L’UNESCO publie le premier recueil mondial de données sur les efflorescences algales nuisibles, ces micro-organismes qui appauvrissent les stocks de poissons, détruisent les fermes piscicoles et peuvent être porteuses de maladies, voire causer la mort de l’homme et des gros animaux marins.
Photo : Vaste efflorescence planctonique au large de la Bretagne, vu depuis l’espace (plus de 20 000 km2) ©NASA
Dans un examen au cas par cas des données sur les efflorescences algales nuisibles (harmful algal blooms, HAB), cet ouvrage tire la sonnette d’alarme : ce phénomène tend à se développer, comme cela a pu être observé par exemple le long des côtes de Floride (Etats-Unis), où des données sont répertoriées depuis le milieu du 19e siècle, ainsi qu’en Inde et à Oman. Dans l’Adriatrique et la Baltique, les incidents algaux nuisibles progressent malgré la prise de conscience des gouvernements et les décisions prises pour limiter la production et le rejet de phosphate et autres produits chimiques toxiques.
Ce phénomène peut être naturel ou favorisé par des pollutions terrigènes ce qui entraine des proliférations intenses et longues pouvant conduire à des « zones mortes », en raison d’une consommation de la totalité de l’oxygène dissous dans l’eau la nuit et/ou d’émissions de toxines par certaines espèces de plancton : Elles déstructurent et appauvrissent fortement la chaîne alimentaire en raison d’une forte consommation nocturne de l’oxygène dissous et/ou par la production et émission dans le milieu de molécules écotoxiques.
Leur coût annuel a été estimé être de 2,2 et 4,6 milliards de dollars par an rien que pour les États-Unis et uniquement pour les efflorescences d’eaux douces selon une étude de Dodds et al. (2009) (1).
Les efflorescences algales nuisibles se développent rapidement en raison donc de la raréfaction de l’oxygène dans l’eau et bloquent la lumière du soleil dont de nombreuses plantes et animaux marins ont besoin. Les proliférations d’algues nocives peuvent être vertes, brunes ou même d’un rouge orangé.
Certaines proliférations d’algues nuisibles libèrent des toxines à mesure qu’elles grandissent ce qui peut nuire à d’autres espèces et créant des dangers de santé publique pour l’homme. Les cyanobactéries, en particulier, produisent des toxines et entachent à la fois l’eau potable, les lacs et les océans. Nager dans l’eau potable ou entachée de cyanobactéries peut provoquer la grippe de l’estomac, des irritations de la peau et même des dommages au foie.
Mais ces algues marines nuisibles peuvent nuire ou tuer les poissons et autres animaux marins. Si les humains mangent ces poissons contaminés, ils peuvent avoir des symptômes neurologiques. Et si les toxines sont inhalées, certaines personnes souffrent de crises d’asthme.
« Micro-algues toxiques et nuisibles de l’océan mondial » (Guides et Manuels de la Commission océanographique intergouvernementale n°68, 523 pages), rédigé par les biologistes marins et les chimistes Patrick Lassus, Nicolas Chomérat, Philipp Hess et Elizabeth Nézan, examine les tendances relatives à la prolifération de ces micro-organismes marins toxiques et évalue les politiques permettant d’en limiter la propagation.
L’augmentation des HAB est étroitement liée à une exploitation intensive des zones côtières, à travers l’aquaculture, le tourisme et les autres activités humaines, qui a pour effet de mettre les populations et les ressources en contact avec les micro-algues toxiques. Ces activités favorisent le développement des HAB lié à un excès de nutriments issus des déchets générés par l’homme et des produits chimiques, de la surpêche et de l’augmentation du trafic maritime.
Certaines observations sont plus encourageantes. Des baisses ont été observées là où des mesures ont été prises pour améliorer le traitement des eaux usées et les technologies de pisciculture. La mer intérieure de Seto au Japon, où un programme de suivi des HAB est en place depuis 50 ans, en est un exemple. Les incidents d’HAB à Seto se sont stabilisés autour de 100 par an, grâce aux réglementations nationales visant à contrôler les rejets de nutriments et de déchets.
Dans de nombreux pays européens (2), les réductions d’HAB sont d’abord dues à des mesures de gestion s’appuyant sur des observations régulières et des alertes précoces. Grâce à la législation européenne adoptée en 1991, ces pays ont mis en œuvre un suivi efficace après des cas graves d’intoxication dans les années 1980.
Cette monographie de l’UNESCO présente des données identifiant 174 algues et 100 espèces produisant des toxines regroupées dans 24 classes chimiques différentes pour 11 pathologies humaines différentes. Une cinquantaine de photos donnent à voir 62 espèces. Les auteurs espèrent que cette publication aura pour effet de stimuler la recherche et l’identification de nouvelles espèces.
Disponible en anglais et français, cette publication est destinée à un large public, notamment aux pisciculteurs et aux conchyliculteurs, aux agences de surveillance et aux scientifiques.
Cet ouvrage est une publication conjointe de la Commission océanographique intergouvernementale de l’UNESCO et de la Société internationale pour l’étude des algues nuisibles. Elle a bénéficié du soutien de la Fondation Prince Albert II de Monaco et de plusieurs organismes régionaux, nationaux et internationaux.
Dans les cas où les apports sont terrigènes et agricoles, urbains et industriels, il s’agira de supprimer les rejets d’eau polluée en mer, et de réduire à la source des rejets de nitrates et phosphates et de construire des stations d’épuration et/ou des systèmes de lagunage naturel capables de traiter ces rejets avant de rejeter l’eau dans le milieu naturel.
La lutte contre l’érosion des sols et une politique de déseutrophisation des eaux de surface, de renaturation des berges (les racines des arbres fixent les berges et prélèvent des nitrates directement dans l’eau), des stratégies de lutte contre les inondations brutales (source de turbidité et de transferts de nitrates) peuvent être aidés par le génie écologique (ex : pose de fascine, création bassins tampon renaturés, ou encore réintroduction de castors qui par leurs barrages régulent les débits de certains cours d’eau…). Ces mesures peuvent contribuer à rendre les eaux de ruissellement plus propres de la source à l’estuaire (Source Wikipedia).
Restaurer les populations naturelles et en bonne santé d’organismes filtreurs (coraux, éponges, bivalves et autres filtreurs…) peut aussi contribuer au bon état écologique des eaux.
Source : Unesco – Bibliothèque numérique, 2015
Lire la publication (en anglais)
(1) Dodds, W.K., Bouska, W.W., Eitzmann, J.L., Pilger, T.J., Pitts, K.L., Riley, A.J., Schloesser, J.T., Thornbrugh, D.J. (2009) Eutrophication of U.S. freshwaters: analysis of potential economic damages. Environ. Sci. Technol 43, 12–19
(2) Allemagne, Danemark, Espagne, France, Irlande, Norvège, Royaume-Uni, Suède
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