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COP 28 : un bilan mondial de l’action climat encore hors-sol

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« Nous ne tiendrons pas l’objectif de stabilisation du climat sous les 1,5 °C d’augmentation des températures ; l’objectif 2 °C, aux conséquences déjà plus dévastatrices, s’éloigne aussi. » Voilà une entrée en matière sans concession de la 6ème édition du Bilan mondial de l’action climatique, réalisé par l’Observatoire Climate Chance, alors que la COP 28 s’est ouverte à Dubaï. Un bilan qui se veut lucide sur la réalité de la situation. Un Bilan qui montre aussi la multiplication des initiatives, le succès d’actions ambitieuses, la mutation réelle de certains secteurs et le rôle clé des territoires. L’intuition à l’origine de Climate Chance prend chaque jour plus d’importance : valoriser et déployer les initiatives et succès des acteurs non étatiques est essentiel à l’accélération des changements. Ce rapport est ainsi à la fois un état des lieux sans complaisance, et une source d’inspirations pour l’action…

Depuis cinq ans, l’Observatoire Climate Chance analyse les stratégies des entreprises, des gouvernements locaux et de la société civile pour impulser l’action climatique depuis 2015, et publie le 6ème Bilan mondial de l’action climat, un panorama unique des actions mises en œuvre par les acteurs non-étatiques du monde entier pour réduire les émissions de CO2 de la production d’électricité, des transports, des bâtiments, de l’industrie, des déchets et de l’usage des sols.

L’association Climate Chance a présenté le 20 novembre les enseignements complets du Bilan mondial de l’action climat. Ronan Dantec, président de l’Association Climate Chance, explique : « Ce rapport se veut lucide sur la réalité de la situation. Nous ne tiendrons pas l’objectif de stabilisation du climat sous les 1,5 °C d’augmentation des températures ; l’objectif 2 °C, aux conséquences déjà plus dévastatrices, s’éloigne aussi. Mais au-delà des constats, Climate Chance est mue par la volonté de mobiliser et de renforcer l’action. Ce Bilan montre ainsi la multiplication des initiatives, le succès d’actions ambitieuses, la mutation réelle de certains secteurs et le rôle clé des territoires. Des signaux positifs existent donc, même si nous n’éludons pas dans ce rapport une tendance très claire à l’échelle mondiale : l’uniformisation des modes de vie sur des modèles très consuméristes. La bataille culturelle de la sobriété est loin d’être gagnée. Ce sixième Bilan mondial de l’action climat se veut donc une participation à la connaissance de la réalité de l’action. Sans analyse lucide, il est impossible de définir des scénarii crédibles de stabilisation du climat, nécessaires pour entraîner mobilisation et engagement à la hauteur des enjeux ».

Pour Pascal Charriau, Président d’Enerdata, « 2023 marque la parution du premier « bilan global » de l’Accord de Paris, qui évalue les progrès accomplis depuis sa signature en 2015. C’est une excellente occasion de prendre du recul, de séparer les évolutions structurelles des éléments conjoncturels et, in fine, d’apprécier notre capacité à atteindre une trajectoire satisfaisante de décarbonation de la société. »

Les 10 grands enseignements du rapport

Dix grands enseignements dressent un état des lieux des progrès réalisés par les acteurs non étatiques depuis la signature de l’Accord de Paris. Ils permettent une lecture transversale de l’évolution des émissions et de l’action climat mise en œuvre au niveau mondial entre 2015 et 2022, en s’appuyant sur les publications spécialisées disponibles.

#1 Malgré l’Accord de Paris et la Covid-19, les émissions mondiales de CO2 continuent de croître :

