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La conquête de l’eau au Proche-Orient

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Au Proche-Orient, Israël, la Palestine, la Jordanie et la Syrie se disputent des ressources hydriques limitées. Au coeur de cette politique de conquête de l’eau se trouve le bassin du Jourdain. Etat des lieux.

Le Proche-Orient, théâtre de conflits armés liés à l’eau? « Je préfère le terme de tensions politique plutôt que de conflits », précise Pierre Berthelot. Chercheur associé à l’Institut français d’analyse stratégique et à la Fondation méditerranéenne d’études stratégiques, il admet qu' »il y a eu des conflits liés à l’eau dans le passé, de violents conflits même, et cela pourrait se reproduire potentiellement. Mais je ne pense pas à un conflit militaire direct, plutôt à un conflit politique ».

Le Proche-Orient, avec le bassin du Jourdain, figure comme l’une des principales zones de conflits liés à l’eau dans le monde, où trois Etats et la Palestine tentent de se partager une ressource rare. L’or bleu est-il alors source de conflits ou de paix? Plongée en eaux politiques.

Un fleuve convoité

Israël, la Palestine, la Jordanie et la Syrie : un quatuor en pleine situation de stress hydrique. En d’autres termes, ces pays, situés dans une région dite aride, ont des besoins en eau supérieurs aux ressources existantes et disponibles. La forte pression démographique de ces dernières années et le changement climatique aggravent la situation.

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Le fleuve Jourdain constitue le principal réservoir d’eau de la région et dessine une frontière naturelle entre Israël et la Jordanie. Son débit représentait il y a encore quelques années près de 1,3 milliards de m3 par an, une fois jeté dans la mer Morte. Aujourd’hui, on estime son débit à près de 20 à 30 millions par an.

Son affluent, le Yarmouk, prend lui sa source en Syrie avant d’atteindre les terres jordaniennes. Le plateau du Golan, avec le lac de Tibériade, se situe en territoire syrien et constitue une zone stratégique : Israël l’a compris et l’a annexé en 1981. Enfin, les ressources aquifères souterraines assurent une large part de l’approvisionnement en eau du bassin.

« C’est vrai qu’au départ, la région est défavorisée, certes, explique Pierre Berthelot. Mais cela n’exonère pas les populations et les gouvernements d’être plus responsables. » La mauvaise gestion de l’eau, « on l’oublie souvent », n’a fait qu’aggraver la situation déjà critique du bassin (déperdition de près de 50% de l’eau acheminée en Jordanie dûe au mauvais état des canalisations, etc.). Par conséquent, le niveau du Jourdain baisse dangereusement au fil des années. En 2010, le porte-parole de l’Autorité pour l’eau a indiqué que la simple consommation domestique d’eau potable en Israël s’élevait à 700 millions de m3.

Face à ces faibles ressources en eau, les disparités régionales et dépendances se creusent et les pressions exercées par Israël compliquent la donne.

Israël, gendarme de l’eau

L’état hébreu domine le bassin sans disposer de réelles ressources en eau sur son territoire. Il détourne et puise ainsi illégalement et sans limites dans le fleuve Jourdain et les ressources aquifères souterraines, situées en territoires palestiniens (principalement en Cisjordanie). De plus, l’occupation du Sud-Liban jusqu’en 2000 lui a permis de prendre le contrôle de deux affluents du Jourdain. « L’opération portait même le nom du fleuve… », rapporte Pierre Berthelot.

C’est dire l’importance de l’eau dans le contexte géopolitique. « Israël veut être le gendarme de la question de l’eau dans la région », au détriment des Palestiniens qui font face à un accès à l’eau restreint malgré l’accord d’Oslo II en 1995 qui reconnaît le droit à l’eau pour ces populations, mais sans établir de ratio précis.

Au détriment également des Jordaniens. Un traité de paix a pourtant été adopté en 1994 entre Israël et la Jordanie, instaurant une coopération multilatérale notamment pour la répartition de l’eau provenant de sources communes. Pour Pierre Berthelot, « la Jordanie est à la fois alliée et otage d’Israël », bloquée entre son accord avec Israël, son projet avorté (par Israël) de barrage avec la Syrie sur le Yarmouk et ses relations tendues avec ses autres voisins (Irak, Arabie Saoudite). Pour pouvoir continuer son développement économique, la Jordanie a besoin d’eau et « dépend alors de la bonne volonté de son voisin ».

Le contrôle de la terre, pour des raisons politique ou encore sécuritaire, se révèle donc être aussi un contrôle de l’eau pour l’état hébreu. Son déficit hydrique se creuse toujours plus. « Israël considère qu’il est menacé à tous les niveaux dans la région (montée de l’islamisme, révolte en Syrie, attitude face à l’Iran…), des menaces réelles ou fantasmées d’ailleurs. Il utilise donc la carte de l’eau. Si l’on suit sa logique, un pays qui fait face à un tel flux de menaces a le droit de jouer cette carte. » Comment envisager de partager une ressource si rare avec ses voisins et risquer de se mettre soi-même en péril?

Tensions, projets et paix ?

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Une telle mainmise sur l’eau par Israël oblige ses pays voisins à détourner ces eaux. La Syrie tente ainsi de puiser dans le Yarmouk, en aval du lac de Tibériade, en construisant des puits.

La surexploitation des nappes phréatiques entraîne, elle, une importante salinisation des eaux. Israël a alors développé un réseau d’usines de dessalement d’eau de mer afin de réduire sa dépendance au Jourdain ou encore aux ressources aquifères, dont les jours sont comptés.

Problème, « on agit sur l’offre. Il faudrait plutôt agir sur la demande et responsabiliser les populations », commente Pierre Berthelot. De plus, ces usines sont « vulnérables » et pourrait être visées par des missiles ennemis. « On se met dans une position de dépendance dangereuse. »

La question de l’eau est-elle alors déterminante pour parvenir à un accord de paix entre Israël et la Palestine ? « Ce n’est, à mon sens, pas le point de blocage principal et il y a toujours des alternatives, des compromis à trouver. »

Aujourd’hui, la situation au Proche-Orient est préoccupante mais la guerre de l’eau n’est pas à craindre: « c’est le statu quo et nous ne sommes pas prêt d’en voir le bout », conclut le chercheur.

(Source : Caroline Dubois / Youphil.com – Mars 2012)

Pour aller plus loin :

Israël,  l’eau au cœur du conflit : http://www.arte.tv/fr/2480748.html

Une approche politique du contrôle de l’eau au Moyen-Orient : http://www.cairn.info/revue-afrique-contemporaine-2003-1-page-77.htm

Gaza,  l’urgence du dessalement 😐 http://www.youphil.com/fr/article/05037-gaza-l-urgence-du-dessalement?ypcli=ano

La géopolitique de l’eau au Moyen-Orient : guerre improbable, paix impossible ? : http://www.moyenorient-presse.com/?p=228

 

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