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La crise du coronavirus a fait faire un bond de dix ans au commerce

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2021 pourrait bien être un tournant majeur pour la consommation, que ce soit pour les petits achats de consommation courante, que pour la santé publique, et notre quotidien à l’ère du numérique. Selon un rapport de recherche de Sencloud, l’e-commerce a connu cette année une croissance très rapide, due en partie à l’épidémie de coronavirus : en effet, les consommateurs ont troqué les magasins physiques par le shopping en ligne.
L’épidémie de coronavirus a accéléré la migration des points de vente physiques vers le e-commerce ; 36 % des consommateurs européens pensent changer leurs habitudes et acheter plus de produits en ligne après le Covid 19. En revanche, les commerçants traditionnels ont vu leurs ventes baisser de 60 %.
Shopify Plus prévoit que les ventes en ligne mondiales vont atteindre 4,9 milliards de dollars en 2021. Et comme de plus en plus de marques se sont digitalisées, la concurrence va continuer de s’intensifier.

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Nos comportements ont autant évolué en neuf mois que lors des dix dernières années. Les secteurs de la Santé, de l’Éducation Supérieure et de la Distribution Alimentaire se retrouvent disruptés et l’ère des Marques laisse finalement place à celle des Produits. Bienvenue en décembre 2030.

Dès l’antiquité, Aristote observait que le temps n’existe pas sans qu’il n’y ait de changement car, ce qui est communément appelé “temps”, n’est simplement que l’expression de la différence entre un « avant » et un « après ».

Le coronavirus, de la taille d’1/400ème de cheveu, a figé une sphère pesant 6 mille quadrillions de Kg et a arrêté le temps. Plus d’avant ou d’après, juste des réunions Zoom, des livraisons Uber, des apéros vidéo. Il est presque évident que ce moment quasi figé s’écoulera et qu’il nous faut voir au-delà de ce présent sans précédent pour prévoir le futur en le créant : un « futurable ».

Mais quand la Terre reprendra sa course, qu’est-ce qui sera différent ? En restreignant ce questionnement au monde des affaires deux thèses viennent à l’esprit. La première est que l’impact le plus durable de la pandémie sera celui d’un accélérateur, avec une dynamisation de tendances préexistantes.
La seconde est que dans toute crise se créent des opportunités. Plus forte et disruptive est la crise, plus grandes sont ces opportunités.

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Ces thèses ne sont pas antinomiques et c’est ce qui justement doit rendre particulièrement vigilants. Car de nombreuses tendances que la pandémie accélère sont néfastes et affaiblissent cette capacité de rétablissement et de prospérité dans un monde post-corona.

« Crise » en mandarin s’écrit avec deux idéogrammes, wei ji. Le premier signifie « danger », le second « opportunité ». Mais ce qui n’est généralement pas souligné, c’est que l’idéogramme pour « opportunité » signifie également « moment critique » ce qui est d’un tout autre ordre.

La société est-elle à la croisée des chemins ?

Lénine affirmait « il y a des décennies où rien ne se passe et des semaines où des décennies se produisent ». Ce bourreau historique décrivait parfaitement ce qu’est l’incertitude. En 1917, les Russes étaient eux aussi à la croisée des chemins et, pour leur malheur, Vladimir Ilitch Oulianov alias Lénine a rendu « futurable » le Bolchevisme.

L’Humanité semble être à un carrefour qui a fait, en quelques mois un pas de géant, un pas de 10 ans dans le temps : bienvenue en décembre 2030 où le changement poursuit sa course, inexorablement.

Le e-Commerce avait une part de marché croissant de moins de 1% par an depuis 2000. Il a bondi de près de 10% en 2020. Les réunions virtuelles qui tentaient de s’imposer depuis les années 90 sont devenues massives. Et même l’enseignement supérieur, totalement arcbouté sur le présentiel, a dû s’y plier.

Toujours du fait de ce bond temporel de dix ans, trois des principaux secteurs de consommation sont désormais sur le point d’être disruptés : la santé, la formation et l’alimentaire. La santé avec la télémédecine, qui entraînera la chute des coûts et une remise en cause de son organisation.  L’enseignement supérieur et notamment les Business Schools, qui avec la formation à distance doit aussi réduire ses coûts et changer radicalement de modèle économique.  Last but not the least la distribution de l’alimentaire qui se trouve au bord du précipice de la livraison à domicile, avec le souffle chaud du circuit court sur la nuque.

Au-delà de ces trois secteurs d’activité, ce sont les plus faibles, les plus exposés, les moins protégés qui se trouvent, plus que jamais, en première ligne. Ce sont eux, entreprises et particuliers, qui subiront de plein fouet les conséquences de cette crise.

