Le groupe Bel, fabricant des fromages en portion La Vache qui rit, Kiri, Babybel et Boursin, entend « rééquilibrer » son portefeuille en développant des propositions sans lait, moins émettrices de gaz à effet de serre, a-t-il annoncé ce mardi 13 octobre.
« On sait que les protéines animales sont gourmandes en termes de CO2 » alors « on végétalise nos gammes », a déclaré à l’AFP le PDG Antoine Fiévet, en marge d’une conférence de presse. Un Boursin 100% végétal – à base de matières grasses issues de la noix de coco et du colza – sera vendu à compter de la fin du mois aux Etats-Unis sur la plateforme Amazon Fresh, avant d’être étendu au reste des distributeurs américains, a rapporté Cécile Béliot, directrice générale adjointe du groupe. Une date de commercialisation n’est pas encore arrêtée pour la France.
Par ailleurs, un projet de Mini Babybel Végétal devrait voir le jour l’année prochaine aux Etats-Unis. Bel prépare aussi « le lancement d’une nouvelle marque internationale dédiée 100% végétale à venir dans les prochains mois ».
Pour M. Fiévet, il ne s’agit pas d’opposer les produits laitiers à ceux d’origine végétale mais de « construire le meilleur des deux mondes » au moment où les consommateurs sont appelés à « réduire la part de l’animal au profit du végétal » pour des raisons nutritionnelles et de protection de la planète.
Il faut dire que Bel collecte deux milliards de litres de lait par an auprès de 2 600 producteurs dans le monde. Il faut beaucoup de vaches pour faire la Vache qui rit. Or les produits laitiers ont une empreinte écologique considérable. Le potentiel de réchauffement climatique du lait de vache – mesuré en kilogrammes d’équivalent en dioxyde de carbone par litre de lait – varie entre 1,14 en Australie et en Nouvelle-Zélande et 2,50 en Afrique. Comparons cela au potentiel de réchauffement climatique des laits à base de plantes, qui, en moyenne, n’est que de 0,42 pour le lait d’amande et de noix de coco et de 0,75 pour le lait de soja.
De plus, les produits laitiers nécessitent généralement neuf fois plus de terres que les alternatives à base de plantes. Chaque litre de lait de vache utilise 8,9 mètres carrés par an, contre 0,8 pour l’avoine, 0,7 pour le soja, 0,5 pour le lait d’amande et 0,3 pour le lait de riz.
La consommation d’eau est également plus élevée pour le lait de vache : 628 litres d’eau pour chaque litre de lait, contre 371 pour le lait d’amande, 270 pour le riz, 48 pour l’avoine et 28 pour le lait de soja.
Le groupe Bel n’entend pas supprimer sa collecte de lait de vache mais rééquilibrer son offre avec, à terme, 50 % de produits laitiers et 50% de produits d’origine végétale, a-t-il indiqué. Le choix en la matière est très large. On peut fait du lait végétal avec des produits très variés, qui ont une empreinte légère sur la planète.
Le lait d’amande
La Californie est le plus grand producteur de lait d’amande au monde, suivie par l’Australie. Par rapport à d’autres options de lait végétal, sa consommation d’eau est beaucoup plus élevée et dépend largement de l’irrigation en eau douce. Un grain d’amande de Californie nécessite 12 litres d’eau, ce qui soulève des questions sur la production industrielle de ces noix dans les régions où l’eau est rare.
Cependant, la plus grande préoccupation environnementale liée à la production d’amandes aux États-Unis est la mortalité élevée des abeilles, utilisées pour la pollinisation croisée des arbres. Cela pourrait être dû au fait que les abeilles sont exposées aux pesticides, notamment au glyphosate, et à l’agriculture industrielle intensive qui transforme radicalement les écosystèmes fragiles de la nature.
En Australie, où les vergers d’amandiers sont plus petits et moins industrialisés, les apiculteurs ne connaissent pas de tels problèmes. Pourtant, des millions d’abeilles sont nécessaires, et les incendies, la sécheresse, les inondations, la fumée et les dégâts causés par la chaleur peuvent menacer leur santé.
