Face à la flambée des prix de l’énergie, les Français peinent de plus en plus à payer leurs factures. Une récente enquête Ifop pour l’Observatoire Hexagone confirme cette réalité alarmante, soulignant l’ampleur des sacrifices consentis par de nombreux ménages pour faire face à ces coûts en hausse. Entre renoncements à certaines dépenses essentielles et attentes fortes d’un geste de l’État sur la fiscalité énergétique, cette étude met en lumière l’impact grandissant de la crise énergétique sur le pouvoir d’achat des Français.
Alors que le Médiateur national de l’énergie alertait début mars sur les difficultés croissantes des Français à payer leurs factures énergétiques, un sondage Ifop pour l‘Observatoire Hexagone vient confirmer ces difficultés. L’enquête, réalisée du 28 au 30 janvier 2025 auprès d’un échantillon de 1000 personnes représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus, mesure notamment les sacrifices consentis en matière d’alimentation ou de santé, afin de payer les factures d’électricité ou de carburant. Enfin, dans le cadre de la publication d’un dossier plus large sur les coûts de l’énergie en France, l’Observatoire Hexagone se penche sur la question des taxes (carburants, électricité, gaz) et souligne à quel point les Français attendent un geste de l’État dans ce domaine.
Les Français sont durement touchés par la hausse des tarifs de l’énergie : un sur deux déclare avoir constaté une forte augmentation de sa facture.
Qu’il s’agisse de leur facture d’électricité ou de gaz, la quasi-totalité des Français constate, en février 2025, une hausse par rapport à l’année précédente : 83 % pour l’électricité et 84 % pour le gaz.
Près de la moitié des répondants évoque même une hausse importante, un taux atteignant 53 % s’agissant de leur facture d’électricité. Surtout, l’une des questions des hausses de la facture énergétique touche l’ensemble de la population, y compris les catégories les plus aisées, sans exception. Les ménages modestes sont particulièrement touchés, risquant de basculer dans la précarité énergétique.
La hausse des factures d’énergie pousse plus de deux tiers des Français à abandonner fréquemment certains achats.
Ces hausses ne sont pas sans conséquence sur le budget des ménages : 68 % des Français déclarent devoir renoncer à certaines dépenses, dont 43 % qui le font moins « souvent ».
Le principal poste budgétaire sacrifié en raison du coût de l’énergie est celui des vacances, auquel 48 % des répondants ont déjà renoncé, devant le chauffage du logement (41 %), l’achat de produits alimentaires (38 %) et, plus préoccupant encore, les soins, pour un quart des Français (25 %).
Alors que les taxes représentent parfois une part importante de la facture énergétique payée par les Français, ces derniers en ont rarement une idée précise. Une fois informée, une grande majorité souhaiterait qu’elles soient réduites.
Si les taxes ne sont qu’un des nombreux facteurs entraînant le montant des factures d’énergie, 87 % des Français ignorent le niveau des taxes appliquées par l’État sur l’énergie.
Lorsqu’ils sont informés du niveau des taxes prélevées, les Français estiment très majoritairement qu’elles devraient être réduites (79 %). Cette opinion est particulièrement marquée pour les taxes sur les carburants (72 %) et sur l’électricité (71 %), mais concerne aussi celles sur le gaz, que 64 % des Français souhaiteraient voir baisser.
Symbole de la pression exercée par la facture énergétique sur le pouvoir d’achat, modifiant les considérations environnementales affirmées par les Français, aucune catégorie de la population ne plaide pour une augmentation des impôts — pas même les sympathisants écologistes, dont seuls 14 % soutiendraient une hausse des taxes sur le gaz, et 17 % sur les carburants.
Quelle adaptation des comportements ?
Face à ces hausses des tarifs de l’électricité et du gaz, les Français adaptent leur comportement en cherchant à réduire leur consommation et à optimiser leur budget énergétique. Beaucoup baissent le chauffage en hiver, limitent l’usage des appareils électroménagers énergivores et privilégient les heures creuses pour certaines tâches comme le lavage du linge ou la recharge des véhicules électriques.
L’éclairage devient plus raisonné avec l’installation d’ampoules LED et l’extinction systématique des lumières inutiles. Certains investissent dans des équipements plus performants comme des pompes à chaleur, des thermostats intelligents ou des panneaux solaires pour produire leur propre énergie et réduire leur dépendance aux fournisseurs.
La rénovation énergétique des logements prend aussi de l’ampleur avec l’isolation des combles, le changement des fenêtres et l’installation de systèmes de chauffage moins énergivores. Dans leur quotidien, beaucoup adoptent des réflexes plus économiques comme cuisiner avec des plaques à induction au lieu du four, limiter l’usage du sèche-linge ou encore privilégier la douche au bain.
