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Covid-19 : Faut-il craindre l’arrivée de l’hiver ?

Covid-19 : Faut-il craindre l’arrivée de l’hiver ?

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L’automne s’installe dans l’hémisphère Nord et la pandémie de Covid-19 ne faiblit pas dans de nombreuses régions et notamment en France. L’arrivée de la période froide risque-t-elle d’aggraver la situation et que faut-il craindre ?

Les épidémiologistes qui se penchent sur la question de la saisonnalité du Covid-19 sont préoccupés par deux points particuliers. Le premier est que la grippe saisonnière, cette infection respiratoire qui ressemble en de nombreux points au Covid-19, est beaucoup plus active en hiver. On dénombre en général quarante fois plus de cas de grippe saisonnière en automne et hiver qu’au printemps ou en été. Ce n’est pas le cas dans les régions tropicales où la grippe a tendance à atteindre son pic pendant la saison des pluies.

Le second point de préoccupation est une observation d’ordre historique. L’épidémie de grippe de 1918, la fameuse grippe « espagnole » qui a fait plusieurs millions de victimes, a été cinq fois plus meurtrière en hiver qu’en été. Si la pandémie de Covid-19 suit ces schémas et explose pendant l’hiver, le taux de décès serait quatre fois supérieur à celui que nous avons enregistré pendant le printemps et l’été.

Probabilités d’un scénario-catastrophe

Quelle est la probabilité que ce scénario catastrophe se produise ? Les épidémiologistes sont très réservés car il leur manque de nombreuses données pour fixer leur prédiction. Le coronavirus détient encore bien des secrets, d’autant que l’on est dans l’impossibilité de mesurer l’impact des mesures gouvernementales, leur respect par les populations, les capacités hospitalières et l’arrivée de nouveaux traitements et du vaccin tant espéré. Autant de variables qui peuvent tout changer.

Malgré ces réserves, les scientifiques sont en train de dresser le tableau de ce qui pourrait nous arriver cet hiver. Ils s’appuient pour cela sur des études en laboratoire et sur un ensemble de données épidémiologiques dont le nombre est en augmentation vertigineuse. Parmi ces indices, les scientifiques comprennent maintenant mieux comment des températures et une humidité plus basses affectent le virus, et comment différentes conditions intérieures affectent sa transmission.

Les résultats ne sont pas encourageants. « Tous les facteurs que nous associons à un temps plus froid semblent pouvoir accélérer la transmission du virus », explique Richard Neher, biologiste informaticien à l’université de Bâle en Suisse, qui met au point des simulations de la propagation du coronavirus dans une pièce. La meilleure nouvelle est que la recherche révèle également les mesures que les personnes et les institutions peuvent prendre pour limiter la transmission par temps froid. Mais il est loin d’être certain que suffisamment de personnes prendront ces mesures – et que cela suffira pour éviter une deuxième vague.

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Qu’arrive-t-il au virus en hiver ?

Il n’est pas habituel qu’un nouveau virus respiratoire qui devient pandémique ait une deuxième vague mortelle en hiver. Les dix pandémies respiratoires des 250 dernières années ont toutes eu une deuxième vague six mois après la première, mais dans trois cas seulement, elle est survenue en hiver. La grippe de 1918 était l’une de ces exceptions.

Le Covid-19 pourrait-il en être une autre ? Difficile de l’établir avec certitude. Les scientifiques avaient espéré qu’à mesure que les mois s’écoulaient, on pourrait discerner des tendances liées aux conditions météorologiques dans sa propagation. C’est au début de l’hiver que la maladie a fait son apparition en Chine, à la fin de 2019. On dispose donc aujourd’hui de données détaillées sur le comportement du virus au cours de trois saisons, dans les climats tempérés et tropicaux, et sur un été complet dans l’hémisphère nord et un hiver complet dans l’hémisphère sud.

