Il avait toujours dit non. Il a refusé à tous les présidents, Chirac, Sarkozy, Hollande, d’entrer dans un gouvernement. Et aujourd’hui, il a dit oui. Nicolas Hulot est nommé ministre d’État de la Transition écologique et solidaire. Un poste de poids dans le nouveau gouvernement. Un accord qui n’a pas dû se faire sans garanties. Mais malgré tout, un sacré pari qu’il lui a fallu prendre pour répondre à l’urgence de la situation climatique.
« Il ne sera pas la plante verte du gouvernement » déclarait José Bové juste après la nomination de son ami Nicolas Hulot. Hyper-jaloux de son indépendance, le président de la fondation Nicolas Hulot a certes conseillé maints présidents de la République et occupé de nombreuses fonctions de conseiller ou d’« envoyé spécial pour la planète », mais il a toujours refusé un poste de ministre. « J’ai toujours été du côté de ceux qui exigeaient » déclare-t-il lors de sa passation de pouvoirs avec Ségolène Royal.
S’il accepte aujourd’hui de passer de l’autre côté de la barrière, du côté de ceux qui agissent, ce n’est assurément pas sans avoir pris des assurances sur un certain nombre de dossiers brûlants.
D’abord, la sortie du nucléaire. Face à un premier ministre, Edouard Philippe, qui fut un temps lobbyiste au sein du groupe Areva, Nicolas Hulot pourra-t-il mettre en œuvre les idées qu’il défend depuis toujours sur le nucléaire. Il ne s’agit pas seulement pour lui de la fermeture de la centrale de Fessenheim, mais de mettre en œuvre la promesse de respecter la diminution de la part du nucléaire de 77 % à 50 % dans le mix énergétique français d’ici 2025. Une promesse difficile à tenir, d’autant qu’elle doit être menée en collaboration avec le ministère de l’Économie dont le nouveau patron est le LR Bruno Lemaire. Le nouveau ministre aura aussi sur les bras un dossier encombrant, celui du rapprochement de la branche d’Areva chargée de la construction des réacteurs nucléaires et d’EDF. Une zone d’incertitude et de turbulence qui a aussitôt alerté la Bourse : le cours du titre EDF a chuté gravement, seulement quelques minutes après l’annonce du nouveau gouvernement.
L’autre sujet brûlant est celui de l’aéroport Notre-Dame des Landes. Nicolas hulot en a été un farouche opposant : « Vieux de plus de 40 ans, ce projet est vicié, gangrené. Il porte en lui les racines de la discorde. Jamais il ne se fera dans les conditions actuelles », déclarait-il en novembre 2015. Quel poids aura-t-il dans le gouvernement sur ce dossier épineux ? Nul doute que celui-ci a dû être mis sur la table avec le président de la République dans leurs échanges préalables à la nomination. Un signe peut-être dans la déclaration mercredi dernier du nouveau porte-parole du gouvernement Christophe Castener : « Le Président de la République veut se donner six mois pour faire un point de situation précis. Aujourd’hui, tout est bloqué. Il faut se donner six mois pour y voir clair sur l’utilité de cet aéroport ou pas ».
Le CETA, ce traité de libre-échange avec le Canada, est aussi un sujet d’interrogation si ce n’est de discorde entre Nicolas Hulot et le président Macron. Ce dernier a certes révisé la position très favorable qu’il avait au début de sa campagne sur ce Traité. Ce dossier fut la pierre d’achoppement de l’offre d’entrer au gouvernement qu’avait faite François Hollande à l’écologiste le plus populaire de France. Quelles garanties lui aurait donné le président de la République sur ce point pour qu’il accepte cette fois-ci ? Sa promesse de créer un comité d’experts indépendants pour évaluer l’impact environnemental du CETA avant sa ratification par le parlement aura-telle suffit ? L’avenir nous le dira.
A ces principaux dossiers, d’autres non moins importants seront sur la table dès demain matin : celui de la biodiversité, de l’ouverture à la concurrence des barrages hydrauliques, du sort du diesel, de la transition agricole, des forages d’hydrocarbures, etc. Nicolas Hulot devra s’armer de courage –il en a– mais aussi de diplomatie, une qualité qui tranche moins dans sa personnalité, lui l’homme farouchement attaché à ses convictions.
Enfin, la solidarité. C’est le dernier cheval de bataille de Nicolas Hulot qui a perçu parfaitement le lien étroit qui réside entre l’écologie et les solidarités. Le mouvement Présent ! qu’il a lancé il y a quelques semaines n’a eu que peu de retentissement parmi les politiques. Aujourd’hui, son ministère s’intitule « de la transition écologique et solidaire». Est-ce la clé de la rencontre réussie entre le nouveau président de la République et ce « grand angoissé », cet « optimiste désespéré », qu’est le nouveau ministre d’État. Ou est-ce un appel subliminal pour inciter Nicolas Hulot à parfois mettre de l’eau dans son vin au nom de la sacrosainte « solidarité gouvernementale » ?
Cette « vigie du climat », celui qui mit dans la bouche de Jacques Chirac des mots historiques au sommet de Johannesburg – « Notre maison brûle et nous regardons ailleurs » –, cet ancien présentateur d’émission de télévision, jouissant d’une popularité inébranlable depuis des années, a envoyé un message à ses amis de la fondation qui porte son nom et qu’il ne présidera désormais plus. « Ceux qui me connaissent savent qu’être ministre n’est pas pour moi un objectif en soi. Je pèse toutes les implications de cette décision. Cependant, j’ai l’intuition, sans en avoir la certitude que la donne politique ouvre une nouvelle opportunité d’action que je ne peux pas ignorer. Je considère surtout que l’urgence de la situation m’impose de tout tenter pour faire émerger le nouveau modèle de société que nous appelons collectivement de nos vœux. J’espère que cette nouvelle donne offrira un terreau fertile pour le construire enfin ».
Est-ce la clé du pari de Monsieur Hulot en s’installant dans ses fonctions qu’il préfère dénommer de « ministère du futur » ?
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