Cette deuxième semaine de discussions autour de l’accord sur le climat à la COP 21 est celle de tous les dangers. Les ministres ont pris le relais des négociateurs et ce sont eux, les politiques, qui sont maintenant chargés de rédiger le texte définitif. Laurent Fabius leur a donné jusqu’à mercredi pour élaborer une première ébauche et vendredi sera la date butoir de remise de la copie.
La prise de relais par les politiques n’est pas une mince affaire dans un univers où diplomates et scientifiques connaissent toutes les arcanes de la négociation. Arnaud Gonzague raconte dans l’Obs comment certains ministres, nommés plus pour leur étiquette que pour leur compétence, semblent débarquer dans le sujet. D’autres trainent des pieds ou font mine de ne pas comprendre. Certains enfin, comme la représentante du Venezuela ou celui de l’Arabie saoudite, de gros producteurs de pétrole, font carrément de l’obstruction et jouent la montre. Les crises de nerfs ne sont pas loin et la tension est palpable.
Toujours est-il que les ministres viennent dans le jeu après les chefs d’Etat. C’est une première dans les COP ; une méthode expressément voulue par le gouvernement français. En effet, auparavant, les ministres s’étrillaient et laissaient les chefs d’Etat essayer de trouver in extremis une sortie honorable. Ici, au Bourget, les 195 Chefs d’Etat sont déjà passés, dès le premier jour, et ils ont pour la plupart faits de beaux discours et pris des engagements, la main sur le cœur, pour le climat. Les ministres n’ont pas d’autres recours que de mettre en musique les belles déclamations de leurs patrons.
L’accord n’est donc pas encore gagné, et l’on ne sait aujourd’hui quel sera son niveau de contrainte. Il y aura accord, nul n’en doute. Mais personne ne parie aujourd’hui sur le niveau de prise en compte du risque climatique. Il n’en demeure pas moins que les engagements pris devront être respectés. Ceux qui trichent, devront être identifiés et leurs manquements seront, le cas échéant et a minima, portés à la connaissance de l’ensemble de l’opinion publique mondiale.
C’est pourquoi le gouvernement français a choisi ce mardi, à un moment clé des négociations, dans la dernière ligne droite de la COP 21, de présenter en grande pompe, ceux qui seront les sentinelles du climat. Les observateurs, un peu espions, de la tenue des engagements des Etats : les satellites.
Deux satellites du CNES, seront ainsi mis prochainement en orbite, à des centaines de kilomètres au-dessus de la surface de la terre, pour contrôler de près si les promesses, notamment celle de réduction des émissions de CO2, sont respectées.
« Microcarb », c’est son petit nom, est le premier satellite, 100 % français. Il sera chargé de surveiller les émissions de gaz carbonique ; il sera accompagné du satellite « Merlin », coproduit avec l’Allemagne, qui surveillera quant à lui, les émissions de méthane.
Jean-Yves Legall, président du Centre national d’études spatiales (CNES), interrogé par Le Parisien, explique que ces nouveaux satellites vont « établir des cartes, comme des cartes météo, avec une image exacte des nuages de méthane et de gaz carbonique. Nous pourrons compiler des données en temps réel, précis à l’échelle d’une région. Les outils embarqués permettent d’enregistrer un pixel d’environ 20km par 20km ». Il ajoute avec fougue : « C’est une nouvelle frontière en matière d’observation du climat ! ».
Avec une telle précision, chaque manquement sera observé et révélé. Les Etats qui ont pris des engagements seront pris la main dans le sac au moindre écart. Pour certains politiques, qui jusqu’à présent considéraient le problème climatique comme une variable secondaire, ou qui traitaient ces questions avec cynisme et désinvolture, cette surveillance n’est pas une bonne nouvelle.
En effet, à l’heure où la société civile mondiale, mais aussi, de plus en plus, les milieux financiers et ceux des entreprises, sont de plus en plus sensibilisés au risque climatique et aux dégâts induits par le réchauffement, il sera plus difficile de commettre, ce qui risque vite d’être qualifié de crime climatique, en toute impunité. L’exemple le plus frappant du risque de tout déni climatique se déroule en ce moment, sous les yeux du monde, à Pékin, ville qui subit une « airpocalypse » catastrophique, menaçant la santé de millions de personnes.
Charles-Elie Guzman, UP’ Magazine
Photo : Olivier Sattler / CNES
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