Métaux critiques : l’Union européenne mise sur le recyclage pour sécuriser son avenir - UP' Magazine

Regardez le monde
avec les yeux ouverts

Inscrit ou abonné ?
CONNEXION

UP', média libre
grâce à ses lecteurs
Je rejoins

rejoignez gratuitement le cercle des lecteurs de UP’

Métaux critiques : l’Union européenne mise sur le recyclage pour sécuriser son avenir

Commencez

Face à une dépendance accrue envers les matières premières stratégiques pour alimenter la transition numérique et énergétique, l’Europe se trouve à un tournant décisif. Les métaux critiques, indispensables à la fabrication des batteries pour véhicules électriques, des éoliennes, des semi-conducteurs ou encore des composants d’intelligence artificielle, sont au cœur des enjeux géopolitiques et industriels contemporains. Dans un contexte mondial marqué par des restrictions d’exportation, l’Union européenne cherche à sécuriser son approvisionnement. L’une des réponses clés à cette pression : le recyclage.

La Commission européenne a récemment lancé le financement de dizaines de projets stratégiques visant à développer les capacités de récupération de matériaux critiques, avec un objectif ambitieux : couvrir 25 % de ses besoins par le recyclage d’ici à 2030. Dr Jack Howley, analyste technologique, décrypte ici les dynamiques en jeu, les avancées technologiques, les acteurs émergents et les perspectives de ce marché en pleine structuration, à partir de la dernière étude d’IDTechEx, entreprise qui fournit des études indépendantes sur les technologies émergentes et leurs marchés.

L’essor des technologies émergentes, telles que les véhicules électriques, les éoliennes et les puces pour l’IA, repose largement sur des matériaux critiques comme les semi-conducteurs (silicium, gallium, germanium), les métaux pour batteries (lithium, cobalt et nickel), et les terres rares. Celles-ci sont aussi un enjeu stratégique pour la transition écologique. Leur utilité, en particulier dans les énergies renouvelables et l’électronique, a fait augmenter fortement la demande pour ces métaux au cours des dernières années.

Alors que la demande pour ces ressources ne cesse de croître et que les risques liés à leur approvisionnement augmentent, un marché dédié à la récupération et au recyclage des matériaux critiques issus des produits en fin de vie et des déchets industriels émerge rapidement. Le rapport d’IDTechEx (1) « Critical Material Recovery 2025-2045 : Technologies, Markets, Players », analyse les technologies de recyclage des matériaux critiques, en mettant en évidence les principaux acteurs et les perspectives du marché pour le recyclage des batteries lithium-ion, des terres rares, des matériaux semi-conducteurs et des technologies de récupération des métaux du groupe du platine, afin de répondre à cette demande croissante.​

L’Europe s’engage activement dans l’accroissement de sa capacité de récupération des matières critiques en investissant dans des technologies de recyclage visant à sécuriser l’approvisionnement en matières premières stratégiques. En mars 2025, la Commission européenne a annoncé le financement de 47 projets dédiés aux matières premières stratégiques à travers le continent. Parmi eux, dix projets se concentrent spécifiquement sur le recyclage des matières critiques, visant la récupération de matériaux tels que le lithium, le nickel, le cobalt, le graphite et le manganèse de qualité batterie, ainsi que des terres rares destinées aux applications magnétiques. Ces initiatives sont essentielles pour que l’Europe atteigne son objectif ambitieux de satisfaire 25 % de ses besoins en matières premières stratégiques par le biais du recyclage d’ici à 2030.​

Le développement de technologies nationales de récupération des matières critiques en Europe est devenu une nécessité, notamment face aux restrictions croissantes imposées par la Chine sur l’exportation de ces matériaux depuis 2024. Par exemple, en décembre 2024, la Chine a interdit les exportations de minéraux d’antimoine, de gallium et de germanium vers les États-Unis, suivies en 2025 par des contrôles supplémentaires sur le tungstène, le tellure, le bismuth, le molybdène et l’indium, des matériaux essentiels pour les secteurs de la défense et les applications industrielles. Les restrictions concernant le tellure pourraient notamment perturber les marchés des films photovoltaïques minces en CdTe, la Chine représentant environ 30 à 40 % de la production mondiale de tellure en 2024.​

Pourquoi ne pas profiter d’une lecture illimitée de UP’ ? Abonnez-vous à partir de 1.90 € par semaine.

