L’accord de Paris, adopté ce samedi 12 décembre 2015 à la COP21, représente un compromis équilibré et globalement satisfaisant. L’ambition n’y a pas été sacrifiée à l’aune d’autres considérations. Examinons les principaux points du texte.
2 °C, voire 1,5 °C
Le texte pose l’objectif d’une limitation des températures à 2 °C, et celui de poursuivre les efforts pour une limitation à 1,5 °C (art. 2). Irréaliste, diront les sceptiques… Certes, les contributions nationales ne nous mettent pas sur la trajectoire des 2 °C, et encore moins des 1,5 °C. Mais elles ne sont pas définitives et le maximum est fait pour pousser les États à relever dans le temps le niveau d’ambition de leurs contributions :
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Dès avant 2020, avec notamment un « dialogue de facilitation », prévu en 2018 et non plus 2019 : ce dispositif est destiné à appuyer les États dans la préparation de leurs contributions. Notons que, fort opportunément, le GIEC produira à la même date un rapport sur les effets régionaux concrets d’un dépassement des 1,5 °C.
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Aussi après 2020, avec une première évaluation globale en 2023, puis tous les cinq ans. Bref, tout cela pourra évoluer au regard des connaissances scientifiques, technologiques et du contexte économique, politique, social. Mais toujours et seulement à la hausse conformément au principe de « progression » posé à deux reprises, selon lequel la contribution suivante de chaque Partie doit représenter une progression.
Pic des émissions, objectif de neutralité carbone
L’accord ne mentionne plus d’objectifs chiffrés globaux de réduction des émissions pour mettre en œuvre les 2 °C ou 1,5 °C. Mais le « plafonnement mondial des émissions » devra intervenir « dans les meilleurs délais » et être suivi de réductions rapides conformément aux meilleures données scientifiques, « étant entendu que le plafonnement prendra davantage de temps pour les pays en développement ». Le terme de « neutralité carbone » a disparu, remplacé par le principe plus mou d’un « équilibre entre les émissions anthropiques par les sources et les absorptions anthropiques par les puits de gaz à effet de serre ». L’objectif n’est plus daté précisément, mais il devra tout de même être atteint au cours de la seconde moitié du siècle (contre 2060-2080 envisagés précédemment).
Les moyens de mise en œuvre
Le texte est bien un traité, qui sera donc juridiquement obligatoire pour les États qui décideront d’en devenir Parties. Les contributions nationales, pourtant au cœur du dispositif, ne figureront pas dans le traité, pas même en annexe, mais dans un registre public tenu par le secrétariat. Le terme, plus mou, de « contributions » a d’ailleurs été préféré à celui d’« engagements ». Les États Parties devront (indicatif de « prennent ») toutefois communiquer et maintenir des contributions successives, et prendre des mesures pour les mettre en œuvre (art. 4§4) ; ce sera bien une obligation internationale. À moins, bien sûr, qu’ils ne décident d’utiliser leur droit de sortir du traité (art. 28).
Les contributions nationales seront données tous les cinq ans et il est envisagé de synchroniser leur durée. De même que seront adoptées des lignes directrices encadrant les États de ce point de vue (mais jusqu’où ?). Toutes concessions qui n’avaient pu être obtenues l’an dernier à Lima lors de la COP20.
La mise en œuvre des contributions est aussi très subtilement différenciée entre :
- pays industrialisés,
- pays en développement,
- pays les moins avancés et pays insulaires en développement (art. 3 et 4).
Les premiers doivent continuer de « montrer la voie ». Les deuxièmes doivent approfondir leurs efforts dans le temps et prendre peu à peu des contributions concernant toute leur économie et non tel ou tel secteur. Les derniers n’ont aucune obligation. Un soutien renforcé permettra des actions plus ambitieuses des pays du Sud (art. 4§5).
Il faut noter aussi que la différenciation est désormais conçue comme évolutive : elle se lit à présent « eu égard aux contextes nationaux différents », eux-mêmes par définition évolutifs.
Un cadre de transparence est acquis, avec obligation d’inventaire annuel des émissions (sources et puits) et une information sur les progrès accomplis dans la mise en œuvre des contributions, toutes données soumises à une revue technique par des experts, laquelle pourra identifier « les domaines se prêtant à des améliorations » pour une partie donnée (jolie périphrase pour parler de violations !). Le lien n’est pas explicitement fait avec la procédure de non-respect qui sera établie, mais on peut imaginer (espérer ?) que les deux mécanismes seront reliés à cette occasion. Cette procédure de non-respect est un gage supplémentaire de transparence et de robustesse, même si elle sera « non accusatoire et non punitive », et tiendra compte des situations et capacités nationales respectives.
Là encore, et même si sur beaucoup de points il n’est pas seulement une fin, mais (aussi et surtout) un nouveau départ, et si les négociations doivent se poursuivre pour l’opérationnaliser, l’accord est le produit d’un magnifique exercice d’équilibrisme. Il est bien encourageant de voir que 195 pays aux intérêts si différents ont pu se mettre d’accord sur un texte qui n’est pas un « au rabais ». Après l’adoption des objectifs mondiaux de développement durable à l’ONU en septembre, voilà qui redonne un peu d’espoir dans un multilatéralisme dont le monde a plus que jamais besoin !
Sandrine Maljean-Dubois, Directrice de recherche CNRS au Centre d’études et de recherches internationales et communautaires (CERIC), Université Aix-Marseille
Photo : Dernières discussions sur le texte de l’accord de Paris, le samedi 12 décembre 2015, avec le Secrétaire général de l’ONU, Ban Ki moon, et François Delattre, ambassadeur et représentant permanent de la France auprès des Nations unies. Benjamin Géminel/COP Paris/flickr
La version originale de cet article a été publiée sur The Conversation.