Les subventions des États européens aux compagnies pétrolières sont allées de plus belle cette année : 50 milliards d’euros. Les investissements des pétroliers dans les forages et l’extraction de gaz de schiste continuent malgré les limites fixées par l’Accord de Paris. Les voitures vendues dans le monde en 2018 dégageront pendant leur durée de vie deux fois plus de gaz à effet de serre que tous les pays de l’Union européenne. Le climat flambe, les menaces se font de plus en plus précises, les alertes ne cessent de se multiplier mais le business du pétrole continue comme si de rien n’était.
Les subventions du renoncement
On ne peut pas dire que le bilan des engagements pris par les États membres de l’Union européenne pour réduire leurs subventions aux industries fossiles soit très glorieux. En 2009, lors du G20, les chefs d’État et de gouvernements avaient juré, la main sur le cœur : ils s’engageaient à arrêter de financer les combustibles fossiles. En 2016 lors du G7, même scène : les leaders européens fixent une date butoir -2025 —pour la fin totale des subventions.
Une recherche menée par la Commission européenne a révélé qu’entre 2014 à 2016, les subventions européennes aux combustibles fossiles atteignaient en moyenne 55 milliards d’euros par an. Quant aux pays du G7, ils ont engagé 100 milliards de dollars pour soutenir la production et la consommation de pétrole, de gaz et de charbon.
La Commission européenne a réclamé à plusieurs reprises que les États membres suppriment leurs subventions nuisibles à l’environnement et a demandé que les gouvernements intègrent ces programmes de suppression dans leur plan national.
Les premiers brouillons de ces plans ont été livrés en juin 2019 et dévoilent que, seuls, huit pays avaient des mesures en place pour éliminer le charbon d’ici à 2030, le combustible fossile le plus sale. Les versions finales des plans nationaux devront être présentées d’ici la fin de l’année.
« Les États membres ont jusqu’à la fin de l’année pour effectuer le travail », a indiqué Markus Trilling, l’un des auteurs du rapport pour CAN Europe. « Les États membres de l’UE ont exprimé plusieurs fois leur volonté de mettre un terme aux subventions. Les plans nationaux intégrés énergie-climat leur permettent ainsi de s’organiser et de réorienter leurs investissements vers les énergies renouvelables et les économies d’énergies », soutient-il.
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Aux yeux des opposants à l’énergie fossile, l’élimination des subventions libèrera les moyens financiers nécessaires pour investir dans des technologies peu énergivores et atteindre la neutralité carbone le plus vite possible. On est loin du compte.
Les pétroliers parient contre le climat
Les compagnies pétrolières, non contentes d’empocher des subventions des États, continuent à investir lourdement en misant littéralement contre l’Accord de Paris.
C’est le constat que dresse le think-tank Carbon Tracker dans un rapport publié le 6 septembre dernier. Pour atteindre les objectifs de l’Accord de Paris, et rester dans un réchauffement climatique inférieur à 1.5°C, il faudrait que la demande en combustibles fossiles diminue. Dans cette hypothèse, les investissements des compagnies pétrolières, pour être rentables, devraient suivre ces objectifs de baisse de la consommation. Or il n’en est rien. Au contraire. Les compagnies pétrolières investissent à hauteur de 50 milliards de dollars dans des projets qui sont incompatibles avec l’Accord de Paris. Dans un monde vertueux à faible émission carbone, ces projets n’auraient aucune viabilité financière et n’atteindraient jamais de taux de rendement suffisant. Les compagnies pétrolières n’en ont cure et parient pour un monde à forte consommation de pétrole. Elles font le choix d’investir contre le climat.
Toutes les majors du pétrole sont concernées : Shell avec des projets de 13 milliards de dollars au Canada ; BP, Total et ExxonMobil en Afrique. Total est la compagnie leader des paris contre le climat ; selon Carbon Tracker, 67 % de ses investissements sont incompatibles avec l’Accord de Paris.
Ces compagnies prennent un risque en toute connaissance de cause. Si, par malheur pour elles, les engagements de l’Accord de Paris se réalisaient, elles perdraient la bagatelle de 2200 milliards de dollars d’ici 2030. Elles ont donc tout intérêt à ce que les engagements de limiter la hausse des températures à 1.5°C ne soient pas tenus. Elles sont organisées pour faire pression contre les gouvernements pour les convaincre de résister aux pressions de la rue et de l’opinion publique qui veut que des actions soient prises pour sauver la planète et surtout l’humanité du risque climatique. Les pétroliers veulent tout le contraire pour sauvegarder leur portefeuille ; ils utiliseront toutes les armes du lobbying pour parvenir à leurs fins. On comprend mieux pourquoi certains États et gouvernements se révèlent si hésitants à prendre les bonnes décisions sur le climat.
Des voitures, encore des voitures, toujours des voitures
C’est bien joli de produire du combustible fossile encore faut-il pouvoir l’écouler. Les voitures à essence ne sont pas près de disparaître. Au salon de Francfort qui s’est ouvert le 10 septembre, les constructeurs automobiles ont montré leurs plus beaux bijoux ; certes ont met en vitrine et dans la lumière des médias les voitures électriques mais on sait que ce sont les voitures traditionnelles qui se vendent. En France, la loi sur les mobilités prévoit la fin de la vente des véhicules à moteur thermiques (essence et diesel) en 2040, au mieux. Les écologistes s’en sont étranglé et demandent que les constructeurs automobiles mettent fin au règne de l’essence le plus vite possible. Mais on a bien compris que les pétroliers n’y ont aucun intérêt.
Même si Greenpeace et d’autres organisations de défense de l’environnement assènent des chiffres de pollution qui font frémir : les gaz à effet de serre émis au cours de leur cycle de vie par les véhicules vendus en 2018 par les douze principaux constructeurs mondiaux représentent 4.8 gigatonnes d’équivalent CO2. Pour se faire une idée, il faut comparer ce chiffre aux gaz à effets de serre émis par toute la population européenne en une année : 4.1 gigatonnes.
La palme du plus gros pollueur revient à Volkswagen, suivi de près par Renault-Nissan. Les voitures d’un constructeur comme Toyota émettent plus de 530 millions de tonnes de CO2, soit le volume de production d’un pays aussi vaste que l’Australie.
« L’urgence climatique est chaque jour plus palpable. Pourtant l’industrie automobile continue de conduire le climat droit dans le mur », commente Sarah Fayolle, spécialiste transport pour Greenpeace France. Les compagnies pétrolières sont bien aidées par les constructeurs automobiles qui continuent de promouvoir dans des campagnes marketing de la plus haute efficacité des modèles plus lourds, plus gourmands, plus polluants. Les consommateurs se laissent séduire par des publicités extraordinairement habiles. Résultat : les fameux SUV, ces grosses berlines à l’allure de 4×4 de baroudeurs sont omniprésents dans nos villes. Ils enregistrent des émissions de CO2 bien supérieurs aux autres modèles et malgré cela, ils se vendent : en Europe, leur part de marché à plus que quadruplé pour passer de 8 % en 2008 à 32 % dix ans plus tard.
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