Il a plu en mars, mais pas partout et surtout pas assez : avec 75% des nappes à des niveaux modérément bas à très bas, le spectre d’une sécheresse estivale se renforce, notamment pour une cinquantaine de départements qui pourraient connaître une situation pire que l’été dernier.
« La situation est assez inquiétante car quasiment toute la France est touchée et on enchaîne les années sèches« , en comptant 2019, 2022 et 2023, a commenté Violaine Bault, hydrogéologue au Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM), ce 13 avril après la publication de son bilan mensuel.
Fin février, au sortir de l’hiver, période où les nappes sont censées se recharger avant que la végétation ne reprenne sa croissance, la situation était déjà critique, avec 80% des nappes métropolitaines à des niveaux bas ou très bas.
Et en mars, malgré un excédent de pluie par rapport aux normales de l’ordre de 40% au niveau national, c’est à peine si les choses se sont améliorées, constate l’organisme public en charge de la surveillance des eaux souterraines. Les pluies ont d’abord permis d’humidifier les sols secs puis ont permis à la végétation de sortir de sa dormance avant de réussir à s’infiltrer en profondeur.
Ainsi, seuls 40% des points observés par le BRGM ont augmenté, 32% sont restés stables et 27% en baisse. Au global, 75% des nappes françaises sont modérément basses à très basses, dont 35% présentent des niveaux qu’on ne retrouve normalement que tous les 5 à 10 ans.
Seules les nappes de la Bretagne à la Nouvelle-Aquitaine ont bénéficié « d’épisodes conséquents de recharge ». Mais plusieurs autres, en Champagne, dans le couloir Rhône-Saône, le Roussillon ou en Provence/Côte d’Azur, affichent toujours des niveaux inquiétants. « Cela est dû au fait que les pluies sont tombées sur des sols très secs et ont ainsi eu du mal à s’infiltrer en profondeur« , a indiqué Mme Bault.
« Risque avéré » pour cet été
Une situation d’autant plus préoccupante que la période de recharge de cet automne et cet hiver, saisons particulièrement douces et sèches cette année, a été « très insuffisante pour compenser les déficits accumulés » depuis plus d’un an. Or cette période où les recharges des nappes se font habituellement est désormais terminée.
À partir du mois d’avril, la hausse des températures, la reprise de la végétation et donc l’augmentation de l’évapotranspiration vont limiter nettement l’infiltration des pluies vers les nappes. Les tendances d’avril dépendront alors de ces facteurs mais également de la sollicitation par les prélèvements prévoit le BRGM. Le faible enneigement des massifs ne devrait pas permettre de soutenir les niveaux des nappes sensibles à la fonte hivernale durant le printemps.
En absence de précipitations suffisantes, la vidange devrait se généraliser à l’ensemble des nappes courant avril. Les niveaux devraient alors rester en baisse jusqu’à l’automne. En conséquence, la situation devrait se dégrader, rapidement sur les nappes les plus réactives et les plus sollicitées par des prélèvement et lentement sur les nappes inertielles et peu exploitées. En cas d’absence de pluie et de température élevée, le début précoce des campagnes d’irrigation pourrait également influencer la situation des nappes.
Le BRGM estime donc que le risque de sécheresse estivale pour certaines régions est désormais « avéré », sauf à connaître des pluies exceptionnelles dans les prochaines semaines.
L’alerte est particulièrement forte pour les départements allant de la Picardie au bassin parisien, ainsi que le centre et le sud-est du pays, qui présentent un risque « très fort » de sécheresse « présageant d’un printemps et d’un été probablement tendus » avec des restrictions d’eau « très probables ». Le Var et le sud de la Drôme présentent même des « niveaux historiquement bas », précise Mme Bault.
De quoi craindre une situation pire que l’été dernier, où la sécheresse avait été historique ? C’est possible, répond le BRGM, si le printemps et l’été sont aussi secs qu’en 2022. À fin mars, en tout cas, « le risque est très fort » car le niveau des nappes est actuellement « très inférieur à ceux de 2022 ».
L’an dernier, à la même époque, seuls 58% des niveaux étaient sous les normales (contre 100% aujourd’hui). Pourtant à fin août 2022, la quasi-totalité du territoire subissait des restrictions d’eau et 700 communes ont été concernées par des problèmes d’eau potable.
Niveau rouge
Actuellement, une quarantaine de départements métropolitains sont en vigilance, dont une quinzaine en alerte sécheresse (les Bouches-du-Rhône sont déjà en partie au niveau rouge, le pire, interdisant les prélèvements agricoles), selon Propluvia.
Selon Météo-France, entre septembre et mars, le déficit de pluie a atteint 10%. C’est moins que l’année dernière à la même période où il était de 18%, mais les sols sont actuellement très secs sur certaines régions où il n’a quasiment pas plu.
« Face à l’urgence d’agir, nous ne devons pas avoir la main qui tremble pour prendre les décisions nécessaires« , commente auprès de l’AFP le ministre de la Transition écologique, Christophe Béchu. Il précise que le prochain comité d’anticipation et de suivi hydrologique se réunira le 27 avril et qu’un nouveau guide sécheresse sera publié « d’ici la fin du mois ».
Le 30 mars, Emmanuel Macron avait annoncé un « plan eau » comprenant 53 mesures destinées à préparer la France à une nouvelle sécheresse cet été, et à plus long terme à s’adapter à une ressource en eau plus rare du fait du réchauffement climatique.
La situation est préoccupante et face à l’ampleur de la crise annoncée, on peut s’interroger sur la portée des mesures annoncées. Le plan eau prévu par le gouvernement suffira-t-il alors que la situation des nappes phréatiques, en ce moment en France, est des plus inquiétantes ? D’autant que, du côté des cours d’eau (ruisseaux, rivières, fleuves…), les indicateurs à la fin février étaient tout aussi préoccupants. Selon les dernières données de février 2023, une majorité des cours d’eau affichait un débit moyen de 40 % seulement par rapport à la normale. Sur plus de 200 points mesurés, le débit moyen pour février 2023 ne dépassait même pas les 20 %.
L’état hydrique de la France oblige à revoir non seulement la politique de l’eau dans le pays, mais aussi et surtout les pratiques gourmandes en eau. Une révolution devenue cruciale pour adapter nos pratiques, notamment agricoles, au climat de demain.
Avec AFP
«Le plan eau prévu par le gouvernement suffira-t-il alors que la situation des nappes phréatiques, en ce moment en France, est des plus inquiétantes ?» Aucune chance, étant donné que le Plan Eau de Macron ne concernera pas l’agriculture intensive qui peut consommer jusqu’à 80% des ressources en eau en été. Le maïs grain pour nourrir les volailles industrielles et le maïs ensilage pour, en alternance avec les tourteaux de soja brésilien, alimenter bovins, caprins et ovins, tout aussi concentrationnés que les premières citées, vont donc continuer de pomper les réserves aquifères. Et dire que ce maïs ensilage est de… Lire la suite »