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Lima : un accord a minima ?

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Avant même la fin de la conférence de Lima et encore plus depuis, à l’issue d’une trentaine d’heures de dépassement d’horaire, la tonalité générale des analyses de l’accord de Lima a été relativement négative : il s’agirait d’un accord a minima, butant sur des notions de base des négociations climatiques comme la différenciation de la responsabilité des pays, et laissant présager d’une route très difficile vers la conférence de Paris dans un an, où un accord universel et contraignant doit être signé pour le régime climatique post-2020.

Lima était en effet une étape importante vers Paris. Mais il ne s’agissait que d’une étape. Pour juger de Lima, revenons donc sur l’enjeu de Paris Climat 2015. Celui-ci est très clair. L’action climatique n’est aujourd’hui pas du tout à la hauteur de la réalité actuelle et des risques futurs liés au changement climatique. Malgré vingt ans de négociations, les émissions de gaz à effet de serre mondiales continuent de croître, nous plaçant sur une trajectoire de hausse de la température absolument insoutenable, et les effets du réchauffement climatique commencent à se faire cruellement ressentir. Tout l’enjeu de l’accord de Paris est donc de bâtir un accord qui tire l’action collective vers le haut, c’est-à-dire qui permette aux pays de répondre effectivement à leur objectif commun de limiter le réchauffement climatique en-dessous de + 2 °C d’ici à la fin du siècle.

Pour cela, plusieurs leçons ont été tirées depuis Copenhague. La première est celle de la grande difficulté d’aboutir à travers un processus jusqu’alors dit top-down, c’est-à-dire où tous les pays, ou plutôt les pays identifiés au démarrage du processus comme étant responsables du réchauffement climatique (dits « annexe 1 »), doivent se fixer un objectif commun. Pour dépasser cela, nous sommes passés depuis Varsovie à une logique dite bottom-up, où chaque pays contribue en fonction de ce qu’il estime être sa juste part à l’effort collectif. Certains estiment que, en ne parvenant pas à imposer des règles pour la soumission et la revue de ces contributions, Lima a trop renforcé cette logique bottom-up. Il est vrai qu’il ne sera pas aisé, comme il a été décidé de le faire d’ici au 1er novembre 2015, d’agréger des contributions de natures différentes, sur des périodes de temps différentes, etc. Néanmoins, il est remarquable de noter que Lima a permis de confirmer le caractère universel de la logique bottom-up. Chaque pays contribue selon son souhait mais chaque pays contribue, de manière différenciée mais en fonction de ses capacités. Cela est d’autant plus remarquable qu’on a clairement vu à Lima les catégories classiques de pays se déliter pour dessiner un paysage plus complexe, avec des chemins différents selon les pays mais beaucoup de volontés progressistes. C’est le cas par exemple d’un certain nombre de pays à revenu intermédiaire qui ont spontanément abondé à la capitalisation du fonds vert. À Lima, l’universalité de l’action climatique a gagné du terrain.

Un autre élément clé pour faire de Paris le point de départ d’un renforcement significatif de l’action climatique est de passer d’une simple logique d’objectifs (« je m’engage à atteindre tel chiffre dans tel délai ») à une logique incluant les moyens (« je m’engage à mettre en place telles actions pour y arriver »). À cet égard, même si les moyens financiers n’ont pas été inclus dans les éléments indicatifs pour les contributions nationales, la discussion qui a été ouverte sur les indicateurs sectoriels ainsi que le retour d’expérience suite à la revue de la première période d’engagement de 17 pays, ouvrent la voie à des contributions explicitant mieux les transformations nécessaires à mettre en œuvre.

Les dernières heures de négociation ont également permis d’ouvrir la possibilité d’inclure les politiques et projets d’adaptation aux effets du réchauffement climatique dans les contributions nationales. Même si cela revêt une dimension tactique pour obtenir du financement, c’est aussi un moyen de mener l’action climatique dans son ensemble, en hiérarchisant les efforts selon les contextes, ainsi que de prendre plus globalement une meilleure mesure de l’enjeu prioritaire de sécurité que représente l’adaptation.

Sur la base de contributions étayées de la part de tous les pays, il est nécessaire de construire un processus dynamique et durable, qui tire l’ambition vers le haut au fil de temps. C’est tout l’enjeu de la structure légale de l’accord de Paris. À cet effet, encore une fois, Lima a été une étape non décisive mais nécessaire. Lima a tout d’abord permis d’établir le mandat de négociation de cet accord. Ensuite, la décision de Lima contient en annexe un document constituant une base de discussion pour l’accord. On peut reprocher à ce document de 37 pages qu’il liste tous les sujets et toutes les options possibles sans faire de choix. En effet, il ne dessine pas un cap mais une cartographie. Ceci dit, les options nécessaires pour rendre l’accord dynamique et durable sont présentes, et tout l’enjeu maintenant est de resserrer l’accord autour de ces options.

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Enfin, sur le sujet primordial qui est celui du financement, même si certains indiquent que le dépassement des 10 milliards de dollars de capitalisation du fonds vert n’est pas à la hauteur de l’enjeu, il faut se rappeler qu’il y a quelques mois nombreux sont ceux qui n’auraient pas parié cela. Certes, ce n’est pas suffisant. Il faudra mobiliser 10 fois plus d’ici à 2020, et montrer que cet effet de levier sera un élément central de l’accord de Paris. Plus encore, il faudra faire passer les investissements de l’ancienne à la nouvelle économie bas carbone, grâce à des politiques adaptées et à du soutien financier pour ceux qui en ont besoin. Mais le premier palier de capitalisation du fonds vert a été atteint, et l’on peut s’en réjouir.

Que l’on ne s’y trompe pas. Tous les éléments sont loin d’être réunis et le chemin qui reste à parcourir d’ici à Paris sera extrêmement intense. Le dialogue politique en sera un élément essentiel, notamment pour conforter un sentiment d’équité entre les pays. D’un point de vue technique, de nombreux éléments doivent encore être précisés (financement, transparence notamment). Le tout dans un contexte où les contributions des pays, les premières dans ce processus renouvelé, peuvent également constituer un élément déstabilisateur si elles ne sont pas immédiatement à la hauteur de l’enjeu. Mais pour faire ce chemin vers Paris, il nous semble important de prendre également la mesure des éléments sur lesquels nous pouvons construire.

Léna SPINAZZÉ – IDDRI – Décembre 2014

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