Pour l’ONU, 2021 est une année « cruciale » pour tenter de freiner les effets du changement climatique. « Nous sommes au bord du précipice », a mis en garde le Secrétaire général des Nations Unies, Antonio Guterres, lundi 19 avril, lors de la présentation du rapport annuel de l’organisation. Les pays doivent agir maintenant pour protéger les populations contre les effets désastreux du changement climatique, de la perte de biodiversité et de la pollution de l’air et de l’eau, a-t-il répété.
Le rapport rappelle que l’année 2020 a été l’une des trois plus chaudes jamais enregistrées et que les concentrations de gaz à effet de serre ont augmenté malgré le ralentissement économique lié à la pandémie. L’organisation compte sur une série de sommets clés, qui commencent cette semaine, pour offrir aux dirigeants de la planète l’occasion d’agir. Le rapport est ainsi publié peu avant le sommet sur le climat organisé par le président américain Joe Biden jeudi 22 avril et vendredi 23 avril : quarante dirigeants mondiaux ont été invités à participer à ces discussions virtuelles visant à galvaniser les efforts des principales économies pour lutter contre la crise climatique.
Menace pour la santé humaine et les fondements de notre société
L’Accord de Paris de 2015 sur le changement climatique prévoit de plafonner le réchauffement de la planète en dessous de deux degrés par rapport au niveau préindustriel, tandis que les pays poursuivront leurs efforts pour limiter l’augmentation à 1,5 C. Mais l’Organisation météorologique mondiale estime qu’il y a au moins une probabilité sur cinq que la température moyenne mondiale dépasse déjà temporairement la barre des 1,5°C d’ici à 2024.
Les changements climatiques, la perte de biodiversité et la pollution de l’air et de l’eau sont le résultat de ce que le Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies, António Guterres ne cesse d’appeler à une production et une consommation non durables, martelant inlassablement que ces dernières constituent une menace pour la santé humaine et les fondements de notre société.
« Sans l’aide de la nature, nous ne pourrons ni prospérer ni survivre. Depuis trop longtemps, nous menons une guerre insensée et suicidaire contre la nature », avait déjà déclaré en février dernier M. Guterres lors de la conférence de presse organisée pour la publication du dernier rapport intitulé Faire la paix avec la nature. « Il est temps que nous considérions la nature comme une alliée qui nous aidera à atteindre les objectifs de développement durable », a-t-il ajouté en faisant allusion aux 17 objectifs qu’il faudrait atteindre d’ici à 2030.
Selon le rapport du Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE), l’innovation humaine a entraîné une augmentation stupéfiante de la richesse ces dernières décennies. L’économie mondiale a quintuplé en 50 ans. Au cours de cette période, l’extraction des ressources naturelles et le rendement des terres cultivées ont été multipliés par trois.
Cependant, ce sont les 1,3 milliard de personnes les plus pauvres qui font les frais de cette prospérité. Au train où vont les choses, la température mondiale moyenne devrait augmenter de 3 degrés Celsius par rapport aux niveaux préindustriels, principalement en raison du carbone qui a d’ores et déjà été émis dans l’atmosphère par les activités humaines. Nous avons détruit 10 % de la couverture forestière mondiale depuis 1990, ce qui nous a privés d’un mécanisme primaire capable de contenir la quantité de carbone dans l’atmosphère et a fait disparaître les zones d’habitat vitales d’un nombre incalculable d’espèces.
Les limites de ce que la planète peut supporter
Il ressort d’une étude de 2019 publiée par la Plateforme intergouvernementale science-politique sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES) qu’un huitième des espèces végétales et animales du monde, soit environ un million d’espèces au total, sont menacées d’extinction, car les forêts et les autres écosystèmes sont détruits au profit de l’expansion de l’agriculture, du développement de l’urbanisation et de l’essor de l’extraction des ressources. La population de certaines espèces qui sont recherchées pour leur chair ou qui entrent dans la composition de médicaments traditionnels a drastiquement diminué en raison de la pêche et de la chasse légales et illégales. Par ailleurs, les scientifiques observent actuellement une baisse rapide du nombre d’insectes, ce qui est probablement un effet secondaire du réchauffement climatique, de la plus grande concentration en produits chimiques et de la modification des habitats de ces animaux.
