Le 14 mars 2023, Mark Zuckerberg a enterré en toute discrétion son projet pharaonique de Métavers à la « Ready Player One ». Disney a fermé sa division Métavers et Microsoft a raboté de budget de son équipe Hololens. Pourtant, les technologies Métavers se développent activement, avec l’intégration de nouveaux sens, comme l’haptique et l’olfaction. Pour y voir plus clair, un séminaire est organisé par l’association Aristote sur le thème « On n’enterre pas le Métavers, mais « un » Métavers ! »
Le monde du luxe, avec la « Metaverse fashion week », investit toujours activement l’événementiel dans les univers virtuels. BMW a récemment annoncé qu’il allait virtualiser tous ses sites de production grâce la technologie Omniverse de Nvidia afin de permettre à ses équipes de simuler l’efficience de toute transformation avant mise en œuvre. Le CES 2023 a vu le triomphe du gaming immersif, avec des écrans et accessoires dédiés.
On n’enterre pas le Métavers, mais « un » Métavers
Au final, il n’y a pas un Métavers qui se voudrait un seul monde virtuel parallèle au monde réel, mais des Métavers pour des usages bien spécifiques. et l’association Aristote, à travers un séminaire, entend en montrer les diverses facettes. Présentation du séminaire sur le Métavers des organisateurs Christophe Calvin et David Menga :
Alors que tout le monde semble enterrer le Métavers, pourquoi organiser un séminaire Aristote sur le sujet ?
Justement ! On n’enterre pas « le » métavers, mais « un » métavers. Celui proposé par Meta. Un métavers qui consistait à créer un monde virtuel qui fonctionnait avec leur monnaie, le Diem. Et à ce jour, le groupe américain a mis en stand-by les deux projets. Ce métavers avait de très grosses ambitions, mais malgré tout l’argent qu’ils ont mis sur la table, ils n’ont pas les moyens de le réaliser.
Meta est confronté à des problèmes technologiques, des problèmes économiques, et des problèmes d’acceptabilité. Les gouvernements, par exemple, n’avaient pas envie qu’on fasse des transactions avec des monnaies issues d’entreprises qui viendraient concurrencer le dollar. Meta avait aussi une vision mondiale de son métavers, comme un Facebook, basé sur le même modèle, c’est-à-dire publicitaire. Ils voulaient créer un grand espace virtuel, réplique du monde réel, avec quelques possibilités en plus. Mais pour l’instant, nous sommes très loin d’avoir la technologie pour réaliser cela de manière simple et fluide. Personne ne veut d’un casque horrible, lourd, sur la tête, et d’un rendu graphique très moyen. Ce monde virtuel est limité pour le moment. Et le but était de reproduire en un peu mieux ce dont on parlait déjà il y a longtemps.
En 1996, Aristote avait organisé un séminaire où on parlait de Second Monde, un projet de Canal+. C’était un peu comme « second life », qui est né plus tard. Mais ces écosystèmes étaient approximatifs et limités. Pour la monnaie, par exemple, cela fonctionnait comme une transaction normale, avec la propre monnaie de l’univers, impossible à échanger dans le vrai monde. Il n’y avait pas d’actifs pérennes, ni négociables dans des mondes différents. Ça limite le système de départ. Tout cela, pour moi, indique le métavers grand public est à oublier pour le moment. Mais les métavers B2B, orientés métiers, fleurissent et se portent très bien. En réalité, le métavers n’est pas un « monde », un « univers », c’est un programme technologique. C’est un écosystème qui embrasse énormément de technologies différentes, qui chacune, trouvent leur accomplissement au sein d’un univers.
Vous pensez à quoi comme technologies par exemple ?
Je pense par exemple à la 5G. Avec elle, vous coupez la corde du casque, vous jouez sur la mobilité avec la possibilité d’entrer dans des univers à très forte densité d’informations, pour streamer en temps réel. Je pense aussi à l’IA générative dont on parle tant depuis plusieurs mois. Mais personne n’a encore vraiment évoqué son importance pour le métavers. Elle devient primordiale pour créer des objets dans un univers en trois dimensions. Aujourd’hui, c’est un mur. Il faut maîtriser le logiciel et c’est une barrière à l’entrée très complexe que de pouvoir créer un grand nombre d’objets 3D. L’IA générative pourra briser cette barrière, et faciliter grandement la création de tels objets. Idem pour les services de conversion Text to 3D, le prolongement de Dall-E, ou Midjourney, en 3D, ou pour la création de musique. L’IA aura un rôle très important dans ces métavers. Et même si on n’y est pas encore, il est intéressant de regarder ce qu’il se passe. Lors du séminaire nous aurons donc une société : Imky, qui fait de la création 2D, mais qui s’intéresse aussi à la génération 3D et réalise d’autres expérimentations.