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  • Les émissions mondiales de CO2 ont atteint un nouveau record en 2022, malgré la chute conjoncturelle observée en 2020, l’année de la pandémie de Covid-19.
  • Les émissions stagnent dans l’OCDE. L’UE et le Royaume-Uni ont entamé une réduction durable de leurs émissions territoriales. La tendance est plus erratique aux États-Unis depuis 2000. Le Japon a atteint un pic en 2013, comme l’Australie (2017) et la Corée du Sud (2018), plus sous l’effet d’une faible croissance du PIB que d’une réelle bascule du mix énergétique.
  • Les émissions croissent surtout hors-OCDE, qui représentent désormais 60 % des émission mondiales. Plus de 70 % de la croissance des émissions mondiales depuis 2000 a eu lieu en Chine, où les émissions par habitant dépassent même celles de l’UE.  Les émissions par habitant de l’Inde ou de l’Indonésie restent très inférieures à celles pays industrialisés.
  • De mieux en mieux mesurées, les inégalités carbone s’observent désormais autant entre nations qu’entre niveaux de revenus à l’intérieur même des pays. Ainsi, l’empreinte carbone des classes moyennes et des hauts revenus en Chine converge avec celle des pays industrialisés, et creuse l’écart avec les revenus les plus faibles.

Les émissions mondiales de CO2  ont atteint un nouveau record en 2022. À l’heure où la plupart des points de négociations sous l’Accord de Paris achoppent sur la question des financements et de la solidarité Nord-Sud, les trajectoires croisées des émissions des pays industrialisés et des grands émergents redessinent l’équilibre entre les responsabilités passées, présentes et futures. Ces émissions territoriales, fruit de la division internationale des activités économiques, masque néanmoins de grandes inégalités d’empreinte carbone entre nations, reflets du pouvoir de consommation de leurs habitants.
Cependant, les inégalités d’empreinte carbone s’observent désormais autant entre pays qu’à l’intérieur même des pays, entre différents niveaux de revenus : les classes moyennes et aisées des grandes économies émergentes, notamment en Chine, adoptent des modes de vie tout aussi carbonés que dans les pays industrialisés. L’appui public aux centrales à charbon dans les pays du Sud et l’incapacité des pays du Nord à engager la décarbonation profonde de leurs usages (transports, bâtiments…) ont raison des tendances de transition identifiés dans quelques filières industrielles.

#2 La production d’électricité à base de renouvelables augmente… mais la production fossile ne baisse toujours pas :

  • Les émissions de la production électrique augmentent depuis 2015, à l’exception de la baisse provoquée par la pandémie en 2020.
  • Depuis 2015, les ajouts de capacité d’énergies renouvelables dépassent les ajouts de capacités fossiles (respectivement trois quarts et un quart de la capacité ajoutée entre 2019 et 2022). Mais trois fois plus de capacités renouvelables sont nécessaires en moyenne pour remplacer une capacité fossile.
  • L’intensité carbone moyenne de la production d’électricité a donc diminué depuis 2015, mais la hausse de la demande mondiale dépasse la décarbonation du mix. Là où elle s’opère, la transition hors du charbon profite autant  aux renouvelables qu’au gaz.
  • Les subventions publiques maintiennent le charbon en vie en Asie, tandis que les investissements pétroliers dans les renouvelables sont toujours très insuffisants pour entamer une véritable transition.

#3 La transition des motorisations carbonées vers l’électrique surpassée par la demande croissante de transport :

  • Depuis l’Accord de Paris, les émissions mondiales de CO2 du transport augmentent, sauf dans l’OCDE, en légère contraction. La demande de mobilité croît dans les pays du Sud, alors que les démarches de sobriété restent balbutiantes.
  • Le succès des ventes de voitures électriques en Europe et en Chine n’a pas encore entamé l’hégémonie du pétrole, seulement grignotée par les biocarburants dans une poignée de pays (Norvège, Suède, Brésil…).
  • Les constructeurs, dont les ventes baissent depuis cinq ans, ont résolument, engagé leur transition, mais la « SUVisation » du marché amortit les gains d’efficacité permis par l’électrification.
  • Les feuilles de route des transports aériens et maritimes internationaux promeuvent des carburants alternatifs encore marginaux et sans infléchir la croissance de la demande.
  • Les lignes ferroviaires à grande vitesse s’étendent, notamment en Chine. L’Europe réhabilite progressivement le rail de nuit et de proximité, et l’Inde a massivement électrifié ses lignes.

