A l’occasion de la Fête de la science 2014, chercheurs, personnels techniques et étudiants issus des universités ou des instituts de recherche tirent la sonnette d’alarme. Depuis l’été, s’est mise en place une incroyable mobilisation baptisée la Science en marche.
Des groupes se sont mis en route (à pied ou à vélo) depuis Marseille, Toulouse, Nantes ou Strasbourg… afin de faire connaître le désarroi qui taraudent les métiers de la recherche comme de l’enseignement supérieur.
Ce 17 octobre, les convois vont converger sur la Capitale. Ils souhaitent ainsi communiquer avec le grand public sur l’importance de la recherche et dénoncer le manque d’investissement dans le secteur. Alors que la recherche ouvre des voies pour l’avenir, le budget français qui lui est alloué diminue d’année en année. Il devient difficile pour les chercheurs de trouver des financements pour effectuer leurs recherches. Les postes statutaires se font rares, laissant des jeunes diplômés dans des situations précaires.
Face à un manque criant de moyens et une gestion à court terme, les personnels de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche ont décidé de manifester leurs inquiétudes pour l’avenir de la recherche en France. Commençant de part et d’autres de la France, ils convergent vers Paris pour finir devant l’Assemblée Nationale le 17 octobre prochain.
Leurs revendications ? Penser l’enseignement supérieur et la recherche sur du plus long terme, pour permettre plus d’emplois, de financements et une meilleure reconnaissance des docteurs. En effet, il est très difficile pour un docteur d’obtenir un poste fixe et la reconnaissance du doctorat dans le privé est encore insuffisante. Une véritable perte quand nous pensons à l’investissement que l’Etat a fait dans leur formation universitaire.
Payés pour chercher des fonds
Et le paradoxe ne s’arrête pas là. A l’heure actuelle, un chercheur ne peut pas compter sur les dotations de base du laboratoire pour effectuer sa recherche. Pour des financements supplémentaires, il faut élaborer d’importants dossiers et candidater à des offres de financements auprès de divers organismes. Or ces dossiers deviennent de plus en plus difficiles à construire et le taux de réussite avoisine les 20% seulement. Le temps investi dans la recherche de financement s’accroit, laissant de moins en moins de place à la recherche scientifique. Finalement, le manque de financement dans le monde de la recherche a créé ce paradoxe invraisemblable : les chercheurs sont payés à chercher de l’argent. Nous sommes ici bien loin de l’idée que nous pouvons nous faire du chercheur qui élabore des théories et invente des expériences inouies. Et l’enseignement, il n’est pas épargné non plus.
Une grande partie des chercheurs a aussi une charge d’enseignement. Alors qu’il est déjà difficile d’effectuer la recherche, les conditions d’enseignement se dégradent aussi. Les universités ont les yeux rivés sur leur budget. Il arrive parfois que le chauffage des bâtiments soit remis en cause pour faire des économies. Bien sûr, les restrictions budgétaires n’affectent pas que le confort des étudiants, mais bel et bien leur formation. Les logiciels et le matériel informatique sont obsolètes, tout comme le matériel de travaux pratiques. Comment former des étudiants aux dernières techniques dans ces conditions ? Faute de personnels suffisants, les enseignants accumulent les heures supplémentaires et les responsabilités administratives.
Ce ras-le-bol a été notamment exprimé par Vincent Goulet, docteur en sociologie qui a démissionné de l’Université de Lorraine. Dans sa lettre ouverte à Geneviève Fioraso, il exprime la situation dramatique dans les laboratoires et les universités.
Et le constat ne se limite pas à l’Hexagone. Un groupe de scientifiques européens dont Alain Trautman (du mouvement Sauvons la recherche) confirme la dégradation des conditions de la recherche dans l’ensemble du continent. Il a signé une lettre ouverte dénonçant la perte de sens des réalités des dirigeants. Par cette initiative, ces chercheurs veulent contrer la destruction devenue systématique des infrastructures nationales de recherche dans les pays européens.
Larissa Caudwell, Journaliste
Illustration photo « La Science en marche en dépit de l’Ignorance » de Victor Peter (1851-1911) / Palais de la Découverte Paris