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Habiter avec la mer

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Jusqu’au 12 mai, la villa Noailles traite de l’influence de la mer sur l’architecture en consacrant une exposition monographique à Jacques Rougerie, architecte français de renommée mondiale, académicien, spécialisé dans le domaine des habitats marins, sous-marins et littoraux. Il y a 3,8 milliards d’années la vie a commencé sous l’eau. Jacques Rougerie nous invite à y retourner.

Les mers et océans recouvrent 71% de la surface du globe. Jacques Rougerie se déclare “mérien”, en opposition au terme terrien et décentre ainsi l’architecture de la gravité terrestre pour la poussée d’Archimède. Depuis le début des années 1970, cet architecte océanographe, persévérant, conçoit des habitations sous-marines mériennes en collaboration avec des océanographes, des biologistes et des ingénieurs. Les projets de Jacques Rougerie s’ancrent dans de solides prospections scientifiques : il ne s’agit pas d’utopie, mais bien d’anticipation. Ses recherches consacrées aux similitudes entre la vie et les technologies du monde de l’espace et du monde sous-marins, le conduisent à concevoir également des architectures dédiées à l’espace et à la Lune.

Il teste lui-même les prototypes d’habitats sous-marins qu’il réalise en recourant à tous les moyens possibles et inimaginables. Il vit avec la mer et sous la mer. Il participe même au record du monde dans un habitat sous-marin durant 71 jours aux USA, en 1992. La mer est son mode de vie ; il souhaite le partager. Son projet mérien s’élabore à toutes les échelles, celle du corps, du vêtement, de l’habitat et de l’urbanisme sous-marins.

Qu’elles soient sur ou sous l’eau, les architectures de Jacques Rougerie déplacent le référentiel d’une architecture vouée à l’attraction terrestre. Ainsi, structures, programmes et imaginaires deviennent inédits. Ici, l’architecture flotte et souvent s’immerge. Aller sous l’eau ne signifie pas s’éloigner du monde. Bien au contraire, c’est être dans un monde qui n’est plus taillé à l’échelle humaine. Complices de la biodiversité, la faune et la flore des mers, ces projets d’architecture bio inspirée sont éclairés par une nouvelle diplomatie du vivant.

Pulmo créations – ©Rougerie

Son projet l’Archéoscope pensé pour le Golfe de Giens à Hyères, les Aquabulles pour les îles des Embiez, la maison sous-marine Galathée pour Osaka ou encore le projet phare Sea Orbiter : Station internationale océanique, à l’instar de la Station ISS, sont autant de réalisations internationales aux noms énigmatiques qui sont présentées à la villa Noailles. Leurs formes, inspirées des caractéristiques du vivant, représentées à la manière de bandes-dessinées, évoquent la science-fiction dans son sens le plus direct : une fiction scientifique où les humains ont quitté la Terre pour une vie liquide ou spatiale.

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En 2009, il crée la Fondation Jacques Rougerie à l’Institut de France, abritée à l’Académie des beaux-arts. À travers son Concours international d’Innovation et d’Architecture annuel dédié au devenir de l’aménagement du littoral, des habitats sous-marins et spatiaux, la Fondation soutient les projets de jeunes architectes, ingénieurs et designers. Jacques Rougerie donne des conférences dans le monde entier sur l’architecture prospective, en conjuguant Arts, Sciences, Technologies et Nature.

À travers une sélection de projets, les commissaires, retracent le parcours de Jacques Rougerie, depuis ses premières expériences, des années 1970 jusqu’au techno enthousiasme des années 2000 et dans une continuité avec Sophie Rougerie et Emmanuel Dujardin à travers leur Agence d’Architecture Rougerie + Tangram. Ils sont notamment les architectes de la Marina Olympique à Marseille pour les JO 2024.

L’exposition présente de nombreux dessins originaux provenant des archives personnelles de Jacques Rougerie, certains présentés pour la première fois, ainsi qu’une collection de ses maquettes dont celle d’un village sous-marin empruntée aux collections du Centre Pompidou. Par ailleurs, l’habitat sous-marin Aquabulle, qui a été expérimenté à de nombreuses reprises en Méditerranée, notamment au large de Hyères, est présenté sur le parvis de la villa Noailles.

