Depuis les premiers signes de l’épidémie, les médecins se sont rendu compte que les personnes âgées étaient les plus fortement touchées. Ce sont elles qui grossissent les cohortes de patients placés en réanimation et augmentent les chiffres macabres de la mortalité. Pour autant, peut-on affirmer que les personnes âgées attrapent plus le Covid-19 que les autres catégories de la population ? La réponse vient de tomber à travers une large étude publiée dans la revue Nature.
Les personnes âgées sont en ligne de mire car se sont elles qui succombent le plus à l’épidémie et forment les cas les plus graves. Les communications des gouvernements de la plupart des pays touchés insistent sur la fragilité de cette population, pensant même à les traiter différemment. En France on a ainsi, assez tôt, parlé d’un confinement réservé aux seniors ; une idée qui a suscité un tollé général. Il est vrai que les courbes de la mortalité sont explicites et montrent que les personnes âgées de plus de 65 ans sont des sujets à risque.
Les classes d’âge face au Covid-19 (données au 11 octobre 2020)
Cette fragilité des personnes âgées face au Covid-19 ne signifie par pour autant qu’elles auront plus de risques que les autres catégories de la population d’attraper le virus. Nous n’avons pas toutes les réponses mais un nouveau modèle élaboré par une équipe de chercheurs au Japon suggère que l’âge n’a pas d’incidence sur la sensibilité au virus, mais seulement sur les risques de contracter un cas grave ou de mourir. Les résultats de cette recherche, dirigée par Ryosuke Omori de l’Université d’Hokkaido, ont été publiés dans la revue Nature.
Les chercheurs ont plongé dans les données de trois pays — l’Italie, l’Espagne et le Japon — avec des chiffres Covid-19 très différents, mais tous avec des données sanitaires bien enregistrées. L’équipe a également examiné la répartition par âge de la mortalité imputée au Covid-19, ainsi que le taux de reproduction de base (R0). Le R0 nous indique combien de personnes, en moyenne, contractent le virus d’une personne infectée. L’équipe a constaté que la répartition par âge était très similaire dans tous les pays, mais que le R0 était très différent. « En Italie, en Espagne et au Japon, la répartition par âge de la mortalité due à la Covid-19 ne présente qu’une faible variation, même si le nombre de décès par pays varie beaucoup », écrit l’équipe dans son nouvel article. « Pour comprendre le facteur déterminant de cette situation, nous avons construit un modèle mathématique décrivant la dynamique de transmission et l’histoire naturelle du Covid-19 et analysé l’ensemble des données de mortalité en Italie, en Espagne et au Japon ».
Les scientifiques ont également pris en compte, pour chaque groupe d’âge, le niveau de contact humain à humain estimé, et les niveaux de restriction auxquels chaque pays était soumis, autant de facteurs qui influencent le R0. Leurs calculs aboutissent à une question centrale : si la proportion de cas dans chaque groupe d’âge est similaire dans les trois pays, quelle en est la cause ?
Leur modèle a indiqué que la vulnérabilité ne change probablement pas en fonction de l’âge, mais que l’âge reflète seulement la gravité et la mortalité. « Bien que nous ne puissions pas rejeter totalement l’existence d’une sensibilité dépendante de l’âge, nos résultats suggèrent qu’elle ne dépend pas largement de l’âge, mais plutôt que la gravité de la dépendance de l’âge contribue fortement à la formation de la distribution de la mortalité observée par âge », écrit l’équipe. En clair, le modèle indique que l’âge n’a pas d’incidence dans le fait d’attraper ou non le Covid-19.
Les chercheurs suggèrent que nous avons besoin de plus de données — telles que des taux de létalité précis — pour déterminer la susceptibilité dans les groupes d’âge de manière plus définitive. C’est un sujet assez difficile à étudier, c’est pourquoi l’équipe recommande une étude intensive à grande échelle avec des détections en temps réel. Malheureusement, il est peu probable que cela se fasse dans un avenir proche, mais il faut espérer qu’une modélisation épidémiologique plus poussée sera la prochaine étape à franchir. Une enquête potentiellement plus facile pourrait consister à examiner d’autres pays pour voir si le modèle tient toujours la route.