Mais ces « métavers B2B », de quoi retournent-ils ?
Ils n’ont pas le même objectif que les métavers grand public. La question à se poser c’est “pour quoi faire” ? Car nous pourrions nous dire que cela existe déjà. Pour les métavers dédiés aux formations, la réalité virtuelle est déjà capable de créer ces expériences. Mais, à partir du moment où vous considérez que le métavers est un programme technologique, et non pas un objet, ou un gadget, vous ajoutez d’autres modalités : l’haptique, par exemple, ou l’olfaction. Et vous travaillez sur l’interaction entre ces technologies. L’olfaction serait très intéressante pour les pompiers, afin de reconnaître les différents types de fumées, ou d’odeurs de gaz. C’est très important car vous ajoutez une information supplémentaire essentielle. Tout cela accroît le pouvoir immersif et le côté expérientiel de la formation. Vous pouvez également travailler dans un univers persistant d’entraînement, comme les centrales nucléaires, pour lesquelles vous créez des jumeaux numériques. On est très proche du vrai monde, là. Un monde précis, bien calibré, bien délimité, en numérique.
Mais une formation ne peut pas se limiter qu’à du virtuel ?
Bien sûr, le graal serait de former les employés en situation, avec des scénarios qui s’ajouterait alors dans la partie réelle. Les premiers métavers, ce sont les pilotes d’avion qui font du simulateur de vol. Quand on voit un simulateur Thalès, on pense à un manège de parc d’attraction. Mais dans le métavers, cela permettra de ressentir tout ce qu’on doit ressentir en situation de manière plus développée. Comme tester les atterrissages périlleux, ou de tester les crashs autant que l’on veut sans conséquences réelles. Le métavers permettra de s’approcher encore plus de la réalité. À long terme, on pourra imaginer de l’événementiel ou du tourisme, pour voyager tout en restant chez soi.
La définition du métavers, ce n’était pas justement de reposer sur une technologie basée sur le Web3 ?
Ce n’est pas obligatoire, mais ça peut l’être si vous parlez de commerce. Nous aurons Nicolas Diacono, de l’Échangeur, pour en parler. Les marques de luxe s’en servent comme d’un instrument pour le commerce. Ils en profitent pour vendre des NFT sous forme de voucher, et cela augmente leur relation client en donnant un droit d’accès à des services supplémentaires. Pour les métavers de formation, à ce jour, vous n’avez pas forcément de Web3. Mais on pourra à terme mélanger les technologies. D’autant que le Web3 apporte un volet sécuritaire. Il met l’accent sur le respect de la vie privée, comme pour jouer au masque de Venise. Garder l’anonymat n’est pas simple dans le monde virtuel. Ce volet sécuritaire est d’ailleurs une des barrières à son acceptabilité par le grand public, mais il peut être intéressant pour les métavers B2B.
Le séminaire Le Métavers est mort, vive les Métavers
L’association Aristote organise un séminaire le 16 mai, de 9h à 17h45, à l’Ecole Polytechnique (Palaiseau). D’abord, il s’agit de questionner la signification du terme, qui demeure encore confus et regroupe en un seul chapeau des concepts divers, jumeau numérique et simulation pour l’industrie, internet des sens et expériences immersives pour le monde de la mode, nouvelles sensations pour les gamers.
Philippe Fuchs, pionnier des technologies immersives, définira le cadre scientifique du Métavers et Nicolas Diacono nous expliquera comment le commerce voit cet écosystème technologique et entend créer de nouvelles expériences pour ses clients en combinaison avec le Web 3.0. Ensuite, sera questionnée l’éthique et le statut juridique des Métavers. Et, enfin, seront abordées les solutions marchées et dispositifs technologiques.
Programme complet du séminaire : https://www.association-aristote.fr/evenements/le-metavers-est-mort-vive-les-metavers/