Des étés plus chauds, des maisons plus près des arbres : les incendies continuent de ravager chaque année la forêt méditerranéenne, et il faudra changer mentalités et comportements pour espérer inverser la tendance, estiment des chercheurs.
En France, les incendies de forêt ne sont « globalement pas un phénomène nouveau« , rappelle Thomas Curt, directeur de recherche à l’Irstea, un institut public. Avant les années 1990, « la lutte et la prévention étaient moins bien organisées« , et les grands feux plus fréquents, explique-t-il. Une nouvelle stratégie de lutte a été mise en place, avec par exemple plus de surveillance aérienne pour éteindre les feux plus tôt : « le nombre de feux a ensuite diminué de l’ordre de 25%« , relève-t-il.
Ces 15 dernières années ont été marquées par une alternance d’années « noires », comme 2010 et 2016, où 16 à 17.000 hectares sont partis en fumée, et d’années de répit, comme 2014 (3.230 hectares brûlés). Les conditions météo sont largement responsables de ces variations, explique Thomas Curt. Les soldats du feu gardent en mémoire la canicule de 2003, cauchemardesque pour eux : 73.300 hectares de forêt avaient brûlé.
Avec des saisons plus chaudes et plus sèches, des incendies spectaculaires ont frappé le Canada ou la Russie, par exemple. L’Europe est également touchée : selon une étude européenne (PESETA II), les surfaces susceptibles de brûler en Europe du Sud pourraient augmenter de 50% à plus de 100% au cours du 21e siècle, en fonction de l’intensité du réchauffement. Le changement climatique est susceptible « d’augmenter la durée et la sévérité de la saison des feux, les zones à risque et la probabilité de grands feux », souligne-t-elle.
Cette année en France, la saison des incendies a débuté la deuxième semaine de juin, au lieu de juillet et la zone à risque est remontée au fil des ans, selon les chercheurs, dans l’arrière-pays, dans les Alpes-du-Sud, les Cévennes ou le Massif Central.
Dans l’avenir, les chercheurs s’attendent à « plus d’aléa météo » et davantage de mauvaises années. Deux tiers des feux sont éteints très rapidement et brûlent moins d’un hectare, mais à l’inverse, 3% des incendies, que les pompiers n’arrivent pas à maîtriser rapidement brûlent trois quarts des surfaces. La France est par contre pour l’instant épargnée par les « méga-feux » qui ont ravagé par exemple le Portugal.
« Depuis les années 1970, les paysages du sud-est deviennent plus favorables aux incendies« , relève le chercheur : l’agriculture recule, la forêt s’étend naturellement et les terres « s’embroussaillent ». Dans les Alpes-du-sud, les Cévennes, l’Ardèche, l’Aude, les Pyrénées Orientales ou encore l’arrière-pays niçois, la végétation combustible, pins d’Alep et chênes, s’étend.
D’autre part, « les gens ont envie d’habiter près de la forêt« , et les constructions à risque, en bordure des forêts ou des garrigues, pullulent : « plus vous avez de maisons, de lignes électriques, de routes, et plus vous avez de départs de feu« , déplore le chercheur.
Neuf feux sur dix sont allumés par l’homme, accidentellement ou volontairement, ont calculé les scientifiques de l’Irstea. Au-delà de l’action de long terme pour tenter de contenir le réchauffement climatique, habitants et pouvoirs publics des zones à risque doivent « prévoir et s’adapter« , souligne M. Curt.
« Il faut maintenir des coupures agricoles dans les paysages« , avec des zones cultivées, oliveraies ou vignes par exemple, qui empêchent le feu de se propager, préconise-t-il. Et limiter davantage les constructions dans les zones à risque. Dans les forêts, il faudrait « favoriser les chênes au lieu des pins et même faire des coupes à certains endroits« , précise Michel Vennetier, forestier à l’Irstea.
Chacun peut agir à son échelle, ajoute-t-il : respecter les interdictions d’aller se promener en forêt dans les périodes à risque, bien débroussailler son jardin et y planter des espèces moins inflammables, réduit considérablement les risques.
Source AFP
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