans l’incapacité de traiter ces infections qui montent de la vessie vers les reins et passent dans le sang », explique le Dr Price.

Abandon des antibiotiques par les Big Pharma

Cela fait des décennies qu’une nouvelle classe d’antibiotiques n’a pas été développée. Des entreprises comme Achaogen et Aradigm, qui se concentraient sur la création de nouveaux antibiotiques, ont fermé leurs portes au cours des dernières années. Et des géants pharmaceutiques comme Novartis et Allergan ont complètement abandonné leurs efforts dans ce domaine.

Selon la professeure Sarah Fortune, les fabricants de médicaments ne voient pas autant de profit dans le développement de nouveaux antibiotiques que dans celui d’autres médicaments. Beaucoup ont investi dans le développement d’un nouvel antibiotique et ont échoué ; ils peuvent gagner plus d’argent en développant des médicaments que les gens prennent régulièrement plutôt que seulement lorsqu’ils ont une infection. Les entreprises ne peuvent pas non plus faire payer les antibiotiques autant que les autres médicaments qu’elles pourraient développer, et la durée de conservation d’un antibiotique est relativement courte, précise-t-elle.

Si nous voulons obtenir de nouveaux antibiotiques, nous devons donc trouver des moyens d’amener les entreprises à donner la priorité à leur création. C’est la raison pour laquelle, le 9 janvier dernier, le ministère français de la Santé a lancé un programme prioritaire de recherche sur l’antibiorésistance, doté de 40 millions d’euros.

Plutôt que de se lancer dans la création de nouveaux antibiotiques, des laboratoires comme bio Mérieux préfèrent se concentrer sur le diagnostic. « BioMérieux, en tant qu’acteur mondial du diagnostic des maladies infectieuses, a fait de l’usage raisonné des antibiotiques l’une de ses priorités », expliquait au quotidien Les Echos son PDG, Alexandre Mérieux. Aujourd’hui, 75 % des investissements de bioMérieux pour améliorer ses produits sont dédiés à la lutte contre la résistance bactérienne. Cette priorité stratégique se traduit par une offre de diagnostic très large couvrant ainsi le contrôle de l’infection, l’identification des pathogènes, les tests de sensibilité aux antibiotiques, la surveillance épidémiologique et la gestion des épidémies ainsi que le choix du traitement antibiotique approprié.

Combattre les bactéries par des virus

En dehors de la mise au point de nouveaux antibiotiques, un certain type de virus pourrait être la solution. Les phages tuent naturellement des types spécifiques de bactéries et pourraient être utiles pour traiter certaines infections.

« Ce dont nous avons besoin, c’est d’une phagothèque géante qui serait open-source, qui pourrait être utilisée pour faire correspondre les phages à une infection bactérienne spécifique et être utilisée avec des antibiotiques pour guérir ces superbactéries », avance Steffanie Strathdee. Les experts médicaux dans ce domaine soulignent également que les États doivent mieux suivre la propagation des superbactéries : développer des antibiotiques, faire des recherches sur la thérapie par les phages, utiliser plus prudemment les antibiotiques existants et investir beaucoup plus dans la lutte contre ce problème avant qu’il ne devienne une crise plus importante.

La résolution de ce problème nécessite également une coopération internationale, propose l’ancien directeur du CDC américain, Tom Frieden. « L’essentiel est que nous ayons une réponse pluripotente », poursuit-il. « Cela signifie un financement soutenu des organisations de santé au sein des États, un soutien total à l’Organisation mondiale de la santé, tant en termes de financement que de mandat, et une approche meilleure et plus forte pour identifier et combler les lacunes en matière de préparation dans le monde ». En bref, évitons de reproduire l’impréparation que la plupart des États ont montré lors d’une pandémie pourtant annoncée, celle du Covid-19.

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Source : Business Insider

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