L’actualité de ces dernières semaines en France l’a rappelé de manière frappante : il y a urgence à lutter contre la pollution. C’est justement le thème d’un programme de recherche lancé aujourd’hui, pour lequel des études vont être menées à Paris pendant cinq ans.
Mesurer avec précision la pollution urbaine, et évaluer son impact direct sur la santé des habitants : tels sont les buts de la chaire de mécénat inaugurée aujourd’hui par l’université Pierre-et-Marie-Curie, PSA Peugeot Citroën et Renault. Consacrée plus précisément à la « Mobilité et qualité de vie en milieu urbain », elle revendique sa totale indépendance scientifique : « Si les constructeurs automobiles ont contribué à définir les objectifs de ce projet qu’ils financent à hauteur de 1,5 million d’euros, ils ne sont pas directement impliqués dans les travaux de recherche et n’auront pas de droit de regard sur les articles publiés par les chercheurs », précise d’emblée Laurence Eymard, directrice de recherche au CNRS chargée de la coordination des activités scientifiques de la chaire.
200 volontaires équipés de capteurs
Le programme de recherche, qui implique cinq laboratoires et doit durer cinq ans, se veut particulièrement ambitieux. Son objectif : réunir un jeu de données inédit sur la pollution de Paris, la ville « laboratoire » choisie pour mener ces travaux. « Nous voulons aller au-delà de ce que fait un organisme comme Airparif, en regardant ce qui se passe à l’intérieur des quartiers : quelles sont les sources de pollution (voitures à essence et diesel, chauffages, etc.), comment les polluants (composés organiques volatils, oxydes d’azote, particules…) se disséminent, non seulement d’une rue à l’autre, mais aussi en hauteur, entre le sol et les derniers étages des immeubles », indique Laurence Eymard. Pour ce faire, des mesures seront effectuées dans deux quartiers de Paris, encore à définir, en continu et lors de campagnes de mesures ciblées.
Deuxième volet de cette étude : déterminer l’impact sur la santé des habitants des polluants mesurés. À cet effet, des suivis individuels vont être mis en place afin d’évaluer précisément le niveau de pollution auquel chaque individu est exposé. Près de 200 volontaires, enfants et adultes, vont être équipés de capteurs, et des mesures seront réalisées en temps réel au domicile et dans les salles de classe. Des personnes souffrant d’allergies et de maladies respiratoires seront également suivies. Plus original : la pollution sonore et son impact seront évalués et modélisés dans les mêmes conditions expérimentales que pour la pollution atmosphérique.
Des premiers tests en ballon dirigeable
Le zeppelin airship Un Zeppelin, tel celui-ci survolant la basilique du Sacré-Cœur, à Paris, en mars 2011, doit effectuer des mesures de la pollution dans le ciel de la capitale. ©T. COEX/AFP
La toute première initiative de la chaire « Mobilité et qualité de vie en milieu urbain » aura pourtant lieu… dans les airs. Dès la fin mai 2014, des capteurs de pollution vont embarquer à bord d’un ballon dirigeable qui sillonnera le ciel de Paris entre juin et octobre 2014 dans le cadre du projet Eurosentinelle (1). Lors de ce premier test, qui pourrait être reconduit en 2015, deux types de polluants vont être mesurés en altitude : les oxydes d’azote et les composés organiques volatils. « Ces polluants sont particulièrement intéressants, car ils s’oxydent dans l’atmosphère et sont susceptibles de produire de l’ozone », explique Sébastien Payan, chercheur au Latmos (2), qui espère améliorer les modèles actuels de prévision de la qualité de l’air grâce à toutes les données recueillies : données au sol, données fournies par le dirigeable, mais aussi données satellitaires.
Des données que les constructeurs attendent eux aussi avec impatience. « Elles nous permettront de connaître avec précision la part de l’automobile dans la pollution urbaine, et nous aideront à construire des véhicules moins impactants pour l’environnement, espère Sylvain Allano, le directeur scientifique et technologies futures du groupe PSA-Peugeot-Citroën. Il en va de notre responsabilité environnementale et sociale. »
Laure Cailloce – Journal CNRS – 8 avril 2014
Notes
(1) Dans le cadre de ce projet, un Zeppelin-NT de la société Airship Vision va effectuer des missions commerciales (transport de passagers) et d’intérêt public. Divers projets autour de la qualité de l’air, mais aussi de l’efficacité énergétique de la ville, de la cartographie ou encore de la sécurité publique sont déjà programmés.
(2) Laboratoire atmosphères, milieux, observations spatiales (CNRS/UVSQ/UPMC).