Regardez le monde
avec les yeux ouverts

Inscrit ou abonné ?
CONNEXION

UP', média libre
grâce à ses lecteurs
Je rejoins

rejoignez gratuitement le cercle des lecteurs de UP’

comportements durables

Comment faire évoluer les comportements pour le développement durable ?

Commencez

« Prenez des douches et non des bains », « Mangez moins de viande », « Isolez votre logement », « Remplacez votre appareil de chauffage au bois »… Les injonctions comportementales au nom de l’environnement ne manquent pas. Mais faut-il modifier les actions de tout à chacun pour sauver la planète ? Comment les pouvoirs publics peuvent-ils s’y prendre ? Quelles réponses les différentes sciences humaines et sociales peuvent-elles apporter à toutes ces questions ? L’approche en termes de « comportement » est-elle adaptée aux buts poursuivis ?

Un rapide détour par l’histoire des politiques publiques énergétiques et environnementales nous apprend que l’insistance sur les comportements individuels est récente. On peut dater ce tournant d’une directive européenne de 2006 qui pose que la rénovation des bâtiments ainsi que les gains de performance des équipements sont insuffisants pour atteindre les objectifs européens en matière d’économies d’énergie. Puisqu’on atteint les limites de l’efficacité énergétique, c’est bien que les comportements doivent, eux aussi, évoluer.

Que les pouvoirs publics s’en préoccupent se justifie – comme pour d’autres sujets antérieurs (hygiénisme, sécurité routière, lutte contre les addictions) – parce que les actions des individus ont des conséquences négatives sur d’autres qu’eux-mêmes, en l’occurrence, les autres d’aujourd’hui, mais aussi les générations futures et même l’ensemble de la biosphère.

Clarifier les concepts

Si la légitimité d’une intervention des pouvoirs publics sur les comportements individuels est attestée en matière de développement durable, reste à savoir comment faire. C’est à ce moment que nos collègues ingénieurs ainsi que les acteurs de terrain (collectivités territoriales notamment) viennent voir les deux sociologues que nous sommes à l’Ademe et qui se trouvent bien en peine pour leur répondre !

Pourquoi ? Parce que la sociologie parle d’« usages » ou de « pratiques sociales ». « Comportement » est une notion d’économie ou de psychologie. Ici réside le premier mythe qui voudrait que le terme de « comportement » soit la seule façon de rendre compte des actions que font les individus. La réalité est que toutes les sciences humaines et sociales étudient l’humain et donc ont quelque chose à dire sur ce que certaines nomment « comportement ». Or, le vocabulaire cadre le problème et les solutions à y apporter.

Afin de clarifier les concepts et les différentes approches possibles, nous avons rédigé un panorama des sciences humaines et sociales (économie, psychologie, psychosociologie, sociologie, anthropologie). Nous souhaitions montrer la façon dont elles se traduisent en leviers d’action différents, les illustrer par projets concrets dans le domaine de l’énergie et de l’environnement et fournir des recommandations pratiques de mise en œuvre. Ce travail fait apparaître trois autres mythes liés au changement de comportement.

Pourquoi ne pas profiter d’une lecture illimitée de UP’ ? Abonnez-vous à partir de 1.90 € par semaine.

Comprendre les limites des comportements individuels

La réalité, c’est, comme le soulignait une campagne de communication sur le changement climatique du ministère de l’Écologie et du Développement durable en 2006, qu’« il n’y a pas de petits gestes quand nous sommes 60 millions à les faire ». Le mythe, en revanche, c’est que cela suffirait.

Des opérations de coaching et d’émulation collective telles que le défi « Familles à énergie positive » auprès d’une population particulièrement désireuse de bien faire et bien conseillée permettent d’atteindre en moyenne 12 % d’économie d’énergie grâce à de nouveaux gestes du quotidien. On est loin des objectifs du facteur 4 correspondant à une baisse de 75 % des émissions à l’horizon 2050.

Seule l’articulation d’évolutions à l’échelle individuelle (la fréquence des voyages en avion, le régime alimentaire, les taux d’équipement en biens électriques et électroniques, etc.) et à l’échelle collective (la répartition des activités sur un territoire, l’écoconception des produits, l’offre en transports collectifs, etc.) permet de se hisser à la hauteur des objectifs du facteur 4 (voir le film ci-dessous).

«Changer les comportements pour un mode de vie plus durable» (Ademe, 2016).

Prendre en compte le collectif

La réalité reste que les comportements individuels doivent évoluer. Le mythe c’est que le changement de comportement est une affaire strictement individuelle. Ce résultat, constitutif de la sociologie et de la psychosociologie, est aussi largement démontré par l’économie.

Prendre des décisions économiquement rationnelles en fonction de ses propres préférences dépend d’une multitude de conditions, par exemple, de la disponibilité pour tous les acteurs d’informations fiables et utilisables sur la qualité des biens et des services. C’est ce que font des dispositifs collectifs tels que l’affichage environnemental ou les signaux de qualité (labels, etc.). Ils permettent aux individus d’exprimer leurs éventuelles préférences environnementales. Les offres intégrées pour la rénovation et les mécanismes de tiers financement pallient, quant à eux, l’aversion au risque, la contrainte de liquidité et allègent la charge mentale de calculs complexes sur la rentabilité future des investissements dans des travaux ou les équipements.

