Une petite ONG, Grain, s’est associée à la Fondation Heinrich Böll pour mener une étude dont les résultats sont non seulement inédits mais laissent pantois. Trois producteurs de viande, le brésilien JBS et les américains Cargill et Tyson, ont émis, l’an dernier, davantage de gaz de serre que la France toute entière et presque autant que les plus grandes compagnies pétrolières comme Exxon, BP et Shell.
Chacun le sait plus ou moins, l’élevage industriel est un des secteurs les plus polluants parmi toutes les activités humaines. Selon l’Organisations des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture, la FAO, le secteur de l’élevage serait à l’origine de 14.5 % de toutes les émissions de gaz à effet de serre de source anthropique. Nul besoin d’être un grand clerc pour estimer que ce secteur est celui où les efforts de réduction des gaz à effet de serre doivent être les plus volontaristes, au même titre que le secteur des énergies fossiles ou des transports. D’autant plus que, dans ce secteur, le moyen de faire baisser les émissions de CO2 est connu : réduire voire se détourner de l’élevage intensif.
Or selon les résultats de l’étude de l’ONG Grain, « la croissance exponentielle de la production de viande et de produits laitiers rend l’accord de Paris impossible et la catastrophe climatique inévitable ». Circonstance aggravante, il existe peu de chiffres sur les niveaux de pollution de ce secteur. Peu d’industriels de la viande et des produits laitiers calculent ou publient leurs émissions. Aussi pour la première fois, l’ONG a fait une estimation des émissions de l’industrie en matière d’élevage, en utilisant la méthode la plus complète conçue à ce jour par l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture.
Les résultats sont accablants. Le document établit en effet « que les 20 plus grandes entreprises de viande et de produits laitiers ont émis en 2016 plus de gaz à effet de serre que toute l’Allemagne, pourtant de loin le plus gros pollueur d’Europe. Si ces entreprises étaient un pays, elles seraient le septième émetteur de gaz de serre ». Les trois premiers producteurs de ce triste hitparade, le brésilien JBS et les américains Cargill et Tyson ont émis à eux seuls plus que ce qu’un pays de la taille de la France émet en une année.
Au cours des dernières décennies, les grands producteurs de viande et de produits laitiers sont devenus extrêmement puissants et ont réussi à faire passer, à tout prix, les mesures qui ont permis de soutenir la croissance rapide de la production de viande et de produits laitiers. L’une des conséquences, parmi tant d’autres, est que l’élevage industriel rejette plus de gaz à effet de serre que le secteur des transports. « Si la production continue à croître selon les prévisions de la FAO, les émissions vont s’aggraver à tel point qu’à elle seule, la production industrielle de viande et de produits laitiers sapera notre capacité à empêcher l’élévation des températures de susciter un scénario apocalyptique » alerte l’ONG.
Pourtant, les solutions existent. « Elles demandent juste à être mises en place de toute urgence » déclarent les auteurs de l’étude. Ainsi, il faudrait notamment « rediriger l’argent public » de manière raisonnable, afin de soutenir un modèle agricole plus respectueux de l’environnement et « soutenir les petits producteurs ». Dans le même temps, diverses mesures pourraient être mises en place afin « d’empêcher les géants de la viande et des produits laitiers de détruire le climat et de réorienter nos mesures de soutien pour renforcer la résilience des petits paysans et des éleveurs. » Globalement, c’est donc un changement structurel que réclament les auteurs de cette enquête, afin de mettre fin aux soutiens économiques des activités les plus polluantes, au profit de solutions alternatives comme l’agroécologie.
Tout va dépendre du niveau de prise de conscience de la société. En matière d’énergies fossiles, les mentalités commencent à changer, les investisseurs déclarent s’éloigner de ces secteurs ; le mouvement semble effectivement en marche. Mais il y a encore du travail à faire pour amener les esprits à l’idée d’une réduction de la consommation de viande. Des initiatives existent, des alertes sont lancées, des mesures sont prises mais il faut aller plus vite. L’ONG Greenpeace a lancé récemment une campagne médiatique assez puissante pour inciter le gouvernement à mettre en place au moins deux repas végétariens par semaine dans les cantines scolaires. Plus généralement, plusieurs indices laissent à penser que la population est en train de changer sa relation avec la viande. Ce n’est pas facile, surtout dans un pays comme la France où ce type de nourriture est culturellement ancré dans les esprits. Mais un changement de fond est en train de se profiler. Dans un sondage réalisé l’été 2017 par l’IFOP, il apparaît que près de 30% des Français se décrivent comme flexitariens et 50% déclarent vouloir augmenter leur consommation de produits végétaux. C’est bien, mais il faut aller encore plus vite.
Sources : Grain, MMondialisation
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