Depuis la fin du XVIIIe siècle, nous sommes entrés dans « l’anthropocène », une nouvelle ère caractérisée par le fait que l’homme est devenu une force géologique majeure ; cette ère connaît une forte accélération depuis 1945. Les changements climatiques que nous connaissons ou encore l’effondrement brutal de la biodiversité l’illustrent. Le droit n’est qu’un outil, mais un outil fondamental, dans la tentative de limiter ces bouleversements, pour retrouver un espace de fonctionnement sécurisé, assurer la résilience des écosystèmes et leur capacité à fournir des services essentiels. En tant qu’outil de coopération et d’harmonisation des législations nationales, le droit international est tout particulièrement sollicité dès lors que les menaces sont globales.
Le droit international face aux menaces globales
En 1992, la Conférence de Rio a impulsé une belle dynamique de ce point de vue avec l’adoption des Convention sur la diversité biologique et Convention-cadre sur les changements climatiques, ainsi que de la Déclaration de Rio sur l’environnement et le développement.
L’année 2017 marque le 25e anniversaire de cette déclaration. Depuis 1992, les législateurs, juridictions et acteurs non étatiques du monde entier ont progressivement contribué à la diffusion et à la mise en œuvre des principes fondamentaux qu’elle a consacrés. L’importance et le rôle de ces principes pour la protection de l’environnement au niveau local ou mondial sont indiscutables.
Renforcer les principes de Rio
Le moment est venu de revivifier cette coopération internationale, de consolider – et sans doute aussi de clarifier – les principes consensuels posés à Rio dans un nouveau « Pacte mondial pour l’environnement ».
De portée obligatoire contrairement à la Déclaration de Rio, cette nouvelle convention internationale, transversale par son contenu, globale par son champ d’application universel, viendrait renforcer la portée des principes de Rio.
Elle pourrait fournir l’ossature d’un droit international de l’environnement aujourd’hui peu efficace car fragmenté en centaines de conventions internationales fonctionnant de manière autonome et sans « tuteur ». Diplomates, législateurs, juges internationaux et nationaux, et plus largement tous les acteurs publics et privés, doivent pouvoir s’y référer.
Dans l’esprit de la Commission Brundtland
L’idée d’un Pacte mondial pour l’environnement n’est pas nouvelle : elle est portée par la communauté internationale des juristes depuis plus de 30 ans. Elle trouve ses origines au lendemain de la Charte mondiale de la nature adoptée par l’Assemblée générale de l’ONU en 1982.
La nécessité d’un passage progressif du droit souple au droit dur était déjà soulignée par les juristes. La Commission Brundtland en 1986 recommandait la préparation d’une Déclaration universelle et d’une Convention internationale pour la protection de l’environnement et le développement durable.
Dans le prolongement de cette recommandation, en 1995, un projet de convention, le « Draft International Covenant on Environment and Development » était adopté par la Commission du droit de l’environnement de l’Union internationale pour la conservation de la nature, en coopération avec le Conseil international pour le droit de l’environnement (International Council of Environmental Law, ICEL). Le projet de l’UICN constitue une référence majeure en la matière.
Un avant-projet déjà mis au point
Convaincu de sa nécessité, Laurent Fabius, président du Conseil constitutionnel de la République française, ancien ministre des Affaires étrangères et président de la COP21, a pris l’initiative de porter la proposition de Pacte mondial pour l’environnement sur la scène internationale.
L’adoption en septembre 2015 des Objectifs du développement durable (ODD) et en décembre 2015 de l’Accord de Paris sur le climat a créé un élan capable de susciter l’adhésion pour un tel projet.
La démarche a consisté, dans un premier temps, à engager un travail juridique, préalable indispensable avant la phase politique et diplomatique. Depuis plusieurs mois, avec la « Commission environnement » du Club des juristes – qui regroupe de grands spécialistes français du droit de l’environnement –, nous avons travaillé pour mettre au point un avant-projet de Pacte mondial, en lien avec un réseau international d’experts représentant près de 40 nationalités.
L’environnement comme droit fondamental
Ce texte sera finalisé vendredi 23 juin 2017 lors d’une réunion d’experts présidée par Laurent Fabius avant d’être présenté samedi 24 juin lors d’une manifestation ouverte au public qui aura lieu à la Sorbonne, en présence personnalités (Ban Ki-moon, Mary Robinson, Laurence Tubiana, Jean Jouzel notamment) ainsi que d’éminents juristes et magistrats de cours constitutionnelles ou cours suprêmes du monde entier.
Le projet de Pacte mondial sur l’environnement a vocation à être adopté par l’Assemblée générale des Nations unies dans les années à venir, pour devenir la pierre angulaire du droit international de l’environnement.
Après les deux Pactes internationaux de 1966 – l’un relatif aux droits civils et politiques, l’autre relatif aux droits économiques, sociaux et culturels –, ce nouveau Pacte consacrerait une troisième génération de droits fondamentaux, celle touchant à l’environnement et au développement. La communauté internationale a plus que jamais besoin de franchir cette nouvelle étape et donner un nouvel élan à l’action internationale en faveur de notre environnement.
Sandrine Maljean-Dubois, Directrice de recherche Centre d’études et de recherches internationales et communautaires (CERIC), Centre national de la recherche scientifique (CNRS) et Yann Aguila, Professeur de droit public, Sciences Po – USPC
La version originale de cet article a été publiée sur The Conversation.
Image d’en-tête : UNICEF France