Si l’industrialisation et la pratique de l’agriculture intensive ont participé à la croissance économique mondiale, elles contribuent également à contaminer l’air et l’eau dont nous avons besoin. La pollution est responsable de la mort prématurée de millions d’individus chaque année, dont beaucoup font partie, ici aussi, des personnes les plus démunies au monde.
La perte de biodiversité, la pollution chimique et les changements climatiques sont trois des neuf « limites de ce que la planète peut supporter » que les scientifiques ont définies pour la première fois en 2009 dans le but de mesurer les risques que les activités humaines font peser sur le système terrestre. Pour chacune de ces limites, des calculs, tels que celui de la concentration de dioxyde de carbone dans l’atmosphère dans le cas des changements climatiques, donnent un aperçu de la situation et permettent de savoir si les seuils critiques ont été dépassés. Grâce à ces données, nous pourrions savoir si l’humanité est sur le point de mettre la planète en péril et quelle est la marge de manœuvre de sécurité dont elle dispose, ainsi que le formulaient les auteurs de l’article publié en 2009.
Selon cette étude, et un article actualisé en 2015 à propos des limites de ce que la planète peut supporter, la limite a été dépassée en ce qui concerne l’évolution du climat. La perte de biodiversité et, en particulier, de diversité génétique, est également supérieure à la limite acceptable, ce qui pourrait compromettre l’intégrité de la biosphère.
Urgence planétaire sans précédent
Malgré ces statistiques peu réjouissantes qui démontrent la responsabilité de l’humanité dans la pollution chimique de l’eau et de l’air, les scientifiques ne disposent toujours pas de données complètes sur les produits chimiques relâchés dans l’environnement du fait des activités humaines, leur durée de vie et les dangers qu’ils représentent pour le système terrestre.
En s’appuyant sur des évaluations récentes visant à mesurer la portée et l’étendue de ces trois urgences environnementales, les auteurs du rapport du PNUE s’attachent à définir les mesures à mettre en œuvre pour y faire face. Dans la préface, les auteurs principaux, Ivar Baste et Robert Watson, soulignent que « les résultats des différentes évaluations sont étroitement liés et sont à l’origine d’une urgence planétaire sans précédent ». M. Baste travaille pour l’Agence norvégienne de l’environnement tandis que M. Watson préside l’IPBES.
« Les trois urgences environnementales qui sont mises en exergue dans le rapport découlent toutes directement de notre surconsommation des ressources, de notre surproduction de déchets et de la préférence que nous accordons aux gains rapides, en dépit des difficultés qu’ils occasionnent à long terme, a déclaré Inger Andersen, la directrice exécutive du PNUE lors de la conférence de presse. Mais tout n’est pas perdu. »
Dans le plan directeur, les auteurs invitent les États à arrêter de subventionner l’agriculture industrielle ainsi que la production de combustibles fossiles responsables des émissions de carbone et à affecter les fonds ainsi économisés à des activités durables moins néfastes pour le climat. Mme Andersen a déclaré que fixer un prix pour le carbone que les pays et les entreprises émettent pourrait contribuer à l’abandon des pratiques préjudiciables et permettrait de parvenir à zéro émissions nettes à l’horizon 2050. « Soyons honnêtes : nous savons que les taxes sur la pollution sont efficaces », a-t-elle ajouté.
Pour lutter contre la perte de biodiversité, il faudra étendre le réseau mondial de zones protégées et améliorer le suivi de ces espaces terrestres et marins, leur sélection et leur interconnexion. M. Guterres s’est montré optimiste, convaincu que le génie humain était à la hauteur de la tâche. « Ce rapport démontre que nous avons les connaissances et les capacités nécessaires pour faire face à ces difficultés », a-t-il expliqué. Il a, toutefois, souligné que les nouvelles mesures visant à réduire les émissions de carbone, à diminuer les rejets de polluants dans l’environnement et à renforcer la protection de la biodiversité devaient être adoptées dès 2021. M. Guterres a, en effet, affirmé qu’il s’agissait d’une année décisive.
Avec AFP et Mongabay.