Alors que les inquiétudes concernant la perte de souveraineté due à la faiblesse technologique de l’UE persistent, il est peut-être opportun de prendre un moment pour réfléchir à la manière de naviguer à l’ère de la révolution de l’intelligence artificielle.
Dans le passé, le réflexe a trop souvent été de tenter de reproduire ce qui existait déjà, comme la création d’un ordinateur grand public pour rivaliser avec le PC américain (le Thomson TO7) ou le financement de moteurs de recherche (Qwant, Quaero) pour concurrencer Google.
Avec le recul, la naïveté de ces approches apparaît évidente. De plus, l’histoire technologique démontre qu’elle est tout sauf linéaire, caractérisée par des ruptures de cycles fortes qui ont permis l’émergence de nouveaux géants à chaque étape, tels qu’IBM pour l’ère cybernétique, Apple et Microsoft pour l’ère micro-informatique, Google et Amazon pour l’ère internet 1.0, et Facebook pour l’ère 2.0.
Il est difficile de prédire qui dominera dans cette ère de l’IA 3.0, d’autant plus que l’organisation des différents acteurs est loin d’être définie. Les IA personnelles, les systèmes de LLM (langage naturel), les acteurs spécialisés, les datacenters dédiés à l’apprentissage et à l’inférence… tout cela n’est pas stable et va nécessairement évoluer.
Seules certitudes : le financement de cette nouvelle génération d’acteurs est six fois moins important en France qu’aux USA ; les liens entre recherche et entrepreneurs sont incomparablement plus distendus ici qu’outre-Atlantique, les compétences sont déjà en tension alors même que nous n’avons pas encore d’acteur de taille critique, et par-dessus de marché, nous n’avancerons pas si nous ne dépassons pas les fantasmes trop souvent entendus et amplifiés sur la prétendue conscience à venir des IA, leur propension à nous voler nos emplois (la science économique et l’histoire de l’économie font en tous points faire mentir cette croyance) et d’autres peurs qui nous tétanisent et nous font craindre le futur ainsi que renier le progrès, sans parler des réglementations parfois coercitives pour l’innovation.
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Ce qui importe fondamentalement, c’est de multiplier les opportunités pour faire émerger de nouveaux acteurs et ainsi favoriser la création d’écosystèmes entièrement nouveaux, plutôt que de simplement reproduire ce qui se fait déjà ailleurs, souvent très bien.
Certes, comme pour toute nouvelle technologie à fort potentiel, il y aura des accidents de parcours, et donc des garde-fous à mettre en place, mais il n’y a aucune raison de penser que nous ne pourrons pas y parvenir. De plus, les défis sociaux et environnementaux auxquels nous sommes confrontés font de cette technologie, qui promet des gains de productivité importants, une alliée précieuse pour y faire face.
Pour l’Union européenne, c’est également l’occasion de rattraper son retard cumulé en saisissant cette rupture de cycle et en créant un modèle de développement plus inclusif et résilient.
Gilles Babinet, Entrepreneur spécialiste des enjeux numériques
Le ratio mentionné entre la France et les USA qui serait d’un rapport de 6 semble cohérent si l’on se réfère au ratio de population. Hormis bien évidemment le problème (attention, ce n’est un problème que pour les techniciens et ceux qui sont engagés dans l’innovation) récurrent de l’argent que les français préfèrent investir dans l’immobilier (logique, c’est évidemment ce qu’il y a de plus sûr et de plus rentable depuis déjà longtemps dans notre pays) plutôt que dans les développements technologiques, nous avons collectivement le goût prononcé de lutter contre, plutôt que lutter avec, cette attitude est bien représentée… Lire la suite »