La Commission européenne a dévoilé mercredi ses propositions pour répartir État par État l’effort de réduction des émissions de gaz à effet de serre dans l’UE d’ici 2030, de 0 à 40% en fonction notamment de leur PIB. Ces réductions, par rapport aux niveaux enregistrés en 2005, devraient contribuer à tenir l’engagement de l’Union européenne au sein de l’accord de Paris sur le climat conclu en décembre de baisser globalement ses émissions de 40%.
Elles concernent les secteurs non couverts par le marché européen du carbone, soit la construction, l’agriculture, la gestion des déchets et les transports, qui représentaient en 2014 60% du total des émissions européennes.
L’effort le plus conséquent est demandé aux États les plus riches de l’Union, selon les documents publiés par la Commission : Bruxelles demande à l’Allemagne, première économie européenne et aussi plus gros émetteur de gaz à effet de serre, de réduire la voilure de 38%, de 37% pour le Royaume-Uni (2e principal pollueur), et de 37% pour la France.
La Belgique, le Danemark, le Luxembourg, les Pays-Bas, l’Autriche, la Finlande et la Suède devront aussi fournir des efforts entre 35% et 40% de réduction.
À l’inverse, l’effort imposé aux économies les moins riches de l’Union est moindre : ainsi la Bulgarie devra maintenir un niveau égal à celui de 2005. La Croatie, la Lettonie, la Lituanie, la Hongrie, la Pologne (cinquième émetteur européen) et la Roumanie sont appelés à réduire leurs émissions de 2% à 9%.
La proposition de la Commission s’attache à fixer des objectifs contraignants pour les États membres sur la période 2021-2030. Elle définit également des objectifs année par année pendant cette période. La proposition sera débattue par les 28 et le Parlement européen selon la procédure législative habituelle.
La Commission propose certaines flexibilités aux États membres pour leur permettre d’atteindre leurs objectifs, comme la possibilité de « mettre en banque » des crédits d’émissions lorsque celles-ci sont en-dessous de la limite annuelle, afin de pouvoir les utiliser si besoin ultérieurement.
Elle donne aussi par exemple la possibilité de vendre et acheter des allocations d’émissions entre États membres.
Pour l’ONG Réseau Action Climat, « ce projet est obsolète avant même d’être adopté ». Ses objectifs sont insuffisants pour respecter l’Accord de Paris. Il a été annoncé bien avant la COP21, en octobre 2014, et donc avant que les objectifs de l’Accord de Paris ne soient adoptés (maintenir le réchauffement planétaire bien en deçà de 2°C voire 1,5°C, et parvenir à la neutralité climatique entre 2050 et 2100). En croisant les données de la Commission européenne et celles de l’ONU, on s’aperçoit que le plan prévu par l’Europe table sur un réchauffement de 2 à 2,4°C par rapport à la période préindustrielle. Les textes de la COP21 reconnaissent d’ailleurs que les plans déjà annoncés par les pays sont insuffisants et qu’il faut que chacun accélère ses efforts.
L’ONG dénonce : « Autrefois à la pointe de l’innovation, l’Europe est aujourd’hui à la traîne dans le développement des énergies renouvelables ». A la traine, notamment par rapport à des pays comme la Chine (qui en 2015 a dépensé 2,5 fois plus que l’UE dans les énergies propres – source Bloomberg New Energy Finance). Selon Réseau Action Climat, en retrouvant son rôle moteur, l’Europe pourrait améliorer les conditions de vie de millions de ménages précaires, par exemple en augmentant ses exigences en termes d’efficacité énergétique, notamment dans le bâtiment. Elle pourrait aussi épargner des centaines de milliers de vies perdues à cause de la pollution de l’air, en développant les transports propres et en fermant ses centrales à charbon. Mais, affirme l’ONG, « l’Europe et la Commission, continuent d’être aveugles face à tous ces avantages ».
Le Plan de l’UE devra donc être amélioré d’ici à 2018, moment où l’ONU a prévu un premier bilan mondial des progrès réalisés. Par ailleurs, certains États européens espèrent pouvoir tricher avec le climat. Ils veulent affaiblir les règles d’application de ce plan, réduisant ainsi son efficacité.
La négociation sur le partage de l’effort, qui débute au Conseil, ne doit pas être un processus où chaque État conteste l’effort qui lui est demandé, mais plutôt une dynamique de coopération, pour maximiser l’apport de l’Europe à la lutte contre le changement climatique et mettre un coup d’accélérateur à la transition écologique.
Face à l’urgence climatique, il est indispensable d’avoir des politiques publiques qui ne trichent pas avec le climat. De nombreux pays européens, en effet, demandent à rendre les règles d’application de ce plan plus laxistes…
• Certains États membres veulent pouvoir conserver leur surplus de permis à polluer pour après 2020 (dont le total équivaut à 1,5 milliard de tonnes de CO2, soit 3 fois les émissions annuelles de la France). Il faudrait au contraire maintenir les règles en vigueur au niveau européen : les permis non utilisés par les États doivent disparaître en 2020.
• Certains États veulent pouvoir utiliser les permis à polluer valables dans d’autres secteurs que ceux du partage de l’effort (soit ceux du marché carbone, qui concerne l’industrie, la production d’électricité et l’aviation), alors même que ce marché est lui aussi inondé d’un excédent de permis (3 à 4 milliards de tonnes de CO2 d’ici à 2020, soit 8 fois les émissions annuelles de la France).
• Plusieurs pays (souvent forestiers) veulent pouvoir tricher avec le climat, via l’usage de leurs forêts. S’il est indispensable de protéger et d’accroître le couvert forestier en Europe, il n’est pas possible d’utiliser les forêts pour compenser le carbone rejeté par les voitures et les bâtiments. Ces secteurs doivent, eux aussi, réduire leurs émissions, en isolant mieux les maisons et en améliorant les transports en commun, par exemple.
Enfin, l’Europe montrerait le mauvais exemple à l’international si elle se permettait d’utiliser des règles de comptabilisation du carbone stocké dans les forêts qui trichent avec le climat.
Il est trop tôt pour connaître avec précision les conséquences d’une sortie du Royaume Uni de l’Union européenne sur les mesures politiques climat-énergie. S’il y a une conséquence du Brexit, elle est d’abord d’ordre géopolitique : on ne peut pas lutter contre les changements climatiques, un problème mondial et collectif, si tous les États se concentrent uniquement sur leurs préoccupations nationales, de court terme. La logique de coopération, celle qui était à l’œuvre lors de la COP21 doit être préservée.
Tant que le Royaume-Uni n’a pas activé la clause de sortie du traité de Lisbonne (l’article
50), ce que les dirigeants britanniques ne semblent pas pressés de faire, il fera partie de l’effort climatique communautaire. Si le pays confirme sa sortie de l’UE, il faudra un mécanisme pour revoir la répartition de l’effort climatique européen entre les États. Les autres pays devront reprendre leur part de l’effort. Les pays européens à hauts et faibles revenus ne verraient pas de grande différence, ceux du “milieu du panier” pourraient être plus concernés.
L’amélioration de ce projet est indispensable pour que l’Europe bénéficie elle aussi de tous les avantages de la transition énergétique. Saura-t-elle prendre le virage d’une nouvelle société plus économe en énergie, moins polluante, plus solidaire ? L’Union européenne importe toujours l’essentiel de son énergie (des énergies fossiles : gaz, pétrole, charbon), et possède très peu de ressources naturelles. En parallèle, l’UE a les capacités d’innover et de déployer les marchés de demain.
Sources : AFP, Réseau Action Climat-France
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