Projet de centre culturel de la mer – ©Rougerie

Un catalogue est spécialement édité avec des textes de Jacques Rougerie et les contributions de MBL architectes et Emmanuelle Chiappone-Piriou, architecte et historienne.

Jacques Rougerie – Extrait d’une conférence donnée en 2024

Jacques Rougerie est architecte, océanographe, et membre de l’Académie des Beaux-Arts. Il réalise des lieux de vie et de recherche sous-marins, des musées et centres de la mer, inspirés notamment du biomimétisme. En 2009, il crée la Fondation Jacques Rougerie qui récompense de jeunes architectes pour leurs projets innovants liés au littoral, à la mer et à l’espace.

« Je souhaite partager avec vous la conviction que le destin des civilisations futures émergera des profondeurs océaniques et des étendues mystérieuses du cosmos. Enfant, on rêve souvent de construire des cabanes dans les arbres. Moi j’ai toujours rêvé de les construire sous la mer ou dans l’espace.
Ces visions, ont pris racine en moi dès mon plus jeune âge, sur les plages lointaines d’Afrique où l’océan m’a empreint de son chant des vagues et le soir sur l’horizon de cet océan, mon regard partait vers les étoiles pour mieux donner corps à mes rêves et passions, de cette envie de devenir un explorateur du futur. A l’image du Petit Prince de Saint-Exupéry, je rêvais que le monde sous-marin et le monde de l’espace se dessinent devant moi ! Les romans de Jules Verne, 20 000 lieues sous les mers et le Voyage de la terre à la lune ont nourri cette vision.

Puis, j’ai été fasciné devant les exploits de Gagarine partant pour l’espace et ceux du commandant Cousteau immergeant le premier habitat sous-marin au monde. Tous deux, la même année, ouvraient les portes d’un futur qui allait bouleverser et guider mon destin et celui des civilisations.

Plus tard, la chance m’a permis de plonger à bord de La Calypso, aux côtés du commandant Cousteau qui m’a fait découvrir un monde merveilleux, le monde sous-marin. Cela m’a conduit, à concevoir et à réaliser mes premiers habitats sous-marins, en vue d’une exploration océanique pour une nouvelle civilisation, celle des Mériens. Les Mériens ce sont ces femmes et ces hommes qui explorent et désirent vivre en harmonie avec l’univers sous-marin. Lorsqu’ils évoluent dans ce milieu, ils ont en commun avec les astronautes de partager des sensations et des modes de vie similaires entre ces nouveaux mondes océaniques et spatiaux.

Aujourd’hui, nous pouvons entrevoir ce que l’océan et l’espace, à travers les recherches scientifiques, les innovations, les technologies, et l’architecture bio inspirée liés à ces univers, vont apporter, dans le futur de nos modes de vie terrestre.
C’est pourquoi, il devient fondamental que ces explorations océaniques ou spatiales soient menées à l’échelle internationale, car elles sont essentielles à l’évolution de nos sociétés, pour accroître notre résilience et garantir un avenir durable !

Mais, nous devons être conscients des interrogations actuelles des jeunes quant à l’avenir des sciences, des technologies, de l’inquiétude que suscitent leurs développements et de leurs impacts sur l’environnement. Il est donc essentiel de débattre, et de rechercher ensemble les solutions nécessaires, plutôt que de s’opposer.

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Cependant nous n’avons pas d’autre choix que de faire confiance dans les sciences, les technologies, ce ne sont que des outils au service d’une vision, d’une ambition, d’un projet qui doivent être humanistes et universels, à l’image de la France qui a souvent incarné les idéaux des Lumières.

C’est dans cet esprit que nous devons ensemble relever ces défis. C’est avec cette conscience que j’ai guidé mes recherches durant de nombreuses années dans une quête d’équilibre entre la nature, les sciences les technologies et l’art. À travers l’art, nous devons aspirer à ce que l’imagination et le rêve restent au cœur de ce qui, depuis toujours, guide l’Humanité.