#4 Les politiques de décarbonation pas à la mesure des besoins de rénovation et de construction :

  • La surface mondiale bâti augmente plus vite que les gains d’efficacité énergétique des bâtiments. Ainsi, les émissions du secteur sont en hausse depuis 2015.
  • La consommation d’énergie des bâtiments hors-OCDE, portée par le bâti neuf et la croissance démographique, croît plus vite que dans l’OCDE, où la rénovation du bâti n’atteint pas les niveaux attendus.
  • Dans le Nord, malgré une électrification progressive, la trop lente décarbonation du mix électrique freine la baisse des émissions du secteur. En Allemagne et aux États-Unis, des mouvement sociaux contestent la sortie du gaz voulue par les États et les municipalités dans les bâtiments neufs.
  • À la lumière de sa vulnérabilité énergétique révélée par la guerre en Ukraine, la sobriété fait une entrée concrète dans les politiques européennes ;  son impact reste à suivre dans la durée.
  • Dans le Sud, la croissance des besoins de climatisation est fulgurante. Des initiatives encore isolées cherchent à créer de nouvelles filières autour des matériaux et savoir-faire traditionnels.

Rénover l’ancien, adapter le nouveau, tout électrifier : les piliers de la stratégie climat du secteur du bâtiment – Par Tania Martha Thomas, Chargée de recherche, Observatoire mondial de l’action climat, Climate Chance
« Le défi posé par le changement climatique au secteur mondial secteur mondial des bâtiments est double : rénover le parc existant pour le rendre plus économe en énergie, et bâtir de nouvelles constructions moins énergivores et plus résistantes aux risques climatiques futurs. Plus rapide que les gains d’efficacité énergétique, l’expansion de la surface mondiale bâtie accroît les émissions du secteur, alors que les politique de sobriété apparaissent tout juste en Europe. La décarbonation des bâtiments passe notamment par leur électrification, et par la transition du mix électrique, qui progressent lentement. Dans ce contexte, les gouvernements locaux adoptent des codes de construction et des interdictions des énergies fossiles souvent plus exigeants que les gouvernements nationaux. En parallèle, l’accent est de plus en plus placé sur les certifications de bâtiments écologiques et les réflexions sur la circularité. »

#5 Hydrogène, CCUS… les technologies de rupture restent marginales et dépendantes des industries fossiles :

  • Les émissions mondiales de CO2 de l’industrie ont légèrement crû entre 2015 et 2022, principalement poussées par la combustion d’énergie.
  • Longtemps ignorée, la capture et le stockage du CO2 mobilise à nouveau les investisseurs — surtout des compagnies pétrolières, qui prolongent la durée de vie des puits en déplétion. Le potentiel de capture installée et en développement demeure très faible.
  • Malgré des investissements politiques et financiers croissants depuis les plans de relance post-pandémie, les procédés de production d’hydrogène « vert » et ses usages décarbonés restent encore anecdotiques, et dépendent de la disponibilité d’un mix électrique décarboné.
  • La quête de souveraineté sur les métaux stratégiques à la transition définit les contours d’une nouvelle géopolitique des matières premières entre pays industrialisés, la Chine contrôlant les chaînes de valeur, et les émergents riches en ressources naturelles (Indonésie, RDC, Bolivie…).

 Pour décarboner l’industrie, les promesses des technologies de rupture se heurtent à l’échelle industrielle – Par YaëlL Massini, Assistant de recherche, Observatoire mondial de l’action climat, Climate Chance et Antoine Gillod, Directeur de l’Observatoire mondial de l’action climat, Climate Chance
« L’alignement des industriels sur la neutralité carbone requiert une décarbonation profonde de procédés de production parfois poussés à leur limite thermodynamique. Une gageure pour certaines industries lourdes, comme la cimenterie, la sidérurgie et la chimie, dont le cœur d’activités ne peut faire l’économie de processus industriels très émetteurs. Après des années de balbutiements, deux technologies ont trouvé une nouvelle dynamique auprès des gouvernements et des investisseurs pour répondre à ce défi : l’hydrogène et la capture et stockage du CO2. À cet élan s’adjoint une concurrence accrue entre nations pour l’accès aux minerais stratégiques aux industries de transition, qui positionne les compagnies minières au cœur du jeu géopolitique et pousse les États à un effort global de relocalisation industrielle. De 2015 à 2022, les émissions directes de l’industrie (FIGURE 1), qui occupent 25 % des émissions mondiales, ont augmenté de 1 %, avec des trajectoires variables selon les pays. 71 % des émissions industrielles provient de trois secteurs uniquement : la sidérurgie (+ 5% entre 2015 et 2022), la chimie-pétrochimie (+1 %) et la cimenterie (+ 11 %)1. Parce que leurs procédés sont hautement émetteurs et que la quantité de chaleur requise limite l’électrification, ces industries lourdes sont particulièrement difficiles à décarboner (hard-to-abate). Depuis 2015, deux « technologies de rupture » ont nourri les espoirs des États et des industriels de repousser les frontières de la décarbonation de ces secteurs : « l’hydrogène vert » et la capture et le stockage du carbone (CSC). Encore embryonnaires, ces deux nouveaux fronts technologiques, véritables filières industrielles en elles-mêmes, ont bénéficié de soutiens politiques et financiers croissants depuis 2015. En parallèle, l’affirmation de nouvelles ambitions industrielles sur les secteurs de transition (automobiles électriques, technologies renouvelables, batteries de stockage…) rabat les cartes de la géopolitique minière. La décarbonation de l’industrie minière prend, ouvre, dans ce contexte, un nouvel enjeu.