En réponse à ces défis, des technologies d’extraction et de séparation pour la récupération des éléments critiques des terres rares commencent à émerger en Europe. Le projet Caremag en France prévoit de traiter jusqu’à 2 000 tonnes d’aimants de terres rares d’ici à 2027 en utilisant une technologie hydrométallurgique et d’extraction par solvant exclusive. Parallèlement, HyProMag développe en Allemagne sa technologie de traitement de l’hydrogène en boucle courte, avec une capacité initiale de 100 tonnes par an de néodyme-fer-bore recyclé, comprenant des aimants frittés, des alliages et des poudres, avec une production prévue pour débuter en 2025. IDTechEx prévoit que plus de 10 000 tonnes d’éléments de terres rares seront récupérées chaque année d’ici à 2040 à partir de produits en fin de vie et de déchets, grâce à une combinaison de procédés de recyclage en boucle longue et courte.​
L’exemple des véhicules électriques en fin de vie montre comment un volume croissant de batteries à recycler au cours de la prochaine décennie, avec les déchets de fabrication, continueront probablement à dominer les flux de matières premières à court terme. IDTechEx prévoit que le marché du recyclage des batteries Li-ion atteint 52 milliards de dollars américains d’ici à 2045.

L’augmentation du recyclage des batteries lithium-ion sera déterminante pour que l’Europe atteigne son objectif stratégique de recyclage de 25 % des matières premières d’ici à 2030. Selon le Fraunhofer Institute for Systems and Innovation Research (ISI), la capacité européenne de recyclage des batteries lithium-ion devrait atteindre environ 400 000 tonnes par an d’ici à fin 2025. Cette expansion est portée par des entreprises telles que Northvolt, Altilium Metals et Librec, qui prévoient d’importantes augmentations de capacité d’ici à 2030. Toutefois, il est à noter que les capacités de recyclage prévues pourraient dépasser les volumes de batteries recyclables et de déchets de production disponibles dans les années à venir, ce qui pourrait entraîner une surcapacité à court terme.​

Il existe des raisons d’être optimiste quant à la capacité du recyclage à répondre à la demande en matériaux critiques en Europe, notamment grâce aux succès déjà enregistrés dans la récupération des métaux du groupe du platine et du germanium. Les métaux du groupe du platine, tels que le palladium, le platine et l’iridium, sont régulièrement recyclés à partir de catalyseurs usagés, leur valeur élevée (plus de 10 000 dollars par kilogramme) étant un facteur clé. De même, le recyclage du germanium provenant des verres optiques représente environ 20 % de la production mondiale annuelle. Dans ces cas, la concentration de l’utilisation du germanium dans des applications optoélectroniques facilite la séparation des déchets lors du prétraitement et améliore le taux de récupération. Ainsi, la valeur récupérable et la consolidation de la demande pour certaines applications seront des facteurs cruciaux pour déterminer la viabilité économique du recyclage dans les nouveaux flux de récupération des matières critiques.​ 

Mais il ne faut pas oublier que le recyclage des déchets nécessite une collecte, un tri et un prétraitement complexe avant qu’ils puissent être transformés en matière première secondaire, autant d’étapes lourdes et coûteuses à mettre en place.
L’horizon temporel de disponibilité de ces déchets représente également un défi. Plusieurs matériaux sont ainsi largement et efficacement recyclés, mais principalement intégrés dans des biens d’équipement à longue durée de vie : ils ne pourront être recyclés que sur le long terme. En outre, l’évolution rapide des technologies des batteries agit comme un frein au développement de la filière de recyclage – les investisseurs étant réticents à se positionner sur des technologies encore incertaines.
À ces problématiques s’ajoutent encore celles des alliages ou des usages dispersifs des métaux, rendant plus complexe, voire impossible, leur recyclage, ou encore la question du « décyclage ».