Nous devons aussi mettre en œuvre de nouveaux rêves qui stimulent l’évolution et le progrès. Mais combien faut-il de brins de folie, d’innocence, de passion, d’audace sans limite, pour porter des idées qui sortent des schémas préétablis ?« 

Vers une architecture biomorphique 

C’est avec cet état d’esprit en collaboration avec des équipes pluridisciplinaires, que nous avons voulu participer à ériger notre avenir, en façonnant des recherches au cœur de l’humain, en orientant des réalisations vers une architecture bio-inspirée puisée dans le génie millénaire de la nature.

Cette quête vers une architecture et des technologies biomorphiques, je l’ai développée en m’inspirant des visions et des travaux de Léonard de Vinci qui disait à ses élèves : « Allez puiser vos leçons dans la nature, là où réside notre futur. »

Dès nos premières études biomorphiques sur les habitats sous-marins pour un avenir océanique, nous avons pris en compte leurs impact environnemental ainsi que les conséquences physiologiques et psychologiques humaines provoquées par ce nouveau mode de vie.
En travaillant avec l’esprit d’un architecte explorateur du futur, comme ici avec mes premiers dessins d’architecture sous-marine bio inspirée par le squelette du radiolaire.
Ces structures sont suspendues entre deux eaux, selon le principe d’Archimède, permettant ainsi aux plongeurs des accès sous la mer et des ancrages mieux adaptés à la configuration des fonds marins.

Projet d’habitat sous-marin – Rougerie

Ces habitats ont donné naissance à une organisation spatiale préfigurant un village sous la mer adapté à la gestion des ressources océaniques, pour une vie communautaire de 250 aquanautes Mériens. Immergé au large des Iles Vierges aux U.S.A, en suspension entre -25 à -50m, ce village a été aussi pensé comme base d’entrainement pour les astronautes, partageant, avec les aquanautes Meriens, les mêmes similitudes de vie en milieux extrêmes.

« Ces visions m’ont définitivement fait découvrir que je suis un Mérien, fils d’un nouveau monde. N’ayons pas peur d’être les rêveurs de ces nouveaux mondes, allons au bout de nos rêves ! Il ne faut jamais les quitter.« 

L’ensemble était constitué d’un flotteur en surface où se trouvaient les groupes énergétiques reliés à l’habitat sous-marin.
Lors d’une expérience, nous avons subi un violent cyclone, alors que ce n’était pas la période, ce qui expédia l’habitat par 4000 mètres de fond. Inutile de vous dire que ce genre d’épreuve apporte son lot d’émotions et d’adrénaline !
Quant à Hippocampe, nous l’avons immergé et expérimenté par -12 m, au large de Marseille dans la calanque de Pomègues au Frioul, à l’endroit même où Cousteau avait installé sa première maison sous-marine Pré Continent 1.

L’expérience était menée avec les plongeurs de la Marine nationale et de la COMEX, c’était en décembre, ce qui nous a permis d’organiser un Noël sous la mer.
Nous avons invité deux enfants plongeurs de 10 et 12 ans à nous rejoindre dans l’habitat pour chercher leurs cadeaux dans leurs palmes Un moment magique, inoubliable, une première mondiale retransmise dans le monde entier. Je peux vous dire qu’aujourd’hui cela reste encore leur plus beau Noël !

Des habitats sous-marins 

Je suis allé jusqu’au bout de mes rêves tout en restant un rêveur très pragmatique, dessinant et réalisant depuis plus de 30 ans des habitats sous-marins. Comme avec Galathée, ma première maison sous-marine. Je l’ai non seulement rêvée, dessinée, réalisée, mais aussi expérimentée. Galathée a été conçue pour des recherches scientifiques pour 4 plongeurs. Elle a été élaborée pour avoir un minimum d’impact sur l’écosystème marin. Quant à l’intérieur, il a été pensé avec une ergonomie adaptée à la vie subaquatique, pour des séjours d’un mois voire de longues durées.

Avant Galathée, nous avons réalisé différents refuges sous-marins, les Aquabulles.

Jacques Rougerie en plongée avec l’Aquabulle

Tel un ludion, grâce à leur simplicité de fonctionnement entièrement autonomes ces refuges se positionnent à différentes profondeurs, permettant à trois plongeurs pendant plusieurs heures d’observer la biodiversité, ou pour des recherches sous-marines archéologiques.