#6 Déjà très faible, le recyclage recule, mais de nouvelles filières industrielles circulaires se développent :

  • Depuis 2018, la part des processus circulaires (recyclage, compostage…) dans la consommation mondiale de matières premières recule : la croissance de la demande en matières premières vierges dépasse les progrès de la circularité globale.
  • Le suivi de l’évolution de la production mondiale de déchets souffre d’un déficit de données agrégées : quantités de déchets sortent des radars, entrent dans des circuits informels ou disparaissent en décharges.
  • Les fermetures des frontières chinoises et asiatiques à l’importation de déchets recyclables en 2018, puis l’amendement à la convention de Bâle sur les déchets dangereux, ont ralenti et réorienté les échanges internationaux de déchets vers de nouveaux pays. La mise en décharge et l’incinération des déchets, deux modes de traitement émetteurs de CH4 et de CO2, ont gagné du terrain.
  • En Europe et, de plus en plus, en Amérique du Nord, les programmes de responsabilité élargie des producteurs (REP) et de consignes montrent leur capacité à organiser et financer les filières de collecte et de recyclage.

#7 La déforestation ralentit…mais n’empêche pas l’effondrement du puits de carbone :

  • La perte annuelle de couvert forestier mondial ralentit depuis le pic atteint en 2016, mais reste supérieure à la moyenne 2000-2015. La capacité de stockage du carbone par les forêts continue donc de s’affaiblir.
  • L’Indonésie a fortement ralenti son rythme de déforestation, qui accélère en revanche en RDC et au Brésil.
  • Les objectifs internationaux contre la déforestation (Déclaration de New York), pour accélérer le reboisement (Défi de Bonn) ou pour la biodiversité (objectifs d’Aichi), n’ont globalement pas été atteints.
  • Les financements pour la biodiversité et les forêts sont en croissance. Les crédits carbone « fondés sur la nature » sont moteurs dans le développement des marchés carbone volontaires.