En Europe, la question n’est pas de savoir si la récupération des matériaux critiques va se développer, mais quand. Les projets de recyclage des matières premières se multiplient à un rythme soutenu, avec des milliers de tonnes de capacité supplémentaire de récupération des métaux et des terres rares issus des batteries lithium-ion qui devraient être opérationnelles d’ici à 2030.

La dernière pièce du puzzle de la sécurité des matériaux critiques en Europe consistera à combiner le volume prévu de produits en fin de vie et de déchets avec des processus efficaces de collecte et de tri pour recycler les matériaux critiques de manière économique.​

(1) www.IDTechEx.com 

Pour aller plus loin :

Photo d’en-tête : Sac contenant des pièces d’ordinateurs destinées au recyclage afin d’en extraire les métaux précieux – Kenya. © AFP

Pour lutter contre la désinformation et privilégier les analyses qui décryptent l’actualité, rejoignez le cercle des lecteurs abonnés de UP’

Nous avons un message pour vous…

Dès sa création, il y a plus de dix ans,  nous avons pris l’engagement que UP’ Magazine accordera au dérèglement climatique, à l’extinction des espèces sauvages, à la pollution, à la qualité de notre alimentation et à la transition écologique l’attention et l’importance urgentes que ces défis exigent. Cet engagement s’est traduit, en 2020, par le partenariat de UP’ Magazine avec Covering Climate Now, une collaboration mondiale de 300 médias sélectionnés pour renforcer la couverture journalistique des enjeux climatiques. En septembre 2022, UP’ Magazine a adhéré à la Charte pour un journalisme à la hauteur de l’urgence écologique.

Nous promettons de vous tenir informés des mesures que nous prenons pour nous responsabiliser à ce moment décisif de notre vie. La désinformation sur le climat étant monnaie courante, et jamais plus dangereuse qu’aujourd’hui, il est essentiel que UP’ Magazine publie des rapports précis et relaye des informations faisant autorité – et nous ne resterons pas silencieux.

Notre indépendance éditoriale signifie que nous sommes libres d’enquêter et de contester l’inaction de ceux qui sont au pouvoir. Nous informerons nos lecteurs des menaces qui pèsent sur l’environnement en nous fondant sur des faits scientifiques et non sur des intérêts commerciaux ou politiques. Et nous avons apporté plusieurs modifications importantes à notre expression éditoriale pour que le langage que nous utilisons reflète fidèlement, mais sans catastrophisme, l’urgence écologique.

UP’ Magazine estime que les problèmes auxquels nous sommes confrontés dans le cadre de la crise climatique sont systémiques et qu’un changement sociétal fondamental est nécessaire. Nous continuerons à rendre compte des efforts des individus et des communautés du monde entier qui prennent courageusement position pour les générations futures et la préservation de la vie humaine sur terre. Nous voulons que leurs histoires inspirent l’espoir.

Nous espérons que vous envisagerez de nous soutenir aujourd’hui. Nous avons besoin de votre soutien pour continuer à offrir un journalisme de qualité, ouvert et indépendant. Chaque abonnement des lecteurs, quelle que soit sa taille, est précieux. Soutenez UP’ Magazine à partir d’1.90 € par semaine seulement – et cela ne prend qu’une minute. Merci de votre soutien.

Je m’abonne →

S’abonner
Notifier de


0 Commentaires
Les plus anciens
Les plus récents Le plus de votes
Inline Feedbacks
View all comments
Article précédent

Crise mondiale de l'eau : Nouvelle usine de dessalement aux Philippines, bonne réponse ou danger écologique ?

Derniers articles de Ressources