Ensuite, nous avons construit et expérimenté plusieurs habitats sous-marins, Hippocampe I et II ainsi qu’Ocean Observer.
Ocean Observer a été conçu pour l’observation de la vie subaquatique. Nous l’avons testé dans l’océan Indien au large de Sumatra, en Indonésie.
L’ensemble était constitué d’un flotteur en surface où se trouvaient les groupes énergétiques reliés à l’habitat sous-marin.
Lors d’une expérience, nous avons subi un violent cyclone, alors que ce n’était pas la période, ce qui expédia l’habitat par 4000 mètres de fond.
Inutile de vous dire que ce genre d’épreuve apporte son lot d’émotions et d’adrénaline ! Quant à Hippocampe, nous l’avons immergé et expérimenté par -12 m, au large de Marseille dans la calanque de Pomègues au Frioul, à l’endroit même où Cousteau avait installé sa première maison sous-marine Pré Continent 1.

De nouvelles sensations 

Dans ces expériences sous la mer, le Mérien comme l’astronaute dans l’espace doit réapprendre à coordonner et à maitriser ses gestes, son équilibre, son orientation, sa concentration.
Sous la Mer comme dans l’Espace, nos sens explorent de nouvelles sensations, éveillant un imaginaire différent des terriens ou même des marins. Sous la mer, vous devenez un Mérien vous amenant à développer une autre philosophie.
Les cinq sens n’ont plus les mêmes perceptions. La gestuelle est plus lente, le toucher n’a pas la même sensibilité, la voix devient plus aigüe…
Pourtant, c’est vraiment sublime, vous ne pouvez pas imaginer, un instant, le bonheur que c’est de vivre sous la mer. D’y travailler, déjeuner, se détendre en écoutant de la musique aux sonorités aquatiques, dormir, se réveiller sous l’océan entouré d’une biodiversité ; Vous vivez en osmose avec le monde sous-marin. C’est aussi la liberté de sortir de son habitat à tout moment pour voler comme sur cette photo, parmi les poissons, tel un oiseau dans l’air.

Ce sont des perceptions semblables à l’apesanteur dans un vol parabolique, que j’ai eu la chance de réaliser, qui créent de telles émotions, qu’il est difficile de revenir sur terre. J’ai ressenti ces sensations dans mes différentes expériences sous la mer, ou lors d’un séjour dans l’habitat sous-marin La Chaloupa en Floride, en compagnie des astronautes Volodia Titov, premier homme à vivre un an dans l’espace, accompagné de mon ami Jean-Loup Chrétien, qui m’a ouvert les portes de l’espace à la cité des étoiles en Russie et à la NASA aux Etats Unis. Peu de temps après, dans ce même habitat, j’ai eu la fierté de participer au record du monde de 71 jours sous la mer.
La réussite de tels défis ne peut se réaliser qu’à travers, l’esprit d’équipe, la confiance de chacun, le mental, et l’engagement.

Quand vous revenez sur Terre comme les astronautes, vous n’avez plus qu’une envie : d’y retourner ! On a plus la même perception ni le même regard sur le monde.

Il est important que l’art accompagne ces explorations océaniques ou spatiales, d’autant plus que souvent les astronautes ou les Mériens souhaitent développer leur imaginaire et faire naître leur créativité artistique dans les domaines de la peinture ou de la sculpture, en harmonie avec ces univers si éloignés de ce que nous vivons sur terre.

Ou comme, ces astronautes Jean-Loup Chrétien ou Thomas Pesquet, jouant dans l’espace une musique aux sonorités cosmiques. Ou ces Mériens Julie Gautier, dans une splendide chorégraphie subaquatique, ou Michel Redolfi, composant sous la mer de la musique sur un xylophone.
En écoutant ces musiques subaquatiques, il m’est venue l’idée de ressentir les battements de cœur de notre planète, pour que nous prenions conscience que notre astre est bien vivant.

Ce qui m’a amené à créer un opéra sur l’eau, avec deux lames jaillissant de l’océan tel un diapason, captant les ondes telluriques pour créer une symphonie de la Terre que l’on pourra écouter dans le monde entier, à chaque lever de soleil, grâce à une retransmission par satellites sur les réseaux sociaux.

Nous avons imaginé un autre projet passionnant pour une course mythique de la Terre à la Lune à partir d’un voilier spatial équipé de 4 voiles solaires, propulsé par ce qu’on appelle les vents solaires qui sont des flux de particules constituées d’ions et d’électrons.