L’arbre qui cache la forêt : les engagements croissants et le ralentissement de la déforestation masquent le déclin des puits de carbone – Par Tania Martha Thomas, Chargée de recherche, Observatoire mondial de l’action climat, Climate Chance
« L’évolution des modes d’usage des sols au cours des dernières décennies a intensifié les crises planétaires du changement climatique, de la perte de biodiversité et de la désertification. Après un pic en 2016, la perte du couvert forestier mondial a ralenti, quoique de façon erratique. La perte de forêts primaires est due en grande partie à la déforestation pour l’agriculture commerciale, et les émissions qui en résultent ont augmenté, tandis que le puits de carbone nets des forêts s’est réduit. Les résultats de l’augmentation des engagements étatiques et privés contre la déforestation et la croissance des flux financiers en faveur des forêts et de la biodiversité demandent encore confirmation. Des exceptions régionales persistent, et la conservation réussit le mieux là où il y a une participation des communautés locales. 
La plupart des pertes permanentes se produisent dans les forêts primaires humides dans les zones tropicales – entre 2015 et 2022, la perte de forêts primaires est restée plus élevée qu’au cours des cinq années précédentes. Ces forêts stockent environ la moitié du carbone mondial, abritent la plus grande biodiversité, et rendent de nombreux services écosystémiques. Une étude de Forest Trends a révélé que près de deux tiers des pertes de forêts tropicales entre 2013 et 2019 étaient dues à l’agriculture commerciale (notamment le soja, le palmier à huile, les produits bovins, mais aussi des produits de base à plus petite échelle comme le cacao, le caoutchouc, le café et le maïs). Les trois quarts de cette agro-conversion avaient lieu de manière illégale. Le reste des pertes est imputable à des facteurs « temporaires » (foresterie, feux de forêts, et l’agriculture itinérante dans quelques cas), puisque ces forêts peuvent éventuellement repousser : mais ce processus est généralement plus lent et beaucoup plus difficile à mesurer. En plus de ces pertes de superficies forestières, plusieurs études scientifiques publiées en 2020 et 2021 mettent en lumière un second mécanisme crucial : la dégradation des forêts, terme qui recouvre des perturbations ponctuelles pour l’extraction de bois, des feux de faible ampleur ou des tempêtes. En janvier 2020 sur les 1 071 Mha de forêts tropicales humides restants, environ 10 % étaient dégradés. La dégradation serait responsable d’environ 73 % des pertes de biomasse et 44 % des émissions de carbone liées à l’utilisation des terres, contre 27 % et 56 % pour la déforestation respectivement. En plus des émissions conséquentes, ces zones ont davantage de risque d’être déforestées par la suite. Les chercheurs estiment en effet que 7,5 ans après la perturbation, près de 50 % des forêts dégradées ont été déforestées. Cette perte et dégradation des forêts, ainsi que les changements globaux dans les schémas d’usage des sols, entraînent plusieurs impacts interconnectés, notamment en termes de perte de biodiversité et de désertification. Même si les zones protégées ont augmenté, l’effondrement de la biodiversité se poursuit.
Selon le GIEC, entre 2006 et 2017, les activités liées à l’agriculture, à la foresterie et à l’utilisation des terres représentaient environ 13 % des émissions anthropiques de CO2, 44 % de celles de méthane et 81 % de celles de l’oxyde nitreux, soit une quantité estimée à 12±2,9 GtCO2 e par an. En réponse naturelle à l’augmentation des émissions, le puits terrestre de carbone a absorbé 11,2 GtCO2 par an, mais la persistance de ce puits est incertaine, compte tenu des effets du changement climatique. Les émissions liées à l’utilisation des terres sont plus difficiles à estimer que les émissions dues à la combustion d’énergie, les estimations actuelles variant en fonction de la définition des forêts ou des terres cultivées, ou des sources de données (comptabilité nationale, modèles numériques ou imagerie satellitaire). Selon Harris et al., les différences entres des estimations nationales et globales peuvent aller jusqu’à 4,3 GtCO2 par an – soit les émissions annuelles de l’Inde. » 

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#8 Lointains, peu mesurables, les engagements nets zéro des entreprises en manque de plans de transition crédibles et de suivi des progrès :

  • Depuis l’Accord de Paris, la neutralité carbone est devenue la boussole de l’action climat des grandes entreprises et un nouveau moteur à leur stratégie de croissance.
  • Souvent flous et réduits aux émissions « opérationnelles » (Scope 1 & 2), ces objectifs ignorent les émissions de la chaîne de valeur (Scope 3), pourtant derrière 75 % de leur empreinte carbone.
  • Les plans de transition des entreprises qui doivent décrire les moyens d’atteindre la neutralité carbone manquent de précision sur les investissements et sur la transformation des modèles d’affaires.
  • Plébiscitée par les entreprises, la compensation carbone via les marchés volontaires réclame davantage de crédibilité méthodologique et de transparence, alors que les allégations de « neutralité carbone » des entreprises commencent à être encadrées en Europe.