Des choix dépend l’avenir

Que ce soit pour une course en avant avec inflation et taxation ou bien reconstruction, tant économique que sociale. Le consommateur modifiera ses comportements d’achat, par choix mais surtout par nécessité. Plus son niveau de vie baissera, plus son inquiétude pour l’avenir s’accroîtra, aiguillonnée en cela par le souvenir ou le maintien larvé de la pandémie. La crise économique et sociale – même si le plan sanitaire est résolu rapidement – aura des effets au moins jusqu’en 2022 et sans doute bien au-delà.

Les entreprises doivent sur-réagir face à leur situation présente car attendre ne fera qu’empirer leur situation. Il leur faut aller vers des secteurs nouveaux, prendre en compte des tendances « favorisées » ou engendrées par la pandémie.

Ce monde post-corona valorisera clairement tous les types de transactions et d’échanges sans contact.

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Les entreprises doivent faire tout ce qui est en leur pouvoir pour faire gagner du temps à leurs clients. Cela sera bien meilleur pour leur NPS que le langage fleuri du marketing, devenu tellement creux en ces temps sans précédents. Il faut faire en sorte que leurs produits et services créent de la valeur du point de vue de leurs clients, en détectant toutes les fuites de non-valeur client et en y remédiant ; ou en envisageant d’autres configurations.

Quelles que soient les activités, les certitudes doivent être oubliées, tout ce qui a été précédemment appris et acquis doit être abandonné. Par exemple la Marque, icône de tout marketeur, n’est plus ce qu’elle était.
L’ère de la Marque où l’émotion fardait des produits médiocres a créé des milliards d’€ de valeur pour les actionnaires. C’était l’ère d’un Jacques Séguéla au bronzage perpétuel, aux cheveux teints et à la Rolex méprisante. Don Draper créait une poudre magique pour produire des marges juteuses avec des produits indifférenciés. Mais avec le digital la Pub est devenue une taxe que seuls les pauvres et les analphabètes de la technologie doivent payer.

Ce qui était déjà le cas en janvier 2020 est devenu une évidence en décembre 2030. Car maintenant ce sont leurs données personnelles qui sont échangées contre de la valeur

Par exemple, le système d’exploitation Android qui donne accès à des produits de qualité à moindre coût a pour contrepartie la transmission quotidienne de 1 200 données sur chacun de ses utilisateurs à Google.

Apple, de son côté, n’en recueille que 200 par jour. Le CEO d’Apple, Tim Cook, l’a clairement affirmé en 2018 : « nous pourrions faire énormément d’argent si nous monétisions nos clients, si nous faisions de nos clients nos produits. Nous avons choisi de ne pas le faire. »

Le monde entier doit faire le choix entre un Android et un iOS.

Les utilisateurs d’Android sont les masses qui échangent leurs données personnelles contre de la valeur. Ceux qui choisissent iOS sont les fortunés qui bénéficient du luxe de la préservation de leurs données personnelles et de l’affichage de leur statut social. Ils le font en payant 1200€, soit le revenu mensuel d’un foyer Hongrois, pour 350€ de matériel (le coût de fabrication d’un iPhone).

Il en est de même pour la vidéo avec le tandem Youtube/Netflix. Il en sera de même pour tous les services et, avec l’Internet des Objets, de tous les produits.

Dans le monde post-corona, la personne aisée débarquant dans une ville inconnue ne demande plus au chauffeur de taxi de la conduire au Ritz et n’a pas à se laisser influencer par de la publicité basée sur ses données personnelles. Elle se renseigne sur son iPhone quant au dernier hôtel-boutique à la mode dans le quartier Bobo Chic.

Elle n’est pas le « produit » d’Apple et ne sera bientôt plus celui de Google ou d’Instagram.

L’ère de la Marque aura renversé celle du Produit.

Jean-Paul Crenn, fondateur et dirigeant de VUCA Strategy
L’un des pionniers du e-Commerce depuis 1994, fondateur et dirigeant de VUCA Strategy, cabinet conseil spécialisé en e-commerce et en transformation digitale depuis 16 ans, Jean-Paul CRENN (ISG, MBA HEC) est et a été dirigeant d’entreprises de e-Commerce. Conférencier, il enseigne auprès de l’ESCP Europe, de la Toulouse School of Management et de TBS. Président de la Fédération du e-Commerce en Occitanie (FEDEO) il est l’auteur de plusieurs ouvrages sur le e-Commerce et le Digital.

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