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Orang-outan
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Devrions-nous abandonner la moitié de la Terre à la vie sauvage ?

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Selon un rapport récent, le nombre d’animaux sauvages sur Terre a diminué de moitié au cours des 40 dernières années. La sixième extinction massive d’espèces est aujourd’hui en marche. La Terre n’avait pas vu disparaître autant d’espèces animales depuis la fin des dinosaures. Les causes de cette situation sont bien connues : déprédations humaines, destruction de l’habitat des espèces, surpopulation, épuisement des ressources, étalement urbain et changement climatique.
Des voix s’élèvent pour abandonner une partie de notre planète à la vie sauvage. Une réunion internationale de scientifiques aura lieu à Londres les 27 et 28 février prochains pour décrypter les tenants et les aboutissants d’une telle proposition.
 
L’orang-outan est l’une des créatures les plus intelligentes de notre planète. Il utilise des outils pour débusquer sa nourriture, il est capable de comportement sociaux complexes.  Certains de ses congénères ont même joué un rôle primordial dans l’histoire intellectuelle de l’humanité. Ce sont eux en effet qui ont inspiré Darwin alors qu’il écrivait sa théorie de l’évolution.  Mais ces animaux auxquels nous devrions rendre hommage sont sur la voie d’une extinction inéluctable. La moitié d’entre eux ont disparu depuis 1995.
 
La semaine dernière, une étude internationale a révélé que sa population à Bornéo, dernier bastion principal de l’animal, se situe aujourd’hui entre 70 000 et 100 000 habitants, soit moins de la moitié de ce qu’elle était en 1995. « Je m’attendais à voir un déclin assez marqué, mais je ne m’attendais pas à ce qu’il soit aussi important », a déclaré un des coauteurs de l’étude, Serge Wich de l’Université John Moores de Liverpool. Histoire d’en rajouter une couche, si besoin était, les écologistes affirment que le nombre de ces animaux devrait diminuer d’au moins 45 000 de plus d’ici 2050, en raison de l’expansion des plantations de palmiers à huile, qui remplacent leurs maisons forestières. L’une des créatures les plus spectaculaires de la Terre se dirige vers l’oubli, avec le dauphin Vaquita, le rhinocéros de Javan, le gorille de plaine de l’ouest, le léopard d’Amour et de nombreuses autres espèces dont le nombre est aujourd’hui en déclin spectaculaire. Tout comme est menacé le sort du tigre de Tasmanie, du dodo, du pic à bec ivoire et du dauphin Baiji, tous victimes de l’envie de tuer, d’exploiter et de cultiver.
 

Avertissement

Les scientifiques nous lancent donc un avertissement : si cela continue, bientôt l’espèce humaine se retrouvera seule sur Terre, avec ses quelques animaux domestiques et ses parasites. La planète sera tout simplement dépourvue de faune sauvage. Ce tableau apocalyptique sert de toile de fond à la conférence qui se tient à Londres les 27 et 28 février : Sauvegarder l’espace pour la nature et garantir notre avenir.
L’objectif du colloque est simple : définir les moyens nécessaires pour créer suffisamment de réserves et d’aires protégées pour stopper ou limiter sérieusement l’événement majeur d’extinction auquel l’humanité est aujourd’hui confrontée. Pour les scientifiques, il y a urgence.
 
La question n’est pas nouvelle. Déjà en 2010, une importante conférence internationale s’était tenue au Japon. Les gouvernements participant à cette conférence avaient convenu d’établir un réseau de réserves et de mers protégées qui, d’ici 2020, couvrirait 17 % de la surface terrestre de la Terre et 10 % de nos océans. « A plus de deux ans de la fin de cette échéance, nous avons maintenant environ 15% des terres protégées et 7% des océans « , a déclaré Mike Hoffman, de la Zoological Society of London, au Guardian, l’un des organisateurs de la conférence de Londres.
 
Parmi les nouvelles réserves créées dans la foulée de cette conférence, on peut citer la réserve naturelle nationale Termit Tin Toumma au Niger, qui abrite l’antilope Addax et la gazelle Dama, toutes deux en danger critique d’extinction, ainsi que le parc national de Yaguas au Pérou, qui est connu pour ses lamantins, ses dauphins de rivière, ses loutres géantes et son singe laineux.
A quelques jours de l’ouverture de la Conférence de Londres, Mike Hoffman précise le cadre des travaux : « La conférence évaluera dans quelle mesure ces nouvelles réserves ont contribué à la conservation, examinera les problèmes rencontrés lors de leur mise en place et étudiera les moyens d’apporter de nouvelles améliorations pour nous assurer que nous atteindrons notre objectif de 17% de terres et 10% de protection des océans d’ici la prochaine grande conférence sur la biodiversité en Chine en 2020 ».
 

