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Si certains déclarent des formes graves de Covid-19, c’est à cause de … Néandertal

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Avec sa mine patibulaire de brute épaisse, son front bas et son air demeuré, notre vieux cousin Neandertal faisait tâche dans notre tableau de famille d’homo sapiens distingués. On a longtemps oublié que nous partageons avec lui jusqu’à 4 % de notre patrimoine génétique. Dans cet héritage figure des séquences génétiques qui causeraient, chez ceux qui les portent, des cas graves de Covid-19. D’autres, épargnés par cet héritage encombrant, ne développeraient que des formes bénignes, voire asymptomatiques de la maladie. C’est ce que révèle une étude publiée aujourd’hui dans la prestigieuse revue Nature.

Il y a environ 55 000 ans, Sapiens et Neandertal cohabitaient sur les mêmes contrées d’Europe, du Moyen-Orient et d’Asie centrale. Les rencontres étant inévitables, le métissage allait forcément bon train en cette époque où les distractions n’étaient pas courantes. Échanges, accouplements et grandes histoires d’amour aidant, nous avons tous gardé en nous quelque chose de Neandertal : 1 à 4 % de nos gènes sont communs avec notre lointain ancêtre, disparu pourtant de la surface de la Terre il y a plus de trente mille ans.

Personne ne pouvait prévoir à quel point Néandertal allait affecter notre monde des dizaines de milliers d’années plus tard, bien longtemps après sa disparition. De fait, l’ADN de l’homme de Neandertal s’est répandu dans nos populations, se transmettant de génération en génération. Environ 50 % des habitants de l’Asie du Sud et 16 % des habitants de l’Europe sont aujourd’hui porteurs d’une portion d’ADN néandertalien, que les scientifiques ont désormais associée à la forme la plus grave de COVID-19.

En effet, selon de nouvelles recherches, les personnes qui possèdent ce patrimoine génétique ont trois fois plus de chances d’avoir besoin d’une ventilation mécanique une fois qu’elles ont contracté le virus, explique l’anthropologue évolutionniste Hugo Zeberg de l’Institut Max Planck d’anthropologie évolutionniste en Allemagne.

Les scientifiques partout dans le monde s’efforcent de comprendre ce qui rend certaines personnes plus vulnérables au SRAS-COV-2 que d’autres, une maladie qui a déjà emporté plus d’un million de vies humaines. Si les conditions préexistantes et les inégalités sociales qui y contribuent expliquent une grande partie de notre vulnérabilité, il reste encore une part importante de personnes jeunes et en bonne santé qui finissent inexplicablement par souffrir de graves problèmes respiratoires, alors que leurs pairs, tout aussi en bonne santé, ne présentent que les symptômes les plus légers. Une inégalité jusqu’ici inexplicable.

Plusieurs facteurs influencent la susceptibilité d’une personne à avoir une réaction grave, comme son âge et l’existence d’autres conditions médicales. Mais la génétique d’une personne joue également un rôle majeur et, au cours des derniers mois, les recherches liées au Covid-19 sur la génétique de l’hôte ont montré que les variantes génétiques d’une région du chromosome 3 font courir un plus grand risque à leurs porteurs de développer une forme grave de la maladie.

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Hugo Zeberg et le généticien Svante Pääbo, de l’Institut des sciences et technologies d’Okinawa au Japon, ont analysé les données génétiques de 3 199 patients hospitalisés pour le COVID-19 et ont constaté que certaines variantes de gènes du chromosome 3 se retrouvent ensemble dans la population plus souvent que s’il s’agissait de mutations aléatoires. Une telle portion d’ADN, couvrant six gènes et totalisant 49,4 mille bases transmises ensemble, suggère que cette variation a été introduite dans le génome humain d’un seul bloc, ce qui signifie qu’elle a été héritée.

Des recherches antérieures avaient déjà permis de relier cette région du gène à des patients ayant eu une réaction sévère au SRAS-CoV-2, nécessitant une hospitalisation. Zeberg et Pääbo ont donc enquêté sur nos aïeux néandertaliens disparus pour comprendre d’où venait cette portion de gènes.

Ils n’ont trouvé aucun de ces variants de gènes spécifiques dans le génome de Denisovan. En 2018 l’ADN d’un fragment osseux avait été découvert dans la grotte de Denisova en Sibérie centrale. Il s’agissait des restes d’une adolescente de treize ans, morte il y a 90 000 ans. Elle était l’hybride d’une mère néandertalienne et d’un père dénisovien. Cette découverte avait fait du bruit car il s’agissait de la première preuve d’une hybridation de premier degré entre espèces humaines.  Chou blanc de ce côté-là donc. Mais nos chercheurs ne se sont pas découragés et ont réussi à trouver quelques fragments de la séquence génétique chez deux Néandertaliens de Sibérie. Cherchant encore, ils ont trouvé les plus grandes similitudes dans les restes d’un Néandertalien de Croatie.

Ces résultats sont « compatibles avec le fait que ce Néandertalien est plus proche de la majorité des Néandertaliens qui ont apporté de l’ADN à nos contemporains », ont écrit les chercheurs. Zeberg et Pääbo ont calculé qu’il était très peu probable que cette combinaison de gènes provienne d’un ancêtre commun aux humains et aux Néandertaliens, ce qui signifie qu’ils ont été introduits lors du croisement de nos deux espèces.

Nous ne savons pas encore pourquoi cet extrait du chromosome 3 augmente le risque de maladie grave.

« C’est quelque chose que nous et d’autres étudions maintenant le plus rapidement possible », a expliqué M. Pääbo. L’équipe soupçonne que, dans le passé, ces gènes ont pu s’avérer avantageux pour certains individus – peut-être pour les protéger contre un autre agent pathogène. Une étude précédente a en effet laissé entendre que l’ADN de Neandertal aurait pu offrir une protection contre d’anciens virus.

Cela pourrait expliquer pourquoi cette désormais malheureuse variante du chromosome 3 est répandue dans certaines populations, comme au Bangladesh, où 63 % des individus la portent dans leur patrimoine génétique alors qu’elle est presque absente dans d’autres populations, et notamment en Afrique.

Cette répartition pourrait expliquer pourquoi les personnes d’origine bangladeshi vivant au Royaume-Uni ont deux fois plus de chances de mourir de la COVID-19 que le reste de la population. Elle expliquerait aussi pourquoi le continent Africain enregistre si peu de victimes du Covid (trente mille pour tout le continent, alors que la seule Italie en a dénombré autant). « Il est frappant que le patrimoine génétique des Néandertaliens ait des conséquences aussi tragiques au cours de la pandémie actuelle », constate le professeur Svante Pääbo.

Cette recherche a été publiée dans Nature.

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