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emplois et teritoires

Emplois et territoires : fracture entre grandes villes et… les autres

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De quelles armes disposent les petites et moyennes communes face aux métropoles ? France Stratégie, dans le cadre de son rendez-vous mensuel « Grand angle », est allé à la rencontre de ces élus qui ont su mettre en place des politiques volontaristes pour attirer l’activité sur leurs territoires. La note d’analyse de Frédéric Lainé « Dynamique de l’emploi et des métiers : quelle fracture territoriale ? », parue fin février 2017, permet un constat accablant sur la répartition des métiers sur notre territoire avec des créations d’emplois en France se concentrant depuis une dizaine d’années sur les aires urbaines de plus de 500.000 habitants : une fracture territoriale qui se creuse, malgré des « périphéries » qui résistent…
 
L’essor du salariat au XXe siècle a dépeuplé les campagnes. La métropolisation du XXIe pourrait vider les « petites » villes. Sauf à ce que la création de richesses des métropoles vienne irriguer les territoires périphériques.
La métropolisation, qui se définit comme la concentration des activités économiques dans les plus grandes villes, est un processus inédit au regard de l’histoire. Porté par l’expansion du salariat, l’exode rural avait profité à toutes les villes, petites et grandes. À partir des années 2000, en revanche, les dynamiques de croissance se différencient selon les territoires urbains. Les métropoles – aires urbaines de plus de 500 000 habitants – captent les créations d’emplois tandis que les territoires périphériques « décrochent ».

Les métropoles raflent la mise

Les métropoles concentrent déjà 46 % des emplois – 22 % pour la seule aire urbaine de Paris et 24 % dans les douze plus grandes aires urbaines de province – et le mouvement devrait se poursuivre, si l’on en croit les projections à 2022 de France Stratégie et de la Dares. Globalement, les villes moyennes, les petites villes et les communes isolées — en dehors de l’influence des pôles urbains — subissent quant à elles des pertes sur la même période.
Pourquoi ? Parce que les métropoles sont spécialisées dans des activités structurellement dynamiques, portées par l’économie de la connaissance et la tertiarisation. De ce fait, les métiers les plus porteurs sont dans les grandes villes. En 2011, 85 % des ingénieurs de l’informatique, 75 % des professionnels de l’information et de la communication et 69 % du personnel d’études et de recherche se trouvent dans les métropoles. À l’inverse, la désindustrialisation pénalise les petites villes et les communes isolées où les métiers agricoles et d’ouvriers sont surreprésentés. Il existe en d’autres termes une spécialisation spatiale du travail héritée de l’histoire économique qui profite aujourd’hui aux métropoles.
 
Mais ce n’est pas seulement sa spécialisation qui fait la force de la métropole, c’est aussi le fait que ses activités et ses métiers soient rassemblés dans une proximité géographique qui favorise les « effets d’agglomération », c’est-à-dire les gains de productivité offerts par la proximité physique des entreprises les unes avec les autres. Synergies (typiquement recherchées par les pôles de compétitivité), rendements d’échelle (partage d’un vaste marché de clients et de fournisseurs) et externalités positives (diffusion de l’innovation et de la connaissance). Enfin, la métropole profite d’effets de complémentarité : « le pôle urbain » – son centre – trouve dans « l’espace péri-urbain » – sa couronne – des terrains disponibles, des prix fonciers moins élevés, un espace résidentiel qui évite la congestion au centre…
 
Ce mouvement est inédit si on considère les évolutions d’emploi depuis 1968. Globalement, jusqu’en 1999, la croissance de l’emploi s’est diffusée sur l’ensemble du pays. Les territoires à la traîne se situaient aux extrêmes de la distribution. Les communes isolées, en milieu rural, pâtissaient des pertes d’emploi dans l’agriculture, tandis que la métropole parisienne, à l’évolution heurtée, était affectée d’un « effet local » négatif : à qualification ou secteur donnés, le nombre d’emplois y évoluait de manière moins favorable que dans le reste du pays. Les choses changent à partir de 1999. Les territoires se différencient de plus en plus : entre 2006 et 2013, les écarts prennent de l’ampleur avec le décrochage des aires urbaines de moins de 200 000 habitants. La crise de 2008 semble avoir amplifié une tendance amorcée auparavant.

