L’énergie nucléaire est souvent présentée comme l’un des meilleurs moyens de réduire notre dépendance aux combustibles fossiles pour produire l’électricité dont nous avons besoin. A ce titre, il contribuerait efficacement à lutter contre le dérèglement climatique. Mais de nouvelles recherches portant sur 25 ans de comparaison entre nucléaire et renouvelables suggèrent qu’il serait plus judicieux de miser plus fortement sur les énergies telles que l’éolien et le solaire si l’on veut parvenir à réduire, dans des proportions suffisantes, les niveaux de dioxyde de carbone dans l’atmosphère.
Selon une analyse publiée ce 5 octobre portant sur 123 pays sur un quart de siècle, l’adoption de l’énergie nucléaire n’a pas permis de réduire les émissions nationales de carbone de manière aussi significative que les énergies renouvelables – et dans certains pays en développement, les programmes nucléaires ont même fait augmenter les émissions de carbone.
L’étude révèle également que l’énergie nucléaire et les énergies renouvelables ne font pas bon ménage lorsqu’elles sont essayées ensemble : elles ont tendance à s’évincer l’une de l’autre, en bloquant les infrastructures énergétiques propres à leur mode de production d’énergie.
Étant donné que le nucléaire n’est pas exactement un mode de production à zéro carbone, il risque de mettre les nations sur une trajectoire d’émissions relativement plus élevée que si elles passaient directement aux énergies renouvelables. Il est important de noter que l’étude s’est penchée spécifiquement sur les données de 1999-2014, elle exclut donc les innovations plus récentes dans le domaine de l’énergie nucléaire et des énergies renouvelables, et les scientifiques eux-mêmes disent avoir trouvé une corrélation, plutôt qu’une relation de cause à effet. Mais il s’agit d’une tendance intéressante qui doit être étudiée plus avant.
« Les preuves montrent clairement que le nucléaire est la moins efficace des deux grandes stratégies de réduction des émissions de carbone, et couplé à sa tendance à ne pas bien coexister avec son alternative renouvelable, cela soulève de sérieux doutes quant à la sagesse de donner la priorité aux investissements dans le nucléaire plutôt qu’aux énergies renouvelables », déclare Benjamin Sovacool, professeur de politique énergétique à l’université du Sussex au Royaume-Uni.
« Les pays qui prévoient des investissements à grande échelle dans la nouvelle énergie nucléaire, poursuit-il, risquent de supprimer les avantages climatiques plus importants des investissements dans les énergies renouvelables alternatives ».
Les chercheurs suggèrent que les réglementations plus strictes et les délais plus longs associés à l’énergie nucléaire sont responsables de certaines des statistiques examinées ici, alors que le développement à grande échelle que nécessite le nucléaire tend à laisser moins de place aux projets d’énergies renouvelables qui fonctionnent à plus petite échelle. Il faut également tenir compte de considérations plus générales : le nucléaire et les énergies renouvelables seront deux facteurs parmi d’autres dans les politiques mises en place par les gouvernements en matière de réduction des émissions de carbone.
De plus, étant donné le calendrier, il est probable que de nombreuses centrales nucléaires couvertes par cette étude arrivent en fin de vie, ce qui signifie qu’il faut plus d’énergie pour les entretenir.
Quels que soient les tenants et aboutissants des politiques nucléaires, l’étude montre un lien évident entre une plus grande adoption des projets d’énergie renouvelable et une réduction globale des émissions de carbone. Les auteurs de l’étude proposent qu’en supprimant complètement le nucléaire, ces gains renouvelables pourraient être encore plus importants.
L’irrationnalité de la stratégie du « tout ou rien »Le rapport d’analyse publié dans Nature Energy expose l’irrationalité des arguments en faveur des investissements nucléaires basés sur une logique du « tout ou rien », déclare Andrew Stirling, chercheur en politique technologique à l’université du Sussex. « Nos conclusions montrent non seulement que les investissements nucléaires dans le monde ont tendance, dans l’ensemble, à être moins efficaces que les investissements dans les énergies renouvelables en matière de réduction des émissions de carbone, mais aussi que les tensions entre ces deux stratégies peuvent éroder encore plus l’efficacité de la prévention du dérèglement climatique ».Cette question fait depuis des années l’objet de controverses. De nombreux scientifiques affirment que l’énergie nucléaire est notre seule option pour l’instant, en maintenant l’idée qu’elle peut remplacer les combustibles fossiles avec des rendements que les énergies renouvelables ne peuvent pas égaler pour l’instant.
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Une étude de 2018 a également conclu que l’énergie nucléaire doit être un élément essentiel si nous voulons réduire la température de la planète autant qu’il le faut – au moins jusqu’à ce que des options comme l’éolien et le solaire aient eu le temps de se développer.
Les travaux se poursuivent pour faire du nucléaire une source d’énergie plus légère et plus souple, capable de mieux fonctionner parallèlement aux projets d’énergies renouvelables, ce qui permettra d’améliorer les chiffres de cette étude. En attendant, les auteurs de l’étude demandent des rapports plus détaillés à l’industrie nucléaire, afin de mieux comprendre ses avantages. « S’il est important de reconnaître la nature corrélative de notre analyse de données, il est étonnant de constater à quel point les résultats sont clairs et cohérents sur des périodes et des ensembles de pays différents », déclare Patrick Schmid, de l’ISM International School of Management en Allemagne. « Dans certains grands échantillons de pays, la relation entre l’électricité renouvelable et les émissions de CO2 est jusqu’à sept fois plus forte que la relation correspondante pour le nucléaire ».
C’est décevant. Encore une étude qui semble uniquement orientée « contre » le nucléaire alors que l’ennemi massif et prioritaire est l’électricité produite à partir de fossiles (charbon en volume et gaz en forte croissance). Un monde 100 % en énergies renouvelables intermittentes étant physiquement inconcevable, avec quoi fonctionne-t-on pour compenser les aléas énormes de production ? Où trouvera-t-on les matériaux et les surfaces pour fournir les monstrueuses quantités d’électrons nécessaires à remplacer les fossiles brulés dans les transports automobiles, aériens ou maritimes ? Il y faudrait un continent entier… Les exemples récents de l’Allemagne (mettant en service une monstrueuse centrale à… Lire la suite »