Or aucune tendance de ce type n’est apparue clairement. L’infection s’est répandue de façon spectaculaire dans certaines régions du nord de l’Italie en mars, alors que les températures étaient déjà dans les 20°C ; elle a atteint un pic dans certaines villes américaines, comme Boston, alors que les températures étaient inférieures à 10°C et dans d’autres, comme Houston, alors qu’elles étaient dans les 32°C. L’Afrique du Sud et l’Australie ont été parmi les pays de l’hémisphère sud qui ont connu des hausses de température en hiver, tandis que les États-Unis ont été parmi les pays du nord qui ont connu des hausses en été. Et bien que les scientifiques s’accordent à dire que les climats tropicaux ont tendance à atténuer la propagation du virus, de nombreux pays des régions tropicales, dont l’Inde et le Brésil, ont connu de graves épidémies.

Il serait utile que la science ait une compréhension solide et éprouvée des raisons pour lesquelles la grippe dite saisonnière est, en fait, saisonnière. Mais ce n’est pas le cas. Linsey Marr, une chercheuse en génie environnemental de Virginia Tech qui étudie la transmission virale, note auprès de la revue du MIT, que les virus de la grippe ont tendance à ne frapper le plus fort pendant l’hiver qu’après être devenus endémiques, c’est-à-dire qu’ils continuent de circuler année après année. Cela suggère que la saisonnalité pourrait avoir un rapport avec l’accumulation d’une immunité temporaire chez une grande partie de la population contre au moins certaines souches de grippe. « On ne voit tout simplement pas cette saisonnalité chez le nouveau virus », dit-elle.

Même si le Covid-19 présente une certaine saisonnalité au cours de sa première année, d’autres facteurs joueront un rôle beaucoup plus important dans sa propagation :  c’est le cas de la distanciation sociale, le port de masques et l’évitement des rassemblements à l’intérieur. Le non-respect de ces pratiques pourrait expliquer pourquoi les taux d’infection par la Covid-19 ont grimpé en flèche dans une grande partie des États-Unis pendant la période estivale chaude, alors que les gens s’attendaient à ce qu’elle se calme. « Cela ne signifie pas que ce virus n’a pas une certaine sensibilité aux conditions météorologiques », avance Benjamin Zaitchik, un climatologue de l’université Johns Hopkins qui étudie actuellement les modes de transmission du coronavirus. « Il se peut que l’effet ne puisse pas être détecté dans le contexte de la politique [obligation des gestes barrières – NDLR] et du comportement ».

Un problème multifactoriel

Il n’en demeure pas moins que le facteur saisonnalité dans le Covid-19 pourrait contribuer à une poussée hivernale. Et cela pourrait faire des ravages, car cela coïnciderait presque certainement avec la saison de la grippe. Une étude publiée dans le Journal of the American Medical Association a révélé qu’un cinquième des patients atteints de covid-19 souffraient d’une deuxième maladie respiratoire. Il n’est donc pas surprenant qu’ils aient tendance à être plus malades en moyenne.

Un danger encore plus grand, selon Benjamin Zaitchik, est simplement le nombre combiné de cas de Covid-19 et de grippe saisonnière. « Il s’agit d’une question de capacité de soins et de gestion des cas », dit-il. « Non seulement le nombre de cas sera un problème pour les hôpitaux, mais les médecins auront plus de mal à identifier quelle infection ils traitent lorsqu’un patient arrive pour la première fois ».

La bonne nouvelle est que la saison de la grippe dans l’hémisphère Sud, de mai à septembre, a été étonnamment douce, presque inexistante dans de nombreux pays. L’explication probable est que les masques et la distanciation sociale pour se protéger contre le coronavirus ont également permis d’éviter la grippe dans une large mesure. Cela est de bon augure pour l’hémisphère Nord si la population continue à prendre ces précautions.

