Politiques de sobriété, de Bruno Villalba – Editions Le Pommier, 26 avril 2023 – 125 pages
La crise énergétique, doublant à présent la crise environnementale liée à l’exploitation des ressources fossiles, a rendu la sobriété inévitable. L’idée, pourtant, n’est pas neuve : de l’éthique personnelle promue par les épicuriens ou les stoïciens à la « sobriété heureuse » de Pierre Rabhi, en passant par la tempérance comme vertu théologale chrétienne, l’histoire de la sobriété plonge loin ses racines dans les sociétés de subsistance. Mais qu’en est-il dans nos sociétés d’abondance récente désormais sous contrainte écologique ?
Pour Bruno Villalba, il manque encore à la sobriété de devenir politique. Quelles seraient les conditions de cette politisation ? Quels en seraient les effets autres que le seul rationnement ? Et comment, en ce cas, les politiques de sobriété ne nous conduiraient-elles pas à réexaminer à nouveaux frais un certain nombre de concepts-clés de la démocratie représentative, comme la justice sociale et l’égalité ?
En réalité, loin de consister simplement en l’élargissement d’une éthique personnelle, une politique de sobriété impliquerait de réviser en profondeur les conditions de bien-être de notre société matérialiste, hédoniste et pluraliste. Sommes-nous réellement prêts à renoncer à un imaginaire de l’abondance et à adapter notre liberté aux limites planétaires ?
Le livre se propose de revenir sur l’évolution de la notion de sobriété (de l’éthique personnelle aux propositions de l’écologie politique), afin d’en montrer la portée politique émancipatrice. Cependant, il ne s’agit pas de simplement se satisfaire d’un discours consensuel sur l’adoption d’une sobriété dépolitisée (par la technique ou le marketing), mais d’interroger les conséquences de son adoption. Dès lors que l’on conçoit la sobriété comme une politique de renoncement au productivisme/consumérisme généralisé, les notions de justice, d’égalité, de développement, d’innovation, d’alterité… sont interrogées. À l’heure du dépassement des limites planétaires, on ne peut plus se contenter de produire un discours continuant à associer fictivement abondance et liberté. Retour à la matérialité et aux choix qu’elle impose. Le livre tente alors de proposer une contribution à un débat démocratique sur le fait d’assumer socialement et écologiquement le choix de la sobriété.
Bruno Villalba est professeur de science politique à AgroParisTech, et membre du laboratoire Printemps. Aux Éditions du Pommier, il est l’auteur, en 2021, de Les Collapsologues et leurs ennemis.