Selon les prévisions, la capitale « pourrait connaître des vagues de chaleur en moyenne 34 jours par an d’ici 2080, contre 14 jours par an dans les années 2010 », et le nombre moyen de nuits tropicales pourrait y passer de 5 à 35 par an. Dans une ville « particulièrement minérale et dense », urbanisée « à plus de 80% », les matériaux (pierre, béton, asphalte, zinc) et les activités humaines « génèrent une augmentation supplémentaire de la température pouvant aller jusqu’à 8 ou 10°C par rapport à ses alentours, notamment la nuit ». Pour maintenir Paris habitable, les élus se mobilisent et proposent un plan ambitieux.
Dans un rapport voté à l’unanimité après six mois d’auditions, les élus de la mission « Paris à 50°C » formulent 85 recommandations pour adapter la ville « aux vagues de chaleur ». Si « la Ville de Paris a déjà mis en place de nombreuses actions » pour limiter les effets des canicules, « le risque que Paris surchauffe et devienne inhabitable à moyen terme est réel », préviennent des élus de tous bords.
Débitumisation et végétalisation
Les élus valident les projets de végétalisation déjà menés en nombre par la maire socialiste Anne Hidalgo, comme les « rues aux écoles » – 57 aménagées ou en travaux – ou les « cours oasis » – 100 réalisées à ce stade dans les écoles. Ils lui demandent aussi d’aller plus loin avec « une placette oasis par quartier » et en généralisant la « débitumisation des places de parking et de vélo », remplacées par de l’herbe. Ils réclament de végétaliser les « façades les plus exposées » à la chaleur avec « des plantes grimpantes à faible entretien ».
La végétation, comme les arbres ainsi que les toitures et murs végétalisés, exerce un rôle important de régulateur thermique. Grâce à l’évapotranspiration (qui désigne l’émission d’eau via les pores des feuilles) et à l’ombre qu’elle produit, elle garde les rues fraîches et empêchent le stockage de la chaleur du soleil dans le bitume au cours de la journée. Une étude menée par le Lawrence Berkeley National Laboratory estime que la présence d’arbres en milieu urbain permettait une réduction de la climatisation des espaces allant jusqu’à 40 %.
Outre leur rôle de régulateur thermique, les plantes constituent également des puits de carbone (elles captent le CO2 ambiant), des barrières contre les odeurs, les bruits et les particules fines. Et bien entendu, elles captent les eaux de pluie par leurs racines, limitant le ruissellement dans les rues. Cet aspect revêt une importance particulière au sein des villes sensibles au risque d’inondation.
Faudra-t-il repeindre les toits de zinc en blanc ?
Sur le bâti existant, la mission préconise le développement « des toits-terrasses collectifs » incluant collecteurs d’eau, végétation et production d’énergie renouvelable. Lorsque cela n’est pas possible, elle demande de peindre les toits « plats et non patrimoniaux » avec « un revêtement clair », et de renforcer l’isolation intérieure des bâtiments historiques, sur leurs derniers étages. Un sujet sensible compte tenu de l’attachement aux toits traditionnels en zinc, mais qui participent à la hausse des températures. Le groupe socialiste propose ainsi « de réfléchir au remplacement des toits en zinc par des matériaux d’imitation ».
Toiles tendues, pergolas, ombrières : les élus recommandent aussi « d’ombrager les grandes places et les avenues », allant jusqu’à proposer « des ouvrages d’envergure sur certaines places fortement minéralisées ». Réalisée sous la mandature de Bertrand Delanoë, l’actuelle place de la République est ainsi souvent critiquée pour sa minéralité. « L’aménagement de la ville ne fait qu’aggraver les conséquences des fortes températures », abonde la rapporteure de la mission Maud Lelièvre.
Et si l’organisation des Jeux olympiques de 2024 a donné un grand coup d’accélérateur au projet d’ouvrir la Seine à la baignade — un moyen de se rafraîchir en été que les élus veulent généraliser —, ils préconisent aussi de « ne pas disperser les ressources pour l’organisation de grands évènements ou de grandes manifestations ».
Pour se préparer à « l’éventualité d’un dôme de chaleur », ils recommandent enfin l’aménagement de plusieurs « espaces refuges » pour la population : souterrains, parkings, stations de métro désaffectées…
Ainsi, comme le rappelle le philosophe Chris Younes, « à travers la prise de mesure des lieux, des conditions climatiques, de la fertilité des sols, des places, des parcs, des jardins, des bords de Seine et des rues piétonnes, c’est toute la qualité citadine en termes de beau et de bien-vivre qui est en jeu ». Les défis sont à la fois d’ordre politique, scientifique, esthétique et éthique. Ils obligent à mettre en action une dynamique basée sur des diversités de pratiques et de savoirs, sur des héritages et des innovations, s’inscrivant dans un renversement des imaginaires et des systèmes de valeur. Vaste chantier dont la première étape consiste à intégrer les recommandations de la mission « Paris à 50°C » dans le plan local d’urbanisme (PLU) et le Plan climat, qui doivent être présentés au conseil municipal en juin et juillet.
Avec AFP