#9 Au cœur de l’innovation et de l’action pour le climat, les territoires cherchent un changement d’échelle pour tenir les objectifs 2030 :

  • Les villes engagées dans la Convention des maires en Europe ont, selon les données rapportées, dépassé leurs objectifs d’atténuation moyen entre 2005 et 2020, en cohérence avec les objectifs de l’UE.
  • La mobilisation des villes s’est considérablement accélérée en Amérique latine et en Afrique subsaharienne. En Europe, les plans d’adaptation gagnent en qualité.
  • Partout dans le monde, l’analyse des progrès réels des collectivités se heurte à des difficultés de disponibilité de données fiables et cohérentes dans le temps. En Europe, l’écart moyen entre deux inventaires municipaux équivaut au mandat d’un maire français : six ans.
  • Des nombreuses villes ont pérennisé des mesures de résilience contre la pandémie, comme le déploiement d’infrastructures cyclables. Les régions jouent, elles, un rôle central pour assurer une transition juste des bassins charbonniers.

#10 Société civile : La conflictualisation protéiforme de l’action civile pour le climat, entre succès juridiques et difficiles applications :

  • Depuis 2015, la société civile a diversifié son répertoire d’action et radicalisé ses positions, multipliant les conflits et entraînant l’abandon des grands projets d’infrastructures contestés (Notre Dame des Landes, Yasuni…)
  • L’activisme actionnarial se développe, mais les résolutions soutenues par les actionnaires emportent moins la confiance des assemblées générales que lorsqu’elles sont déposées par le board de l’entreprise.
  • Le recours aux procédures judiciaires pour contester la politique d’un État, la stratégie d’une entreprise rencontrent de bons taux de succès devant les tribunaux. Au cas par cas, l’efficacité de la mise en œuvre des décisions reste encore à évaluer.
  • La mobilisation de plus en plus fréquente du droit ou de la législation pour conférer des droits à la nature, aux écosystèmes ou aux animaux, gagne en popularité.

Une mutation réelle de certains secteurs et le rôle clé des territoires

Quelques tendances mondiales maintiennent l’espoir d’une stabilisation du climat à des niveaux inférieurs aux trajectoires actuelles. Le développement des énergies renouvelables, d’abord, devenues majoritaires dans les investissements financiers énergétiques mondiaux. Mais leur vitesse de déploiement reste insuffisante pour réduire la place des énergies fossiles, alors que les investissements des Majors pétrolières demeurent trop faibles ; l’argent du pétrole continue d’aller au pétrole. Mais des États européens, des collectivités, de grandes entreprises et des mouvements citoyens montrent qu’une accélération est possible.

L’électrification des usages est un deuxième facteur d’espoir. De la Chine à l’Europe, l’impressionnante mutation du secteur automobile, avec une perspective de sortie du moteur thermique en une quinzaine d’années, montre que la synergie entre réglementations étatiques et stratégies volontaristes des groupes industriels peut donner de vrais résultats.

Des signaux positifs existent donc, même si on ne peut pas éludé dans ce rapport une tendance très claire à l’échelle mondiale : l’uniformisation des modes de vie sur des modèles très consuméristes. Nous ne pouvons plus nous représenter le monde uniquement entre un Nord « émetteur de CO2 » et un Sud qui subit les conséquences. Nous vivons sur une planète où les riches et les classes moyennes urbaines émettent des quantités de CO2 insoutenables, en Chine ou aux États-Unis, en Europe et même dans de grandes villes africaines. Cette tendance s’oppose à la réduction des émissions mondiales et à une transition juste. La bataille culturelle de la sobriété est loin d’être gagnée.

Un rapport sans concession, des tendances lourdes qui ne peuvent être masquées, des dynamiques intéressantes, un bouillonnement d’initiatives… Ce sixième Bilan mondial de l’action climat se veut donc une participation à la connaissance de la réalité de l’action. Sans analyse lucide, il est impossible de définir des scénarii crédibles de stabilisation du climat, nécessaires pour entraîner mobilisation et engagement à la hauteur des enjeux. Pour Pascal Charriau, « La prise de conscience collective d’un besoin de transformation profonde contribue à créer une exigence plus forte vis-à-vis des décideurs et de la confiance dans la capacité de mobilisation collective. Et les travaux prospectifs montrent que la transformation qui s’annonce peut être source d’amélioration de la qualité de la vie, de réduction des inégalités, de développement raisonnable… »

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