 

« Irriguer » les territoires périphériques

Parce que le principe même du processus réside dans la concentration, voire la captation, de l’activité, la métropolisation condamne-t-elle à la déshérence les territoires périphériques – c’est-à-dire situés hors métropoles? Pas nécessairement. « Le mouvement [de métropolisation] n’est pas néfaste en lui-même », affirme Frédéric Lainé, l’auteur de la note d’analyse. D’abord parce qu’il est créateur de richesses et ensuite parce qu’existent des canaux « d’irrigation », c’est-à-dire des moyens de susciter de la richesse produite additionnelle dans la périphérie (économie résidentielle) et de redistribuer une partie de la richesse produite dans les métropoles (fiscalité au service du développement des territoires).
 
Quant à la question de savoir si les métropoles jouent ou non un effet d’entraînement sur la périphérie, « elle mérite des travaux d’investigation supplémentaires », note l’auteur. Le constat est pour l’heure mitigé. Les territoires non métropolitains suivent en effet des trajectoires diverses. Certains – en Bretagne et en Provence-Alpes-Côte d’Azur – tirent parti de l’économie résidentielle et/ou d’un tissu productif plus résistant. D’autres – dans le Grand-Est, le Centre-Val de Loire, les Hauts-de-France – continuent de payer le prix de la désindustrialisation. Les pourtours des métropoles de Nantes, Rennes et Montpellier créent des emplois quand ceux de Rouen par exemple en perdent…
 
Les couronnes périphériques, qui se situent en-deçà d’un rayon de 90 km autour des métropoles, accueillent un quart de l’emploi en France et les territoires très périphériques, au-delà de ce rayon, en accueillent un autre quart.
Parvenir à « irriguer » au-delà des métropoles, à l’intérieur des territoires, est donc un enjeu majeur. D’autant plus que les projections réalisées à l’horizon 2022 montrent clairement que les métiers sur lesquels la périphérie est positionnée sont fragiles – ouvriers de la mécanique, du textile et du cuir, caissiers, ouvriers agricoles… Dans cette perspective, il faut sans doute « imaginer une forme de découplage géographique » de certains métiers ou activités de service, conclut Frédéric Lainé. Les nouvelles technologies et la pratique du télétravail peuvent y aider, de même que le développement d’une croissance de meilleure qualité, plus durable. Un mouvement de déconcentration permettrait un rééquilibrage géographique de la production de richesses. À défaut, la fracture territoriale serait consommée.

Quelle conclusion ?

La prospective des métiers indique que le mouvement de métropolisation à l’œuvre en France depuis le début du XXIe siècle devrait se poursuivre. En raison des e­ffets de structure, les grandes métropoles pourraient capter l’essentiel des créations d’emplois. L’enjeu est de savoir si cette dynamique des métropoles est susceptible d’irriguer les territoires avoisinants, dans un mouvement de rayonnement et d’entraînement.
 
Dans un contexte d’élévation tendancielle des niveaux de qualification, une question centrale est la capacité de notre système productif à maintenir, voire à développer des emplois qualifiés hors des métropoles (professions intermédiaires, cadres).
Peut-on par exemple envisager une diff­usion des emplois de la gestion-administration hors de ces grandes aires urbaines ? De même, alors que les fonctions support dans les services (maintenance informatique, centre d’appels, etc.) restent très concentrées dans les zones servicielles urbaines, également intenses en services cognitifs (recherche fondamentale, enseignement supérieur, conseil en entreprise, publicité, marketing, etc.), peut-on imaginer une forme de découplage géographique de certains grands types de métiers de services ?
Au-delà de cette logique par blocs de métiers, l’avènement du numérique est-il susceptible de bousculer massivement l’organisation du travail dans l’entreprise au point de favoriser à grande échelle le travail à distance ?

 
 
 
 
Pour aller plus loin :
 

Session de formation Futuribles « Futurs de villes. Continuités et changements de paradigme » le 18 mai 2017

Lire aussi dans UP’ : « Territoires zéro chômeurs »
 

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