Pourtant, même dans une année de grippe légère, une petite augmentation hivernale dans le Covid-19 pourrait avoir un impact énorme, explique Jose-Luis Jimenez, chimiste de l’environnement à l’université du Colorado. La mesure la plus importante pour savoir si une maladie infectieuse peut être maîtrisée est ce qu’on appelle le taux de reproduction, R, qui indique combien de personnes en moyenne seront infectées par chaque personne infectée. Lorsque le R est inférieur à 1, la maladie ralentit ; lorsqu’il est supérieur à 1, la propagation s’accélère encore. Si le R du Covid-19 se situe à 1 ou juste en dessous de 1 à l’approche de l’hiver, alors même une petite augmentation saisonnière pourrait le faire repartir. « Une transmission supplémentaire de 10 % seulement pendant une situation de sous-contrôle peut le faire exploser », explique Jose-Luis Jimenez.

Et l’augmentation de la transmission en hiver sera probablement bien supérieure à 10 %, pronostique-t-il, en raison d’un facteur sur lequel presque tous les experts s’accordent : dans la plupart des régions des pays de l’hémisphère Nord, les gens passeront plus de temps à l’intérieur, où le coronavirus se transmet beaucoup plus efficacement. Dans les régions les plus chaudes, il est possible que le temps plus clément incite à passer moins de temps à l’intérieur.

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Le risque est à l’intérieur

Car c’est là que le bât blesse. En effet, une étude menée par des chercheurs au Japon, basée sur la recherche des contacts, a révélé que les personnes infectées avaient 19 fois plus de chances de transmettre l’infection lorsqu’elles étaient à l’intérieur qu’à l’extérieur. Une base de données compilée par la London School of Hygiene and Tropical Medicine sur environ 1 500 événements dits de « super propagation » – où une seule personne infectée finit par infecter plusieurs autres personnes à peu près en même temps, au même endroit – indique que seuls trois ont eu lieu à l’extérieur.

En fait, la plupart des virus respiratoires se transmettent plus facilement à l’intérieur. Le coupable le plus probable est la forte baisse de l’humidité relative – la quantité d’eau dans un volume d’air donné par rapport au maximum qu’il pourrait contenir à cette température – lorsque de l’air extérieur froid et déjà sec entre dans une maison et y est chauffé. L’augmentation de la température intérieure augmente la quantité d’eau que l’air peut contenir, mais le niveau d’humidité reste constant, ce qui fait baisser l’humidité relative. Une méta-étude épidémiologique réalisée en mars par des chercheurs de Yale et de Suisse, combinée à des travaux de laboratoire sur des souris à Yale, suggère que l’air intérieur sec contribue à préserver le virus de la grippe, tout en affaiblissant la capacité du système immunitaire à le combattre lorsqu’il s’installe dans le nez ou ailleurs dans les voies respiratoires.

Des recherches épidémiologiques du MIT, de Harvard, de Virginia Tech et de l’université du Connecticut suggèrent que le coronavirus est également plus infectieux en cas de faible humidité relative – tout ce qui est inférieur à 40 % aide le virus à se développer. C’est une mauvaise nouvelle pour la plupart des pays occidentaux, où l’humidité relative à l’intérieur des habitations chauffées descend régulièrement jusqu’à 15 % les jours les plus froids, alors que l’humidité relative intérieure typique est de 50 à 70 % en été.

Comment nous préparer ?

L’un des plus grands changements dans notre compréhension du coronavirus concerne son mode de transmission. Au début, on pensait qu’il se déplaçait par des gouttelettes d’humidité provenant du nez ou de la bouche d’une personne et qui tombaient sur le sol relativement vite. Il est maintenant de plus en plus clair que les minuscules particules porteuses du virus peuvent rester en suspension dans l’air, parfois pendant des heures, ce qui signifie qu’elles peuvent s’accumuler dans une pièce jusqu’à ce que quelqu’un les respire. Il ne suffit pas d’éviter de se tenir trop près d’une personne infectée et non masquée à l’intérieur. Les gens peuvent être infectés par une personne qui se tient à plus de six mètres de distance, même si elle porte un masque et même si la personne infectée a quitté la pièce. En effet, le virus peut voyager plus loin et s’attarder pendant une période plus longue, s’accumulant dans tout l’espace.