Explorations océaniques et spatiales

Ces projets nous ont conduits à travailler sur différents concepts spatiaux, notamment un village lunaire pouvant accueillir jusqu’à 250 astronautes avec leurs équipements pour de longs séjours. Il sera construit en grand partie sur place, recouvert de sable lunaire grâce à des imprimantes 3D.
Cette vision novatrice nous oblige en tant qu’architectes prospectivistes à constamment renouveler notre regard pour imaginer les habitats extra-terrestres de demain.

Je suis conscient que l’espace et les profondeurs sous-marines demeurent encore inaccessibles pour la plupart d’entre vous. C’est pourquoi, j’ai souhaité, mettre, des yeux sous la mer, aux navires, pour offrir la possibilité à tous les amoureux du monde sous-marin, de voir enfin sous la surface de l’océan, sans plonger. Qu’ils soient : marins, scientifiques, ou enfants. Ce concept, nous l’avons concrétisé sur deux types de vaisseaux semi-submersibles, en forme de raie Manta, les Aquascopes pour 10 personnes et les Seacopes pour 26 personnes, permettant une observation permanente sous l’eau grâce à ses larges baies en polycarbonate.

Après avoir construit ses semi-submersibles, j’ai ressenti le besoin impérieux de dessiner et de faire construire mon propre navire. L’Aquaspace, un trimaran en aluminium de 22 m de long par 8 mètres de large. Avec une coque centrale, entièrement transparente sur près de 20m, il m’a permis d’observer sous la mer, pendant de longues traversées océaniques, la biodiversité et la migration des baleines.

Partager des savoirs 

Cette passion pour la mer nous a conduits au sein de notre agence d’architecture Rougerie Tangram à concevoir et réaliser des ports du futur. C’est cette détermination qui nous a permis aujourd’hui d’être les architectes pour les JO Paris 2024 de la marina olympique de Marseille.
Elle restera après les jeux en héritage pour tous les Marseillais, ainsi ils pourront mieux découvrir les enjeux que leur offre la mer Méditerranée. Cette marina réalisée bas-carbone est certifiée Effinature, c’est la certification de la biodiversité en milieu littoral et urbain.

Afin de répondre aux grands défis océaniques, de transmettre, de partager les savoirs, et d’inspirer de futures vocations maritimes, nous avons réalisé, pour cela, au sein de notre agence d’architecture, plusieurs grands musées scientifiques et éducatifs dédiés à la mer à travers le monde, notamment en France, Océanopolis à Brest, Nausicaa à Boulogne-sur-Mer, le plus grand centre européen sur l’environnement marin. Et en bas à droite, le musée de la Mer, inspiré du nautile situé dans la baie de Qingdao en Chine, le Pavillon de la Mer à Kobé au Japon. Et dernièrement, l’écomusée Fare Natura à Moorea en Polynésie.

Projet Fare-Natura – ©Rougerie

Son architecture biomorphique s’appuie sur le traditionnel et le natif polynésien. Implanté au bord du lagon, il emprunte au monde marin et végétal son vocabulaire de formes pour exprimer la rencontre entre la mer et la terre.

Il est essentiel de retrouver ce lien sacré et ancestral qui nous unit à la nature, tout comme les Polynésiens qui ont su intégrer l’océan dans leurs comportements et modes de vie.
D’autres peuples de la mer et de l’eau, à travers l’histoire, ont trouvé ce lien avec l’océan et l’eau en construisant leur capitale et leurs cités au bord de l’eau, des fleuves, des lacs, des littoraux et même en mer pour des raisons commerciales, guerrières et depuis peu…à des fins touristiques et sportives.
A chaque fois, dans ces cités naît une identité culturelle et artistique empreinte du milieu aquatique.

Quelques exemples de peuples de l’eau :

  • Les Tofinous, « les hommes de l’eau » de la cité lacustre de Ganvier au Bénin en Afrique,
  • Les Uros et leurs habitats flottants sur le lac Titicaca au Pérou,
  • Les Badjaos et leurs maisons sur pilotis en pleine mer aux Philippines,
  • Ou encore les Vénitiens avec la plus belle des cités sur l’eau : Venise qui me fait tant rêver, elle est intemporelle.

