Un nouveau rapport scientifique souligne le rôle important de l’océan profond dans l’atténuation du changement climatique et alerte quant aux graves menaces qui pèsent sur les eaux profondes en raison des activités humaines, parmi lesquelles l’extraction pétrolière et gazière, le chalutage et l’exploitation minière émergente dans les eaux profondes. « Intact : Le rôle vital de l’océan profond pour nous protéger de la crise », publié début novembre et cosigné par des scientifiques de premier plan, met en évidence le rôle crucial de l’océan profond sur notre planète.
Des scientifiques de l’Initiative Benioff pour l’océan, de l’Institution d’océanographie Scripps et du Programme international sur l’état de l’océan IPSO examinent les menaces qui pèsent sur la santé de l’océan profond dans ce nouvel article et alertent quant à l’urgence de réduire ces menaces majeures — au risque sinon d’enrayer les services écosystémiques vitaux que nous rend l’océan profond.
Lisa Levin, professeure émérite au sein de l’Institution d’océanographie Scripps et membre de l’équipe ayant préparé le rapport, déclare : « La volonté mondiale de réduire les émissions et de renforcer le stockage et l’atténuation du carbone crée une conjoncture favorable pour souligner la contribution climatique de l’océan profond et la nécessité de le protéger. » Elle ajoute : « Tout dommage causé par les activités humaines aux eaux profondes interagirait avec les impacts du changement climatique et les aggraverait, affaiblissant toujours plus la résilience des créatures et des écosystèmes des eaux profondes. »
Les conclusions du rapport arrivent à un moment charnière pour l’océan et le climat, juste après la conférence mondiale de l’ONU sur le climat, la COP27, et la conférence de l’ONU sur la biodiversité, la COP15, qui s’est tenue jusqu’à ce 19 novembre à Montréal. Parallèlement, des représentants des États se sont retrouvé en Jamaïque pour une réunion de l’Autorité internationale des fonds marins afin de négocier les règles et réglementations qui, si elles sont approuvées et adoptées, pourraient ouvrir l’océan profond à l’exploitation minière commerciale des grands fonds marins dès juillet 2023.
Diva Amon, exploratrice de National Geographic et biologiste des eaux profondes au sein de l’Initiative Benioff pour l’océan, alerte contre les dangers de cette industrie extractive émergente : « Si elle est autorisée, l’exploitation minière des eaux profondes conduirait inévitablement à une perte de la biodiversité et à l’extinction d’espèces à une échelle géographique et temporelle considérable. » Plus de 650 scientifiques et experts politiques du monde entier unissent leurs voix pour demander une interruption de cette industrie dans le monde entier face aux risques qu’elle fait courir à la nature et au climat, y compris en ce qui concerne le cycle du carbone et son stockage dans les eaux profondes.
Mirella von Lindenfels du programme IPSO explique : « Nous devons retrouver l’équilibre avec la nature bleue et protéger l’océan profond. Il est notre meilleur allié contre le changement climatique. C’est pourquoi il est important de le protéger au plus vite contre toute forme de menace et d’exploitation. »
Le rapport demande instamment aux autres parties intéressées par le sujet de se saisir de cette occasion unique qu’offrent les négociations internationales en cours, et notamment celles sur les accords de la CCNUCC relatifs au climat et celles sur le traité relatif à la haute mer. Diva Amon ajoute : « La convergence de ces processus offre à la communauté internationale une occasion unique de collaborer, de tracer les limites et de prendre des mesures concrètes pour protéger un de nos meilleurs alliés dans la crise climatique. Grâce à une gouvernance intégrée, holistique, fondée sur la science et sur des données factuelles, nous pouvons protéger cet espace essentiel et encore relativement intact de la planète. »
Les principales recommandations du rapport
- Cesser toutes les activités humaines qui perturbent les grands fonds marins, entraînent une perte de la biodiversité et risquent de perturber des services écosystémiques irremplaçables, comme l’extraction gazière et minière, le chalutage de fond ou l’exploitation minière dans les eaux profondes.
- Favoriser des recherches solides sur les eaux profondes, indépendantes des intérêts de l’industrie extractive.
- Établir et élargir des aires marines protégées efficaces pour le climat, conçues pour améliorer la résilience climatique.
- Introduire des politiques et stratégies qui soutiennent la protection des services écosystémiques d’eau profonde, et adopter des approches de précaution pour éviter la perte irréversible de ces services.
- Développer des interventions et des stratégies climatiques fondées sur le climat et éviter des dégâts importants ou irréversibles dans les eaux profondes.
- Gérer la pêche en tenant compte du climat (et inversement), en faisant attention au rôle des poissons dans le stockage du carbone et en gérant les stocks de façon à intégrer les changements d’origine climatique.
- Adopter, mettre en œuvre et améliorer les règles et accords internationaux qui traitent conjointement de la biodiversité et du changement climatique, dont les accords de la CCNUCC sur le climat, les négociations du traité sur la haute mer et les évaluations d’impact de la pêche en eau profonde par les organisations régionales de gestion de la pêche.