Ne pas chercher d’outils miracles

La réalité, c’est bien que les comportements individuels sont aussi collectifs et institutionnalisés. Le mythe, c’est qu’on pourrait agir sur le « tout » à partir d’une seule de ses parties grâce à un outil miracle, pertinent en toute circonstance. Dans un monde complexe fait de régularités, de systèmes imbriqués et de dépendances au sentier, il est plus efficace d’agir à plusieurs échelles à la fois.

Rien ne dispense également d’une analyse contextualisée de sa cible et des pratiques visées. Cela relativise les modes : hier la « communication engageante », aujourd’hui les nudges. La seule règle générale consiste donc à articuler les échelles d’action, les outils et les acteurs qui les mettent en œuvre afin de ne pas s’en tenir qu’à l’arbitrage individuel, mais d’agir également sur le contexte matériel, normatif et social qui oriente, cadre voire détermine les actions individuelles.

Les sciences humaines ne lèvent les mythes qu’en ajoutant de la complexité par rapport à des visions mécanistes et partielles des phénomènes humains, mais les comprendre permet de décoder cette complexité. Elles contribuent, comme toute démarche scientifique, à accroître le réalisme et donc l’efficacité des professionnels qui se lancent dans l’aventure du changement de comportement.


L’ouvrage « Changer les comportements, faire évoluer les pratiques sociales vers plus de durabilité » se télécharge gratuitement sur le site de l’Ademe.

Albane Gaspard, Sociologue, service « Économie et prospective », Ademe (Agence de l’environnement et de la maitrise de l’énergie) et Solange Martin, Sociologue, service « Économie et prospective », Ademe (Agence de l’environnement et de la maitrise de l’énergie)

Pour lutter contre la désinformation et privilégier les analyses qui décryptent l’actualité, rejoignez le cercle des lecteurs abonnés de UP’

La version originale de cet article a été publiée sur The Conversation.

 

 

The Conversation

Nous avons un message pour vous…

Dès sa création, il y a plus de dix ans,  nous avons pris l’engagement que UP’ Magazine accordera au dérèglement climatique, à l’extinction des espèces sauvages, à la pollution, à la qualité de notre alimentation et à la transition écologique l’attention et l’importance urgentes que ces défis exigent. Cet engagement s’est traduit, en 2020, par le partenariat de UP’ Magazine avec Covering Climate Now, une collaboration mondiale de 300 médias sélectionnés pour renforcer la couverture journalistique des enjeux climatiques. En septembre 2022, UP’ Magazine a adhéré à la Charte pour un journalisme à la hauteur de l’urgence écologique.

Nous promettons de vous tenir informés des mesures que nous prenons pour nous responsabiliser à ce moment décisif de notre vie. La désinformation sur le climat étant monnaie courante, et jamais plus dangereuse qu’aujourd’hui, il est essentiel que UP’ Magazine publie des rapports précis et relaye des informations faisant autorité – et nous ne resterons pas silencieux.

Notre indépendance éditoriale signifie que nous sommes libres d’enquêter et de contester l’inaction de ceux qui sont au pouvoir. Nous informerons nos lecteurs des menaces qui pèsent sur l’environnement en nous fondant sur des faits scientifiques et non sur des intérêts commerciaux ou politiques. Et nous avons apporté plusieurs modifications importantes à notre expression éditoriale pour que le langage que nous utilisons reflète fidèlement, mais sans catastrophisme, l’urgence écologique.

UP’ Magazine estime que les problèmes auxquels nous sommes confrontés dans le cadre de la crise climatique sont systémiques et qu’un changement sociétal fondamental est nécessaire. Nous continuerons à rendre compte des efforts des individus et des communautés du monde entier qui prennent courageusement position pour les générations futures et la préservation de la vie humaine sur terre. Nous voulons que leurs histoires inspirent l’espoir.

Nous espérons que vous envisagerez de nous soutenir aujourd’hui. Nous avons besoin de votre soutien pour continuer à offrir un journalisme de qualité, ouvert et indépendant. Chaque abonnement des lecteurs, quelle que soit sa taille, est précieux. Soutenez UP’ Magazine à partir d’1.90 € par semaine seulement – et cela ne prend qu’une minute. Merci de votre soutien.

Je m’abonne →

S’abonner
Notifier de

0 Commentaires
Les plus anciens
Les plus récents Le plus de votes
Inline Feedbacks
View all comments
transition écologique
Article précédent

Comment mettre en oeuvre la transition écologique ? Les candidats répondent

armes nucléaires
Prochain article

Attention, les armes nucléaires sont en passe de devenir illégales !

Derniers articles de Transition écologique et énergétique

REJOIGNEZ

LE CERCLE DE CEUX QUI VEULENT COMPRENDRE NOTRE EPOQUE DE TRANSITION, REGARDER LE MONDE AVEC LES YEUX OUVERTS. ET AGIR.
logo-UP-menu150

Déjà inscrit ? Je me connecte

Inscrivez-vous et lisez trois articles gratuitement. Recevez aussi notre newsletter pour être informé des dernières infos publiées.

→ Inscrivez-vous gratuitement pour poursuivre votre lecture.

REJOIGNEZ

LE CERCLE DE CEUX QUI VEULENT COMPRENDRE NOTRE EPOQUE DE TRANSITION, REGARDER LE MONDE AVEC LES YEUX OUVERTS ET AGIR

Vous avez bénéficié de 3 articles gratuits pour découvrir UP’.

Profitez d'un accès illimité à nos contenus !

A partir de 1.70 € par semaine seulement.

Profitez d'un accès illimité à nos contenus !

A partir de $1.99 par semaine seulement.
Partagez
Tweetez
Partagez
WhatsApp
Email
Print