Les Français Bruno Mottet, Lyderic Bocquet et l’équipe de leur startup Sweetch Energy sont finalistes du Prix de l’inventeur européen 2024 avec leur dispositif de production d’électricité à partir de l’eau de mer. En utilisant les sels marins, Sweetch Energy produit de l’énergie entièrement renouvelable, en continu et sans carbone. Appelée énergie osmotique, elle possède donc le potentiel de répondre durablement aux besoins énergétiques croissants et de réduire la dépendance aux combustibles fossiles en augmentant l’offre mondiale d’énergie renouvelable. Un procédé qui pourrait transformer le domaine de l’énergie, en exploitant l’osmose pour produire de l’électricité économique et moins polluante.
La demande mondiale d’électricité devrait atteindre près de 30 000 térawattheures (TWh) d’ici à 2025, selon l’Agence internationale de l’énergie. Même si les énergies solaire et éolienne couvriront inévitablement une partie de cette augmentation de la demande, les combustibles fossiles devraient encore jouer un rôle majeur dans le futur mix électrique mondial. De nouvelles sources d’énergie renouvelable sont donc nécessaires pour atteindre le scénario zéro émissions nettes, des sources qui ne seraient pas soumises aux conditions météorologiques et à d’autres limitations d’infrastructure. Les scientifiques Bruno Mottet et Lydéric Bocquet ont inventé une technologie osmotique qui fonctionne comme un processus de dessalement inversé pour produire de l’électricité verte de manière compétitive et non intermittente.
Bruno Mottet et Lydéric Bocquet ont mis au point une technologie qui utilise une membrane permettant d’exploiter l’énergie provenant de la différence de concentration en sel entre des courants d’eau. L’énergie osmotique pourrait permettre de répondre durablement aux besoins énergétiques croissants et de réduire la dépendance à l’égard des combustibles fossiles en augmentant l’offre mondiale d’énergie renouvelable.
Une voie vers une source d’énergie renouvelable, non intermittente et compétitive
Les estuaires et les deltas du monde entier pourraient constituer une source fiable de production d’électricité par osmose. Pour extraire cette énergie à la jonction de l’eau douce et de l’eau de mer, M. Mottet et M. Bocquet ont développé la technologie INOD® (Ionic Nano Osmotic Diffusion), sur la base de recherches menées au Centre national français de la recherche scientifique (CNRS). En effet, au lieu de se concentrer sur les technologies de turbine et de créer de l’électricité en forçant de l’eau salée à travers une membrane, la technologie INOD® exploite des phénomènes à l’échelle nanométrique pour générer des niveaux de puissance sans précédent grâce à des courants ioniques. Au cours de ce processus d’osmose, les ions salins, qui passent de la forte concentration en sel de l’eau de mer à la faible concentration de l’eau de rivière à travers une membrane sélective, créent une différence de charge qui produit un courant électrique. La membrane sélective développée par les deux chercheurs est le principal composant de la technologie et elle est fabriquée à partir d’un matériau biosourcé rentable, pour exploiter l’énergie générée au point de rencontre entre l’eau de mer et l’eau de rivière. Au cours du processus d’osmose, les ions se déplaçant depuis la concentration élevée en sel de l’eau de mer vers la faible concentration de l’eau de rivière via la membrane entraînent une différence de charge qui produit un courant électrique. « L’énergie osmotique prend ses racines dans l’entropie créée par le mélange d’eau de mer et d’eau douce« , explique Lyderic Bocquet. « L’énergie osmotique transforme cette entropie, ce chaos, en quelque chose avec lequel vous pouvez travailler. »
Pour développer cette technologie, les inventeurs ont co-fondé Sweetch Energy avec leurs partenaires Nicolas Heuzé et Pascal Le Mélinaire. En dix ans, ils ont réussi à transformer une découverte scientifique portant sur un nanotube en une solution industrielle. Aujourd’hui, l’entreprise collabore avec Compagnie Nationale du Rhône pour développer une centrale pilote osmotique appelée OsmoRhône, qui sera achevée en 2024. La centrale pilote exploitera l’énergie osmotique du Rhône, sur lequel il est possible d’installer 500 mégawatts (MW) à grande échelle, et de fournir de l’électricité propre à plus de 1,5 million de personnes au cours de la prochaine décennie, soit l’équivalent des populations de Marseille et de son agglomération, Barcelone, Amsterdam ou Montréal. « Nous avons travaillé pendant plus d’un an pour convaincre le gouvernement français et la Commission européenne de reconnaître le potentiel de l’énergie osmotique en tant qu’actif énergétique stratégique pour le réseau électrique européen à l’avenir », explique M. Mottet.
Selon Sweetch Energy, la production d’énergie osmotique pourrait permettre de porter la part mondiale de l’électricité renouvelable à 65 % en 2050, supérieure à la prévision actuelle de 50 %, contribuant de manière substantielle à la décarbonation du domaine de l’énergie.
Sweetch Energy collabore également avec EDF Hydro pour déployer l’énergie osmotique à grande échelle en France et à l’étranger.
Les entreprises émergentes, sources d’innovation
Lyderic Bocquet, physicien pluridisciplinaire au CNRS, souhaitait mettre son expertise au service de la société. Bruno Mottet, impressionné par le travail de M. Bocquet, a travaillé avec lui pour créer Sweetch Energy en 2015, en tant que directeur de l’innovation.
Selon Lyderic Bocquet, « les entreprises émergentes peuvent parfois être le chaînon manquant entre de nouvelles idées et de nouveaux concepts qui apparaissent dans les laboratoires de recherche et leur utilisation pour mettre en œuvre des technologies révolutionnaires à l’échelle industrielle ».
La lutte contre le changement climatique exige de réduire notre dépendance aux combustibles fossiles pour répondre à la demande mondiale d’électricité d’environ 28 000 térawattheures (TWh) par an. Des solutions d’énergie renouvelable comme le solaire et l’éolien peuvent y parvenir, mais elles dépendent fortement de la météo et ne sont pas toujours facilement disponibles. L’énergie osmotique, non affectée par les conditions météorologiques, a le potentiel de fournir une énergie propre et fiable pour satisfaire la demande mondiale en électricité.
Lorsqu’une grande idée devient réalité
Sweetch Energy doit sa création à un article sur l’utilisation du nitrure de bore pour la récupération d’énergie renouvelable rédigé par Lyderic Bocquet, éminent physicien et pionnier de la nanofluidique, article dont la lecture a poussé Bruno Mottet, ingénieur passionné par l’exploitation minière et l’ingénierie minérale, à prendre l’avion pour rencontrer M. Bocquet au Canada. Ils ont d’abord expérimenté le nitrure de bore et plus tard l’oxyde de titane, qui ont tous deux donné des résultats prometteurs et ont conduit M. Bocquet à déposer les premières demandes de brevet du duo. Cependant, ces matériaux étaient coûteux.
Pas découragés pour autant par ce revers, ils ont continué à chercher des matériaux pour la fabrication d’une membrane et ont finalement trouvé un autre matériau biosourcé. Grâce à leur nouveau matériau biologique rentable, ils ont pu convaincre le gouvernement français et la Commission européenne de reconnaître le potentiel de l’énergie osmotique, menant au projet OsmoRhône. Selon Bruno Mottet, leur histoire témoigne de leur persévérance : « Ce sera une formidable victoire pour Lyderic et moi, car nous travaillons sur le sujet depuis maintenant dix ans. »