Notre civilisation devrait s’inspirer du respect des Peuples de l’eau pour l’océan, car l’océan avec sa biodiversité, joue un rôle crucial en tant que poumon vital de notre vaisseau spatial Terre, fournissant son oxygène, son énergie.
Pourtant son univers sous-marin, demeure encore mystérieux et largement méconnu. L’océan est un monde immense et précieux, d’où peuvent émerger les biotechnologies, les énergies renouvelables de demain, l’alimentation, la pharmacologie du futur, les nouveaux matériaux, et bien d’autres découvertes pour le développement d’une économie bleue basée sur une gestion durable des ressources naturelles.

L’humanité a toujours été intimement liée aux océans et aux rivages marins.
Aujourd’hui, notre civilisation, sur l’ensemble des continents, est de plus en plus attirée par le littoral et la mer. Si on observe de l’espace, la densité lumineuse des littoraux planétaires on constate la pression démographique qu’ils subissent.

Actuellement, nous sommes 7 milliards dont la moitié habite près du littoral. En 2050 -c’est demain- nous serons près de 10 milliards dont 75% vivront près de la mer, soit plus de 7 milliards d’êtres humains qui devront partager cet espace. De plus, cette frange maritime est l’un des écosystèmes les plus fragiles au monde, subissant l’impact des différentes pollutions et de plein fouet, les changements climatiques et la montée du niveau des mers.
Il est donc urgent d’agir, et primordial de modifier nos comportements en inventant de nouveaux paradigmes pour l’aménagement du littoral, la gestion planétaire des mers et des océans ainsi que celle de l’eau, qui constituent les défis majeurs du XXIème siècle.

Ces changements climatiques liés à la montée du niveau des eaux risquent d’entrainer à travers le monde, plus de 600 millions de réfugiés climatiques, ce sont essentiellement les peuples de la mer des pays en voie de développement qui sont concernés. Il est inimaginable de l’accepter.
Nous proposons plusieurs solutions à différentes échelles, du petit ou du grand territoire littoral ou ilien, suivant la complexité du lieu, géographique, sociétal, culturel, économique.

Par exemple, ce projet de ville flottante d’environ 5 000 habitants vivants de la pêche, sur l’atoll de Maupihaa en Polynésie. Nous l’avons conçu pour permettre à ce peuple de la mer de rester sur leur territoire ancestral, et ainsi éviter qu’il devienne des réfugiés climatiques.
Le village bio-inspiré est entièrement créé à partir de structures flottantes articulées intègrent les dernières technologies environnementales, afin de minimiser leur impact sur la biodiversité du lagon.

Pour trouver de nouvelles solutions, nous ne devons pas nous opposer à la mer à sa dynamique marine, mais composer avec elle. Les marins et les Mériens le savent. Et nous devons éviter les discours catastrophistes ou anxiogènes.

Faisons confiance au pouvoir créatif et adaptatif de l’humanité, à la science, aux technologies, ainsi qu’aux visionnaires et au potentiel extraordinaire de l’intelligence artificielle et de l’intelligence collective pour façonner un avenir durable et enthousiasmant. C’est cet état d’esprit que je souhaite transmettre à la jeune génération multiculturelle, car elle porte en elle les gènes du rêve face aux défis qu’elle doit relever pour protéger et bâtir son avenir.

Fondation Jacques Rougerie – Génération espace mer 

La Fondation présente les lauréats, ces jeunes se projettent, avec enthousiasme et générosité, à 20, 50,100 ans, bien au-delà. C’est cette audace de ces jeunes créateurs qui permettra d’imaginer les nouvelles formes d’habitats, de cadres de vie et de mobilités adaptés à nos sociétés, inventifs et économes pour les 10 milliards d’êtres humains que nous serons en 2050, dont 75% vivront près des rivages marins.
C’est avec cette conviction, que j’ai créé en 2009 la Fondation Jacques Rougerie – Génération Espace Mer – à l’Institut de France, abritée à l’Académie des beaux-arts, sous la présidence de S.A.S le Prince Albert II de Monaco.