Enfin, la recherche d’offres plus avantageuses auprès des fournisseurs d’énergie devient une priorité, tout comme l’intérêt croissant pour les communautés d’autoconsommation permettant de partager l’énergie entre voisins.
Quelles conséquences sur les entreprises ?
Ces augmentations créent une hausse des coûts de production pour les industries et les commerces, avec une répercussion possible sur les prix des biens et services (inflation) et un risque de fermetures ou de délocalisations pour les entreprises les plus exposées.
Les hausses des tarifs de l’électricité et du gaz entraînent une augmentation des coûts de production pour de nombreuses entreprises, notamment dans les secteurs industriels et artisanaux fortement dépendants de l’énergie. Face à cette envolée des charges, certaines entreprises répercutent ces coûts sur leurs prix de vente, contribuant ainsi à l’inflation et réduisant le pouvoir d’achat des consommateurs. D’autres, ne pouvant pas ajuster leurs prix sans perdre en compétitivité, réduisent leurs marges, ce qui freine les investissements et l’embauche. Dans les cas les plus extrêmes, des fermetures ou des délocalisations deviennent inévitables, entraînant des suppressions d’emplois et fragilisant le tissu économique local. Les petites entreprises et les artisans sont particulièrement vulnérables, car ils disposent de moins de leviers pour absorber ces hausses. À plus grande échelle, l’ensemble de l’économie est affecté par cette hausse des coûts énergétiques, car elle alimente une spirale inflationniste qui impacte aussi bien les consommateurs que les producteurs.
Quel impact sur les aides et dispositifs gouvernementaux ?
Les Français attendent de l’État des mesures concrètes pour limiter l’impact des hausses des tarifs énergétiques sur leur quotidien. Beaucoup souhaitent un maintien ou un renforcement du bouclier tarifaire afin de stabiliser les prix et éviter des augmentations trop brutales. Cette fiscalité énergétique est au cœur des préoccupations, avec une demande de baisse des taxes sur l’électricité et le gaz, voire une suppression temporaire de certaines contributions pour alléger les factures.
Les aides à la rénovation énergétique doivent être plus accessibles, simplifiées et mieux ciblées pour permettre aux ménages d’isoler leur logement et d’investir dans des équipements moins énergivores sans contrainte administrative excessive.
Le chèque énergie est perçu comme une aide précieuse, mais certains espèrent une revalorisation et une extension des critères d’éligibilité pour inclure davantage de foyers en difficulté. Beaucoup attendent aussi des mesures d’accompagnement pour encourager l’autoconsommation, comme des subventions pour les panneaux solaires ou des incitations fiscales pour les équipements permettant de réduire la consommation.
Enfin, la transparence sur la formation des prix de l’énergie est une exigence forte, avec la volonté de voir l’État mieux encadrer le marché pour éviter les abus et garantir un accès équitable à l’énergie pour tous.
Quelles solutions pour baisser les factures de Français ?
Les augmentations des prix de l’électricité et du gaz s’expliquent par plusieurs facteurs combinés. La flambée des prix de l’énergie sur les marchés internationaux, accentuée par les tensions géopolitiques et la guerre en Ukraine, a provoqué une envolée des coûts d’approvisionnement en gaz, impactant directement la production d’électricité. En France, la dépendance partielle aux importations et les difficultés rencontrées par le parc nucléaire, avec la fermeture temporaire de certains réacteurs pour maintenance, ont également pesé sur les prix. À cela s’ajoute la hausse des coûts des quotas de carbone dans le cadre des politiques environnementales européennes, qui renchérit la production d’électricité issue des énergies fossiles.
Pour réduire durablement les factures des Français, plusieurs politiques doivent être mises en place. Pour certains économistes, une relance massive du nucléaire est essentielle pour garantir une production stable et moins dépendante des fluctuations du marché international. Pour d’autres, le développement des énergies renouvelables doit s’accélérer avec des investissements dans le solaire, l’éolien et les réseaux intelligents pour optimiser la distribution et le stockage de l’énergie.
Une réforme du marché européen de l’électricité est nécessaire pour découpler le prix de l’électricité de celui du gaz et ainsi limiter l’impact des crises énergétiques sur les factures. L’État doit aussi renforcer les dispositifs d’aides à la rénovation énergétique afin d’accélérer l’isolation des logements et de réduire la consommation. Enfin, une meilleure régulation des prix et une fiscalité énergétique plus équilibrée, notamment avec un allègement des taxes sur l’énergie en période de crise, pourraient offrir un répit aux ménages et aux entreprises tout en assurant une transition énergétique soutenable.