Comme si souffrir de la chaleur, des sécheresses, des inondations et des tempêtes n’était pas suffisant, un nouveau rapport de l’ONU établit que les dérèglements climatiques font aussi augmenter la faim dans le monde : en 2017, pour la troisième année, le nombre de personnes en état de manque chronique de nourriture a grimpé, alors qu’il avait tendance à reculer auparavant.
La multiplication des pics de température, et d’aléas comme les inondations ou les sécheresses sont l’une des « causes principales des graves crises alimentaires« , souligne un rapport publié mardi par cinq agences des Nations unies.
Sur les 821 millions de personnes qui ont eu faim en 2017 – contre 804 millions en 2016 -, « l’Afrique est le continent le plus touché« , avec près de 21% de sa population en état de sous-alimentation, a déclaré à l’AFP Dominique Burgeon, directeur des urgences et de la résilience au sein de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO.
Selon les mêmes critères, 11,4% de la population est sous-alimentée en Asie, 6,1% en Amérique Latine et Caraïbes, 7% en Océanie, et moins de 2,5% en Amérique du Nord et en Europe, indique le rapport, rédigé par la FAO, le Fonds international de développement agricole (FIDA), le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF), le Programme alimentaire mondial (PAM), et l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS).
En Europe, deux pays ont plus faim que les autres : l’Albanie (5,5% de la population) et la Serbie (5,6%).
Inversion de la tendance
Sur le plan mondial, le nombre de ventres vides a retrouvé en 2017 son niveau « d’il y a dix ans », ce qui confirme « l’inversion de la tendance à la baisse » de la faim dans le monde, engagée depuis 2015.
« Nous sommes préoccupés par la détérioration de la situation en Amérique du sud » a dit M. Burgeon, en citant aussi bien le Venezuela, touché par une grave crise économique, que le « corridor sec » du Nicaragua-Guatemala-Salvador en Amérique centrale, « où la probabilité d’un nouveau phénomène climatique de type El Nino, avec une multiplication des sécheresses, augmente un peu plus chaque jour« .
Néanmoins, « la crise alimentaire la plus aigüe actuellement est celle d’un pays en guerre, le Yemen« , où 35% de la population est sous-alimentée, a ajouté l’expert.
Variabilité du climat et recrudescence de la faim
Le rapport analyse en détail la « variabilité du climat et les extrêmes climatiques« , désignés comme « facteurs essentiels de la récente recrudescence de la faim dans le monde« .
« De plus en plus d’éléments laissent à penser que le changement climatique a déjà des répercussions sur l’agriculture et la sécurité alimentaire » précise le rapport.
« Entre 1986 et 2006, on observe une croissance spectaculaire des catastrophes naturelles liées au climat, qui représentent 80% de l’ensemble des catastrophes naturelles » souligne M. Burgeon: les saisons précoces, tardives ou carrément disparues dans certains endroits de la planète ont « un impact énorme sur les récoltes de produits agricoles« .
« Au cours des dix dernières années, 36% des pays qui ont connu une augmentation de la sous-alimentation, ont aussi connu une sécheresse » résume l’expert.
La FAO et l’ONU suggèrent un éventail de techniques agricoles à mettre en œuvre selon les contextes locaux pour s’adapter aux variations climatiques, et tenter de préserver les récoltes.
En premier lieu, travailler sur l’élaboration de semences à cycle court afin de produire sur des durées plus resserrées et de limiter ainsi l’exposition aux phénomènes météo imprévus.
Le message tombe à la veille de la 73e session de l’Assemblée générale des Nations unies, qui s’ouvrira à New York le 18 septembre. La FAO appelle à des « financements de grande ampleur en faveur de programmes de réduction et de gestion des risques de catastrophe et d’adaptation au changement climatique ». C’est aussi la question de l’aide humanitaire aux pays confrontés aux crises climatiques qu’il faut revoir, selon l’organisation. « Il faut faire de l’humanitaire de façon différente, affirme au journal Le Monde Dominique Burgeon. Après une catastrophe, les vies doivent certes être sauvées, mais cela ne suffit pas. Au-delà de l’urgence, il faut promouvoir des solutions de long terme, atténuer la vulnérabilité des pays touchés. »
Sources : AFP, FAO
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