Malgré les maigres espoirs d’un répit dans la crise climatique du fait de l’arrêt des activités mondiales pendant la pandémie, de nouvelles mesures confirment que les niveaux mondiaux de dioxyde de carbone ont continué à augmenter. Pire, ils ont atteint des niveaux record comparables à ceux datant de 4 millions d’années, pendant l’ère du Pliocène.
Des mesures récemment publiées des niveaux de dioxyde de carbone (CO2) dans l’atmosphère montrent en effet que les concentrations de ce produit chimique qui piège la chaleur ont atteint des niveaux record que les scientifiques n’avaient jamais vus depuis l’époque des relevés modernes. Le mois de mai 2021 a connu les niveaux les plus élevés de CO2, avec une concentration moyenne de 419,13 parties par million (ppm), ont annoncé ce 7 juin des chercheurs de la National Oceanic and Atmospheric Administration (NOAA). « Nous ajoutons environ 40 milliards de tonnes métriques de pollution au CO2 dans l’atmosphère par an », a déclaré Pieter Tans, climatologue principal du Laboratoire de surveillance mondiale de la NOAA. « Si nous voulons éviter un changement climatique catastrophique, la priorité absolue doit être de réduire la pollution au CO2 à zéro le plus tôt possible. »
Au doux temps du Pliocène !
Le nouveau pic de 419,13 ppm est, selon les scientifiques, la moyenne mensuelle la plus élevée depuis le début des mesures atmosphériques précises, il y a plus de 60 ans. Mais l’ampleur réelle de ce résultat ne peut pas être mesurée en décennies, car il faudrait remonter beaucoup, beaucoup plus loin dans le temps pour trouver l’atmosphère terrestre aussi surchargée de CO2 que maintenant. Jusqu’où remonter ? Eh bien, à peu près jusqu’à l’époque du Pliocène, c’est-à-dire il y a environ 4,1 à 4,5 millions d’années, selon la NOAA. Cette ère a été la dernière période où la charge atmosphérique en dioxyde de carbone était comparable à celle des cieux pollués d’aujourd’hui.
Nous le savons parce que les chercheurs ont reconstitué les concentrations atmosphériques passées de CO2 à l’aide de méthodes de substitution complexes, telles que les compositions isotopiques du carbone trouvées dans les sédiments marins provenant de divers points océaniques du monde entier. Les niveaux élevés de CO2 atmosphérique accumulé à la fin du Pliocène signifient que le monde était très différent à l’époque, avec une température de 2 à 3 degrés Celsius supérieure à la période préindustrielle qui servent communément de référence. Concrètement, les régions polaires de la Terre étaient si chaudes qu’elles étaient recouvertes de forêts, et la glace qui s’est formée plus tard dans l’Antarctique et l’Arctique était encore de l’eau liquide, gonflant les océans jusqu’à un niveau supérieur de plus de 20 mètres à celui d’aujourd’hui.
Les scientifiques craignent que nous ne nous rapprochions dangereusement de ces conditions. Ils confirment ainsi les conclusions d’une étude choc qui avait été publiée en 2019 dans Nature. Cette recherche était menée par des chercheurs australiens qui analysent depuis plusieurs années cette période géologique d’intenses bouleversements, le Pliocène. Pendant cette période, la Terre a connu quasi exactement la même configuration climatique que celle que nous avons aujourd’hui. Même taux de CO2 dans l’atmosphère, élévation des températures de même ampleur. Le résultat à l’époque fut une fonte d’un tiers de l’Antarctique qui provoqua une élévation du niveau des océans de 25 mètres.
Il faut comprendre que si les océans s’élevaient de 25 mètres, s’en serait fini des Pays-Bas, la Normandie perdrait son Cotentin, plus d’îles en Bretagne, Nantes et Bordeaux sous la mer, la Camargue rayée de la carte, la promenade des Anglais et le Vieux-Nice noyés, sans parler du delta du Nil, du Bengladesh, de New York et de la côte Est des Etats-Unis, la liste est longue. 1 milliard de personnes seraient touchées et obligées de partir de chez elles. Autant de migrants climatiques déjà prévus par les scénarios des Nations-Unies.
La solution est là, sous nos yeux
Avant même d’en arriver là, l’élévation du niveau de la mer prévue d’ici la fin du siècle pourrait à elle seule menacer de déplacer des centaines de millions de personnes – et pour beaucoup de ceux qui trouveront refuge sur la terre ferme, la chaleur mortelle sera insupportable.
Cette sombre perspective pourrait devenir une réalité si nous continuons à rejeter des gaz à effet de serre dans l’atmosphère et à abandonner toute volonté de réduire le réchauffement climatique sous la barre des 1.5 °C. Celle-ci, fixée par l’Accord de Paris semble déjà obsolète, les experts du GIEC prévoyant, en fonction de l’état actuel de la situation, une augmentation des températures allant allègrement vers les 4 °C.
Ces nouveaux résultats s’inscrivent dans un contexte familier et fermement établi. Ils ne sont que les dernières preuves d’une trajectoire inchangée des niveaux de CO2, une histoire que nous nous retrouvons à raconter année après année, encore et encore. Pourtant, la solution pour arrêter cette chronique d’une catastrophe annoncée « est là, sous nos yeux » dit Pieter Tans. « L’énergie solaire et l’énergie éolienne sont déjà moins chères que les combustibles fossiles et elles fonctionnent à l’échelle requise. Si nous prenons rapidement des mesures concrètes, nous pourrons peut-être encore éviter un changement climatique catastrophique. »
Ce qui paraît clair, c’est que malgré les arrêts d’activité durant la pandémie — et les baisses temporaires de pollution qu’ils ont entraînées — ce type de réduction des émissions n’est pas suffisant pour que nous puissions encore constater un effet significatif sur les concentrations globales de CO2 dans l’atmosphère, surtout dans le contexte des fluctuations naturelles des émissions de carbone. Les scientifiques pensent qu’une baisse de 30 % des émissions humaines, pendant au moins six mois, pourrait avoir un effet observable. Mais ce n’est pas le cas de la pandémie, au cours de laquelle les émissions ont diminué seulement d’environ 6 %.
Et tous les autres signes indiquent que nous allons de toute façon dans la mauvaise direction. « La dernière décennie a connu la croissance la plus rapide du [CO2] de toute l’histoire de l’humanité », a déclaré le célèbre géochimiste Ralph Keeling au New York Times. « Ce n’est donc pas seulement que les niveaux sont élevés, c’est qu’ils continuent à augmenter rapidement ».
Comme c’est curieux ! Il n’est pas question d’énergie nucléaire qui est pourtant la plus efficace et ne produit pas de CO2… !! ??