Le lait de noix de coco
En général, la performance environnementale du lait de coco est bonne – les cocotiers utilisent de petites quantités d’eau et absorbent du dioxyde de carbone. Cependant, comme les noix de coco ne sont cultivées que dans les zones tropicales, la production industrielle de ce lait peut détruire l’habitat de la faune. L’augmentation de la demande mondiale de lait de coco est susceptible d’exercer une pression supplémentaire sur l’environnement et la faune, et d’aggraver ces conflits.
Le lait de noisette
Le noisetier est une meilleure option pour l’environnement car les arbres sont pollinisés par le vent qui transporte le pollen sec entre les plantes voisines, et non par les abeilles. Les noisettes poussent également dans des régions où les précipitations sont plus importantes, autour de la mer Noire, dans le sud de l’Europe et en Amérique du Nord, et nécessitent beaucoup moins d’eau que les amandiers. Le lait de noisette est déjà disponible dans le commerce et bien que sa demande et sa production augmentent, la culture des noisetiers n’est pas encore soumise à des opérations intensives à grande échelle.
Le lait de soja
Le lait de soja est utilisé depuis des millénaires en Chine et est déjà bien implanté en Occident, mais l’alternative du chanvre est relativement nouvelle.
Toutes les légumineuses fixent l’azote. Cela signifie que les bactéries des tissus végétaux produisent de l’azote, ce qui améliore la fertilité des sols et réduit le besoin d’engrais. Les légumineuses sont également économes en eau, notamment par rapport aux amandes et aux produits laitiers.
Le lait de soja présente de très bonnes performances environnementales en termes d’eau, de potentiel de réchauffement climatique et d’utilisation des terres.
Les États-Unis et le Brésil sont les principaux fournisseurs de soja, et la plante est très polyvalente en ce qui concerne ses utilisations commerciales, une grande partie des graines étant utilisée pour l’alimentation du bétail. Toutefois, la nécessité de défricher et de convertir de grandes étendues de végétation indigène pour cultiver le soja constitue une préoccupation environnementale majeure. Une réduction globale de la demande de viande et d’aliments d’origine animale pourrait potentiellement diminuer la nécessité de produire de grandes quantités de soja pour l’alimentation animale, mais nous n’avons pas encore assisté à de tels changements.
Le lait de chanvre
Les avantages environnementaux du lait de chanvre en font un produit qui change la donne. Ses graines sont transformées en huile et en lait, mais la plante elle-même est très polyvalente : toutes ses parties peuvent être utilisées comme matériau de construction, fibres textiles, pâte et papier ou plastiques à base de chanvre. Ses racines poussent en profondeur, ce qui améliore la structure du sol et réduit la présence de champignons. Elle est également résistante aux maladies et produit beaucoup d’ombre, ce qui freine la croissance des mauvaises herbes. Cela permet de réduire les besoins en herbicides et en pesticides.
Le chanvre nécessite plus d’eau que le soja, mais moins que les amandes et les produits laitiers. Bien qu’il soit l’une des plus anciennes cultures utilisées, en particulier en Europe, le chanvre est produit en très faibles quantités.
Le lait de riz
Le lait de riz a une grande empreinte sur l’eau. Plus particulièrement, il est associé à des émissions de gaz à effet de serre plus élevées que les autres options basées sur les plantes, car les bactéries productrices de méthane se développent dans les rizières.
Dans certains cas, le lait de riz peut contenir des niveaux inacceptables d’arsenic. Et l’application d’engrais pour augmenter les rendements peut polluer les cours d’eau voisins.
Le lait d’avoine
Le lait d’avoine est de plus en plus populaire dans le monde entier en raison de ses bienfaits globaux pour l’environnement. Mais comme pour le soja, la majeure partie de la production d’avoine est utilisée pour l’alimentation du bétail et toute réduction de la demande d’aliments d’origine animale diminuerait la pression sur cette plante.
Actuellement cultivée au Canada et aux États-Unis, la plupart des exploitations d’avoine sont des monocultures à grande échelle, ce qui signifie que c’est le seul type de culture cultivé sur une grande surface. Cette pratique appauvrit la fertilité du sol, limite la diversité des insectes et augmente le risque de maladies et d’infection par les parasites.
L’avoine est aussi généralement cultivée avec des pesticides à base de glyphosate, ce qui ternit ses qualités environnementales car cela peut entraîner la prolifération d’agents pathogènes des plantes, des animaux et des insectes résistants au glyphosate.
(1) Source : article de Dora Marinova publié dans The Conversation (en anglais)