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Substituer la chimie des plantes à celle du pétrole

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La chimie verte basée sur les métabolismes des plantes a le vent en poupe cette semaine au Plant Based Summit qui se tient à Paris. L’enjeu ? Rien de moins que de sortir de notre dépendance au pétrole.

Faire du pétrole avec des algues, utiliser la betterave pour faire des pneus, produire des plastiques biodégradables à partir de la canne à sucre… tels sont les défis que relèvent les industriels mobilisés autour des « solutions biosourcées ». Tous seront au grand rendez-vous international du Plant Based Summit, qui se tient au Pavillon d’Armenonville de la porte Maillot à Paris, ces 19 et 20 novembre 2013.

Producteurs de matières premières comme Terreos ou Unigrains, chimistes comme Arkema, Basf ou Solvay, transformateurs comme Roquette, ou Centres d’innovation comme l’ARD (Agrosindustries recherche et développement) ou le pôle Industries agroressources (IAR) reconfigurent à très grande vitesse nos modes de production pour sortir de l’ère du pétrole. Car qu’on le veuille ou non, l’extraction de l’or noir – qui reçoit 500 milliards de subventions par an – devient exorbitante, quand chacun sait de plus, qu’elle est insoutenable. Même la banque Goldman Sachs avoue que le boum obtenu avec le recours aux pétroles et gaz de schistes devrait s’achever en 2015 (1) !

Un mot d’ordre : passer au « biosourcé »

Les industriels l’ont compris : la mutation consiste pour eux à passer des ressources finies et donc épuisables à des productions par les plantes, dites productions « biosourcées ». Cette chimie biosourcée devrait représenter un marché de 8,1 Mt/an de produits et bénéficier d’une croissance de 17,7 % par an, selon les analystes du secteur. Et cela concerne tous les secteurs, qui peuvent ainsi « verdir leur chimie » : automobile, textile, cosmétique, pharmacie, production d’énergie ou de carburant…

Il s’agit tantôt de substitution, tantôt de nouvelles molécules à l’usage inédit. Dans le premier cas, on remplace des molécules classiquement fournies par la pétrochimie par des équivalents naturels issus du métabolisme de bactéries, de champignons, d’algues ou de cultures agricoles.
C’est le cas de l’acide succinique par exemple qui vient prendre la place de l’acide adipique (fait à base de pétrole et qui sert pour les nylons, les cosmétiques, comme additif alimentaire ou pour obtenir le polyuréthane des semelles de chaussures).

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Aujourd’hui, BioAmber exploite en France près de Reims une des plus grosses usines de production à grande échelle d’acide succinique bio-sourcé. En 2014, cette production devrait être transférée à l’usine de Sarnia, en Ontario. On passera ainsi de 2 000 tonnes à 30 000 tonnes d’acide succinique par an. De quoi prendre une bonne part de marché de ce produit qui sert d’aromatisant pour les aliments et les boissons, ainsi que d’intermédiaire pour divers produits chimiques industriels comme les teintures, les parfums, les laques, les produits chimiques pour photographie et les résines alkydes ainsi que les produits pharmaceutiques. Jusqu’au début des années 1900, il servait d’ailleurs en Europe d’antibiotique naturel et de remède général.

Dans le même esprit, le projet Biobutterfly, porté par Michelin, l’ADEME et Axens, (société du groupe IFP Energies nouvelles) vise à créer une nouvelle filière de production de caoutchoucs synthétiques à partir de biomasse. Dotée d’un investissement de 52,1 millions d’euros (dont 14,7 millions d’euros de fonds publics), l’initiative qui se déploie sur huit ans, est de développer et commercialiser du butadiène biosourcé, remplaçant le réactif chimique d’origine fossile utilisé dans la fabrication des caoutchoucs synthétiques dont 60 % de la production mondiale est destinée au secteur des pneumatiques.

Dans le second cas, il s’agit d’inventer de nouvelles filières. On peut donner ici l’exemple de l’isosorbide (non accessible à partir du pétrole) qui constitue une nouvelle plateforme chimique à partir de laquelle on peut faire des polycarbonates, des polyuréthanes, des polyesters, ou des dérivés tels que les diesters,… Le programme de recherche BioHub®7, lancé en 2006 et soutenu par OSEO (Agence française pour l’innovation) est un travail de chimie durable, qui se concentre sur ce composé qui peut remplacer les phtalates notamment qui sont des perturbateurs endocriniens de plus en plus détestés par les consommateurs (le biphénol A notamment).