Le problème, c’est que ce coronavirus fait cela plus que la plupart des autres virus respiratoires – c’est pourquoi de nombreux responsables de santé publique ont tardé à mettre l’accent sur la transmission aérienne comme principale voie d’infection du Covid-19. Même l’Organisation mondiale de la santé a minimisé le risque en juillet dernier, et les Centers for Disease Control américains ont finalement publié une mise à jour sur la transmission aérienne sur leur site web cette semaine seulement, après avoir publié puis retiré à la hâte une version le mois dernier.

Le faible taux d’humidité aggrave le risque, déclare le biologiste suisse Richard Neher : « L’une des principales raisons pour lesquelles je pense que nous assisterons à une poussée saisonnière de ce virus est que l’eau contenue dans les gouttelettes s’évaporera rapidement dans l’air sec de l’intérieur, laissant le virus dans de minuscules noyaux qui pourront passer plus de temps à flotter ».

Malgré cela, de nombreux scientifiques doutent que les humidificateurs d’air soient utiles. « Pour faire une différence significative, il faut ajouter jusqu’à cinq kilogrammes d’eau par heure dans une pièce », explique le chimiste de l’environnement Jose-Luis Jimenez. Les experts affirment qu’une meilleure façon de réduire le risque de transmission à l’intérieur est d’augmenter la circulation de l’air, ce qui peut disperser les panaches d’air contaminé par le virus d’une personne infectée et réduire l’accumulation du virus dans une pièce. Mais toutes les circulations d’air ne sont pas égales. Il existe en effet plusieurs cas documentés de ventilateurs ou de climatiseurs poussant de l’air contaminé vers des personnes qui ont ensuite été infectées. De plus, le coronavirus peut facilement survivre au trajet grâce aux systèmes de chauffage et de climatisation que l’on trouve dans la plupart des maisons. Faire entrer plus d’air de l’extérieur peut aider. La solution la plus simple consiste à ouvrir les fenêtres, mais par temps froid, cela peut ne pas être pratique, et dans de nombreux bureaux et écoles, cela ne peut pas être fait.

À quoi faut-il s’attendre ?

Alors, à quel point la situation va-t-elle s’aggraver ? Il manque aux scientifiques une pièce cruciale du puzzle pour prédire la facilité avec laquelle le covid-19 se répandra lorsque l’hiver poussera davantage de personnes à l’intérieur : la quantité de virus nécessaire pour tomber malade.

Les virologistes définissent la « dose infectieuse » comme le nombre de particules de virus qu’une personne doit inhaler pour avoir 50% de chance d’être infectée. Les connaissances sur les virus de la grippe, ainsi qu’une étude sur les coronavirus réalisée par des chercheurs japonais qui se sont appuyés sur des recherches sur les animaux et sur l’analyse d’un cas de propagation dans un bâtiment en Chine, suggèrent que la dose infectieuse pour le coronavirus pourrait être d’environ 300 particules inhalées. (L’étude n’a pas précisé sur quelle période.) Ce chiffre doit cependant être validé, et même dans ce cas, il est susceptible de varier d’une personne à l’autre.

Tant que ces chiffres ne seront pas mieux compris, les estimations de la probabilité de transmission dans différentes situations intérieures seront extrêmement approximatives. Le risque pourra être réduit en utilisant des filtres à air là où ils sont disponibles, en trouvant des moyens d’amener plus d’air extérieur et en évitant tout simplement de passer du temps dans des espaces confinés avec des personnes susceptibles d’être contagieuses, c’est-à-dire pratiquement n’importe qui en dehors de votre propre foyer. Mais étant donné le nombre de personnes qui se sont montrées prêtes à faire fi des directives sanitaires dans de nombreux pays, une forte poussée hivernale pourrait être inévitable.

Source : MIT Technology Review

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