Nous considérons souvent l’air que nous respirons comme acquis, mais de nouvelles données révèlent que les polluants à l’origine de millions de décès évitables entachent désormais l’air que la plupart d’entre nous respirent à des niveaux malsains. Et il ne faut pas beaucoup pour être atteint : « la pollution atmosphérique a un impact sur la santé à un niveau beaucoup plus faible qu’on ne le pensait auparavant », alerte l’Organisation mondiale de la santé.
Sur la base d’une analyse des données relatives à la pollution atmosphérique couvrant plus de 6 000 villes dans 117 pays, l’OMS indique dans un rapport qui vient d’être publié que 99 % de la population mondiale respire aujourd’hui un air qui ne répond pas aux directives de sécurité actualisées. Cela concerne 80 % des zones urbaines du monde.
Inhalation toxique
À chaque respiration, le dioxyde d’azote (NO2) invisible provenant des véhicules, des engins de chantier, des chaudières industrielles, des centrales électriques, etc. pénètre profondément dans nos poumons. Là, il peut irriter les tissus délicats de nos voies respiratoires, provoquant une inflammation croissante, déclenchant des allergies et de l’asthme et réduisant la fonction pulmonaire.
Le NO2 augmente aussi considérablement le risque de développer de l’asthme infantile. Il a également été associé à un poids inférieur chez les nouveau-nés, ainsi qu’à des maladies cardiovasculaires, même en cas d’exposition de courte durée.
Nous inhalons également des particules fines (PM) transportées par l’air, composées de nombreuses substances différentes, dont la poussière naturelle du désert ainsi que toutes sortes de polluants provenant des microplastiques, des feux de cuisson, de l’industrie, des activités agricoles, de la combustion de combustibles fossiles et des feux de forêt. L’OMS surveille les particules dont le diamètre est égal ou inférieur à 10 μm (PM10) ou 2,5 μm (PM2,5).
« Les particules, en particulier les PM2,5, sont capables de pénétrer profondément dans les poumons et de passer dans le sang, provoquant des répercussions cardiovasculaires, cérébrovasculaires (accidents vasculaires cérébraux) et respiratoires », indique l’OMS. « De nouvelles données montrent que les particules ont un impact sur d’autres organes et provoquent également d’autres maladies. »
Si les pays en développement sont toujours plus confrontés aux particules que les pays riches – les niveaux les plus élevés de PM10 sont enregistrés en Inde et de PM2,5 en Chine – cette différence n’est pas aussi nette en ce qui concerne le NO2.
À l’échelle mondiale, seuls 23 % des habitants des 4 000 villes mesurées respirent des niveaux de NO2 conformes aux directives de sécurité de l’OMS, les concentrations les plus élevées étant relevées en Méditerranée.
Partout dans le monde
Le mois dernier, un autre rapport à grande échelle sur la qualité de l’air, réalisé par la société suisse IQAir, a abouti à des conclusions similaires, en constatant qu’aucun pays ne respectait les recommandations de l’OMS en matière de qualité de l’air pour les PM2,5 en 2021. Selon l’équipe d’IQAir, les incendies de forêt alimentés par le changement climatique ont contribué au pic de pollution atmosphérique par les PM2,5 aux États-Unis par rapport à 2020. Les communautés américaines à faibles revenus ont généralement souffert le plus de la pollution atmosphérique, et la ville américaine la plus polluée était Los Angeles.
La bonne nouvelle, c’est que la qualité de l’air s’est améliorée l’année dernière dans de nombreuses villes chinoises, mais le chemin à parcourir est encore long. Les pays en développement sont confrontés à des problèmes supplémentaires liés aux feux de cuisson et de chauffage, ainsi qu’à l’industrie. « Il est choquant de constater qu’aucune grande ville ou pays ne fournit un air sûr et sain à ses citoyens selon la dernière directive de l’Organisation mondiale de la santé sur la qualité de l’air », déclare Frank Hammes, PDG d’IQAir. « Ce rapport souligne l’ampleur du travail qu’il reste à accomplir pour que chacun puisse respirer un air sûr, propre et sain. Il est temps d’agir. »
Les deux rapports indiquent que nous sommes presque tous confrontés à un risque accru de maladie cardiaque, d’accident vasculaire cérébral, de maladie pulmonaire et de cancer à cause de ces polluants. L’OMS estime que la pollution extérieure était responsable d’environ 4,2 millions de décès prématurés en 2016, du seul fait des PM2,5.
L’OMS note que les combustibles fossiles produisent les émissions les plus nocives liées aux maladies aiguës et chroniques, ainsi qu’à l’exacerbation des conditions qui déclenchent des polluants naturels plus importants comme les feux de brousse ou de forêt et les tempêtes de poussière. L’organisation appelle à une réduction généralisée et systémique de leur utilisation.
On connait les solutions
Les solutions se trouvent être les mêmes que celles que nous devons désespérément appliquer pour lutter contre la crise climatique : passer aux véhicules électriques, utiliser davantage les transports publics, se convertir aux énergies renouvelables et pratiquer le développement et l’agriculture durables.
« Les préoccupations énergétiques actuelles soulignent l’importance d’accélérer la transition vers des systèmes énergétiques plus propres et plus sains », déclare le directeur général de l’OMS, Tedros Adhanom Ghebreyesus.
« Les prix élevés des combustibles fossiles, la sécurité énergétique et l’urgence de relever le double défi sanitaire de la pollution atmosphérique et du changement climatique soulignent l’impérieuse nécessité d’aller plus vite vers un monde beaucoup moins dépendant des combustibles fossiles. » Si les combustibles fossiles peuvent encore être obstinément considérés comme la forme d’énergie la plus pratique, malgré des options moins coûteuses et plus saines, les nouvelles données démontrent que la plupart d’entre nous risquent chaque jour leur santé pour les payer.