Reliefs n°20 : Deltas – Collectif – Reliefs éditions, 8 novembre 2024 – 184 pages
Le nouveau numéro de la revue Reliefs propose pour dossier central des articles sur les Deltas. Des articles au long cours, des entretiens et portraits, des cartes et infographies ainsi que des extraits littéraires qui explorent les deltas du monde entier sous des angles historiques, scientifiques, artistiques, écologiques, poétiques et politiques.
Le dossier s’ouvre avec une tribune de François Gemenne, spécialiste de géopolitique de l’environnement, pointant le paradoxe deltaïque : comment réduire l’exposition des habitants des deltas aux risques, quand la population ne cesse d’augmenter ?
La géographe Magali Reghezza-Zitt dresse le portrait physique et humain des deltas.
Puis la géographe Delphine Gramond présente la biodiversité des deltas, qui sont des « mosaïques vitales ».
Enfin, la géophysicienne Mélanie Becker demande comment sauver les deltas, menacés de submersion et d’érosion, notamment à cause de la montée des eaux et de la subsidence.
Ces articles sont suivis d’un entretien avec Gaël Hemery, directeur de la réserve naturelle nationale de la Camargue qui revient sur la construction de cet espace à la topographie subtile.
Le dossier se prolonge avec trois extraits littéraires, « Le pays des wateringues » de Charles Lenthéric ; « Le Mississipi, études et souvenirs » d’Elisée Reclus ; « Lord Jim« , de Joseph Conrad, et se clôt par des infographies sur les espèces menacées des deltas et des estuaires, les principales zones deltaïques du monde, la distinction entre estuaire, delta et lagune, et enfin des suggestions de livres, de films et de musiques.
« Le paradoxe deltaïque, par François Gemenne
Les deltas cultivent un curieux paradoxe : ils comptent parmi les zones du monde qui sont à la fois les plus densément peuplées et les plus directement menacées par les effets du changement climatique.
Historiquement, on sait que c’est avant tout la fertilité des sols qui a attiré les populations dans les deltas. Et c’est la raison pour laquelle ils abritent aujourd’hui une part de la population mondiale bien supérieure à la part des terres émergées qu’ils représentent. Selon qu’on prend une définition plus restrictive ou plus large, ils regrouperaient entre 5 % et 14 % de la population mondiale, pour une part des terres émergées évaluée entre 0,65 % et 2 %. Le ratio reste stable, de 7 à 1. C’est dire s’il s’agit de zones particulièrement peuplées. Et ce peuplement augmente rapidement: chaque année, la population des deltas croît de 1,6 %, un taux bien supérieur à la croissance de la population mondiale. Des deltas comme celui du Gange, du Nil ou du Yangtsé affichent une densité de population de plus de 1 000 habitants au km 2 et abritent des mégapoles comme Shanghai, Hô Chi Minh-Ville ou Dacca.
Or, on le sait, les deltas sont également menacés de subsidence, principalement en raison de la hausse du niveau des mers. Ce sont des zones, par nature, de très faible élévation, dans laquelle toute élévation du niveau marin créée immédiatement des inondations. Ce sont aussi des zones particulièrement exposées au risque de tempêtes et de vagues de submersion. Certains États ont donc, logiquement, commencé à envisager des mesures de relocalisation des populations situées dans les deltas : c’est le cas du Vietnam, qui a lancé il y a plus de vingt ans le programme Living with floods (« Vivre avec les inondations »), qui vise à déplacer dans les collines des villages du delta du Mékong menacés de submersion.
Voilà donc la grande question posée par les deltas aux stratégies d’adaptation au changement climatique : comment réduire l’exposition de la population aux risques, alors même que la population exposée ne cesse d’augmenter ? Faut-il barricader les deltas, quitte à les dénaturer ? Ou faut-il au contraire envisager des mesures de relocalisation à plus grande échelle, comme le conçoit l’Indonésie avec le déplacement de sa capitale Jakarta vers une ville nouvelle sur l’île de Bornéo, Nusantara («archipel ») ? »
Hors dossier
Un entretien avec Christine Rollard, aranéologue, rattachée au Muséum national d’Histoire naturelle, bat en brèche le cliché de l’araignée tueuse et malfaisante ; quand, dans l’aparté, l’archéologue Stéphen Rostain nous apprend que la forêt amazonienne était aménagée et abritait de véritables fourmilières humaines.
Dans la rubrique « altitude/longitude », la chercheuse Sylvie Ollitrault revient sur l’histoire des luttes pour la protection de l’environnement, des premières tentatives de protections aux luttes actuelles ; puis le sociologue de l’alimentation Eric Birlouez présente plusieurs légumineuses africaines aux nombreux nutritionnels et vertus agronomiques.
L’historienne des sciences Valérie Chansigaud trace ensuite le portrait d’Henry David Thoreau, philosophe et poète, naturaliste et écologiste. Le premier portfolio présente le premier volet de Mark Ruwedel sur le paysage de Los Angeles : River Run Through it.
Le second est consacré à WATER COLUMN, de Taiyo Onorato et Nico Krebs, qui nous plonge dans les profondeurs aquatiques.
Le numéro propose enfin un extrait de l’Histoire d’une goutte d’eau, où Zulma Carraud, amie de Balzac, parcourt, de façon imagée et humoristique, le cycle de l’eau.
De nombreuses autres rubriques rythment les pages de Reliefs : un « atlas » sur le pygargue à tête blanche, trois cartes anciennes, un agenda culturel, des biographies de héros et héroïnes d’hier et d’aujourd’hui, un aperçu de la collection de minéraux du Musée de minéralogie de l’Université autonome de Madrid, une lettre de Pétrarque (« L’ascension du Mont Ventoux« ), un poème de Renée Vivien (« Les algues« ), les planches d’algues d’eau douce britanniques de Mordecai Cubitt Cooke, les trésors photographiques arctiques de Charles Rabot et enfin, une playlist pour accompagner la lecture.