Il est probable aussi que cette conversion de notre industrie va conduire à la réaffectation des raffineries utilisant le pétrole comme cela se passe en Sardaigne. Sur le site pétrochimique de Porto Torres, Polimeri Europa, filiale pétrochimique du géant énergétique italien ENI, s’est associé à Novamont (spécialiste italien des biopolymères et des plastiques biodégradables produits à partir de matières végétales, comme l’amidon) pour investir 500 millions d’euros dans un bio-complexe fabriquant des lubrifiants, des monomères, des plastiques bio-sourcés.

A ceux qui s’inquiètent du risque que ces productions capturent une matière première destinée à l’alimentation, Christophe Rupp- Dahlem, président de l’Institut de Chimie du végétal (qui organise le Plant Based Summit) répond : « aujourd’hui en Europe, seulement 10% de la chimie opère à partir de produits d’origine végétale en utilisant environ 0,5% des surfaces arables. Nous avons une approche par cascades c’est-à-dire que il y a une complémentarité entre la production alimentaire et la chimie. Nous mettons aussi l’accent sur les territoires qui nous approvisionnent ».

Reconnaître la valeur ajoutée du renouvelable et du biodégradable

Bien sur cette nouvelle approche industrielle nécessite un cadre réglementaire et incitatif afin de rendre compétitifs des produits dont la valeur ajoutée en terme de moindre impact environnemental n’est actuellement pas prise en compte (les fameuses externalités que le PIB ignore). 
Les acteurs réunis cette semaine à l’occasion du Plant Based Summit veulent donner à voir une nouvelle économie, basée sur des écosystèmes industriels aux activités intégrées (les déchets des uns deviennent les ressources des autres), et des échanges en boucle. Ils souhaitent que les pouvoirs publics appuient cette économie circulaire vertueuse, car en prise avec le réel biologique et ménageant les milieux de vie et leur régénération.
En charge de la bioéconomie à l’INRA, Paul Colonna précise qu’ « un produit biosourcé n’est pas forcément biodégradable. Mais cette chimie par les métabolismes vivants étend la palette des molécules disponibles et diminue l’empreinte carbone en évitant beaucoup de production de C02 ». 

Les années 2012-2013 ont vu le lancement des stratégies publiques pour inventer cette nouvelle économie basée sur le vivant (ou bioéconomie). Un an après le programme américain The National Bioeconomy Blueprint lancé pour renforcer l’effort de recherche dans les biosciences, la Commission européenne a annoncé, sa stratégie pour une bioéconomie soutenable. Il s’agit de « réconcilier la sécurité alimentaire et l’utilisation durable de ressources renouvelables à des fins industrielles tout en assurant la protection de l’environnement », a-t-elle insisté. Tout en rappelant l’enjeu : « avec 2 000 milliards d’euros de chiffres d’affaires, la bioéconomie assure environ 22 millions de postes de travail en Europe dans des secteurs aussi divers que l’agriculture, la foresterie, un avenir soutenable ? la pêche, l’alimentation, les produits chimiques et les biocarburants » (2). Un Observatoire de la bioéconomie a été mis en place ainsi qu’un groupe d’experts. Une réunion des parties prenantes est organisée le 26 novembre prochain à Bruxelles sur le sujet.

Un partenariat public privé de grande envergure associant cinquante industriels a été annoncé l’été dernier. C’est la « biobased initiative » ou BBI qui soutient la mise au point de démonstrateurs et d’unités industrielles. Un milliard d’euros est investi dans ces projets par les Etats européens quand le secteur privé abonde à hauteur de 2, 8 milliards d’euros.
« Les enjeux de la bioéconomie : miser sur le vivant pour un avenir soutenable », tel est le thème des prochaines Assises du vivant qui se tiendront les 12 et 13 décembre prochains à l’UNESCO, avec la collaboration de l’Institut Inspire et d’Agrostratégies et prospectives
Sont conviés tous ceux qui explorent les voies d’une industrie alternative, plus sobre et moins polluante que celle héritée du XXème siècle.

Dorothée Benoît-Browaeys, rédactrice en chef rubrique Bio innovations Up’Magazine

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(1) Le court avenir du boom du pétrole de schiste, vu par Goldman Sachs
http://petrole.blog.lemonde.fr/2013/10/08/le-court-avenir-du-petrole-de-schiste-vu-par-goldman-sachs/#more-8830

(2) COMMISSION STAFF WORKING DOCUMENT, Accompanying the document “Communication on Innovating for Sustainable Growth: A Bioeconomy for Europe”.

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