Réensauvager la moitié de la planète

Les choses semblent progresser dans le bon sens mais de nombreux écologistes estiment que ces mesures sont encore insuffisantes. En effet, selon eux, même si, les objectifs sont atteints, ils n’arrêteront pas les extinctions d’espèces sur la planète. Aujourd’hui, disent-ils, les accords internationaux consistent à négocier quelles espèces nous devons protéger alors qu’il faudrait mettre en œuvre une approche beaucoup plus ambitieuse pour sauver au moins 50 % de la faune sauvage d’ici 2050.
 
Cette idée de réensauvager la moitié de la planète n’est pas nouvelle. Elle a été lancée par le fameux biologiste d’Harvard, E.O. Wilson dans son livre le plus récent : Half Earth. Le célèbre biologiste et naturaliste suggère pour cela de constituer de grands parcs de la biodiversité et de préserver et réorganiser l’habitat en reliant les populations locales au niveau continental. Les habitants de ces gigantesques réserves y travailleraient comme éducateurs environnementaux, gestionnaires ou encore gardes forestiers. Ce modèle s’inspire des projets de conservation à grande échelle tels qu’il en existe déjà dans le nord-ouest du Costa Rica avec la zone de conservation de Guanacaste (ACG).

LIRE DANS UP’ : Réensauvager la moitié de la Terre : la dimension éthique d’un projet spectaculaire

Il est intéressant de préciser que cette idée de réensauvagement a émergé en Amérique du Nord, dans les années 1990, au cœur des discussions sur le désert chez les partisans de l’écologie profonde. Plusieurs groupes issus de ce mouvement ont continué à développer cette idée, en particulier le Wildlands Network, le Rewilding Institut et la Wild Foundation. Ces mouvements proposent d’associer la science de la conservation, l’éducation et des initiatives politiques pour promouvoir la protection et la restauration des habitats à l’échelle continentale ainsi que des corridors écologiques garantissant la préservation de la faune et de la flore nord-américaines. On peut ainsi citer cette initiative qui propose de relier les écosystèmes du Yellowstone et du Yukon le long des montagnes Rocheuses.
 

La coexistence problématique entre l’homme et la faune sauvage

Cette idée d’établir des modèles intégrés de réserves fauniques se fonde sur la nécessité, selon certaines organisations pro-conservation, de permettre aux animaux de se déplacer relativement facilement d’une réserve à l’autre et de maintenir ainsi la diversité génétique entre les populations.
Une belle idée mais qui se heurte à de nombreuses difficultés. L’une d’entre elles est que les animaux n’ont aucun penchant pour le respect des frontières. Ils quittent leurs aires protégées sans demander de permis de séjour et entre en conflit avec les populations humaines locales.
Ce problème trouve sa pleine illustration avec le loup dont le nombre a commencé à se développer en Europe grâce aux efforts de conservationnistes. Mais chaque semaine, on relate la colère d’un berger qui a vu son troupeau dévoré dans la nuit.
 
D’autres questions délicates sont à l’agenda de la conférence de Londres, et notamment celles qui concernent l’Afrique. Le continent est encore assez riche en faune sauvage, mais on s’attend à ce qu’il change beaucoup plus radicalement que n’importe quelle autre partie du monde à mesure que la croissance de l’humanité se poursuivra tout au long de ce siècle. Selon les chiffres de l’ONU les plus récents, il y a environ 7,5 milliards d’hommes, de femmes et d’enfants qui vivent sur notre planète, et ce chiffre devrait s’élever à environ 11,2 milliards d’ici la fin du siècle – avec pratiquement toute cette augmentation concentrée en Afrique. La population de ce continent devrait passer de 1,25 milliard de personnes aujourd’hui à environ 4,25 milliards en 2100.
L’impact sera frappant et se fera sentir au fur et à mesure que le changement climatique se répercutera sur les écosystèmes du continent, ce qui entraînera des frictions internationales considérables. Les Africains accepteront-ils que la communauté internationale leur dise où et quand ils devraient établir des réserves et leur impose de cesser l’exploitation forestière ou agricole ? Compte-tenu de la détresse dans laquelle ils se trouveront, il y a peu de chance que le sort de la faune sauvage ne devienne leur préoccupation principale.
 
 
Source : The Guardian
 

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