Elle encourage la passion, l’audace, souhaite faire naître des vocations alliant : Art, Sciences et Technologies avec la nature. La Fondation décerne chaque année différents Prix internationaux d’art, d’architecture, d’innovation liés aux thèmes de la Mer ou de l’Espace, et aussi sur les grands enjeux climatiques, de la montée du niveau des eaux, en partenariat avec l’Unesco.

Depuis sa création, nous avons reçu plus de 12 000 candidatures en provenance de 150 pays, qui ont permis de créer une base de données de plusieurs milliers de projets, contribuant à imaginer le monde de demain.

Un jury prestigieux d’experts internationaux découvre et distingue chaque année des architectes, ingénieurs, artistes passionnés.
En soutenant l’action de ces jeunes, vous devenez les acteurs d’une nouvelle société pour un avenir résilient et durable.

Einstein disait : « L’imagination est plus importante que le savoir. » Jules Verne affirmait également : « Tout ce qu’un homme est capable d’imaginer, d’autres hommes seront capables de le réaliser ». J’ai toujours été fidèle à cette maxime en concevant des projets prospectifs, pendant plus de 30 ans.

Rêver, c’est la seule solution pragmatique, soyons des visionnaires !

Sea Orbiter, la station internationale des océans 

Projet Sea Orbiter – ©Rougerie

Le projet qui incarne ce rêve, ce réalisme et qui fait la synthèse de ces trois décennies de recherches et d’expériences sous-marines que j’ai menées, est Sea Orbiter, la station internationale des océans, à l’instar de la station ISS de l’espace.

L’humanité a toujours eu besoin de symboles forts. Sea Orbiter devrait en être un. Sea Orbiter bouscule les paradigmes établis et crée un nouveau concept de vaisseau, unique au monde, d’exploration des océans dédié à l’universalité scientifique, éducative et sociétale.
Imaginez. Imaginez un vaisseau d’argent voguant en dérivant au gré des grands courants marins, au cœur des océans. Sa mission : explorer et analyser un océan encore largement méconnu, de la surface aux grandes profondeurs, sur des périodes allant de 6 mois à 1 an.

Le projet Sea Orbiter suscite l’intérêt et le soutien de la communauté scientifique internationale océanographique, comme l’Ifremer, ainsi que des agences spatiales telles que la NASA, qui souhaite l’utiliser comme centre d’entraînement.
Ce vaisseau révolutionnaire, avec sa structure bio inspirée par l’hippocampe, atteint une hauteur de 57m de haut et abrite un équipage de 24 personnes.
Il est composé de 12 ponts conçus pour répondre aux besoins des activités scientifiques avec des laboratoires, offrant aussi des espaces de vie, un poste de commandement, des zones d’observations sous-marines et même un quartier de vie en saturation pour permettre à huit aquanautes de vivre sous la mer 24h/24 sur de longues durées. L’ergonomie des espaces est pensée pour garantir l’harmonie entre les aquanautes Mériens et ce milieu si spécifique. Le vaisseau accueillera de multiples engins d’exploration.

Sea Orbiter permettra de mieux comprendre le fonctionnement et le rôle essentiel de l’océan pour la Planète tant au niveau de sa biodiversité que du climat, et bien d’autres données. Il ouvrira aussi un champ exploratoire pour la recherche et le développement de nouvelles technologies.

Et parce que l’art et la culture sont essentiels à cette aventure humaine, un orgue du Nautilus des temps modernes est intégré à la salle de communication, diffusant en permanence les découvertes scientifiques et la vie à bord.

Projet Sea Orbiter – ©Rougerie

Ce projet, imaginé il y a déjà 20 ans, a pu être relancé grâce à ma persévérance et au soutien du Président de la République Emmanuel Macron ainsi que de Rodolphe Saadé, président de CMA CGM, partenaire de SeaOrbiter. Nous intégrons actuellement sur le premier SeaOrbiter les dernières évolutions technologiques et énergétiques bas carbone pour répondre aux grands enjeux environnementaux actuels, pour une mise en chantier en 2025 et être opérationnel en 2027. Et si tout se passe bien, cette première sentinelle des océans sera accompagnée à terme de 7 autres sentinelles sur l’ensemble des océans.

Tous ces projets et réalisations que vous venez de voir ont pu naître grâce à des rencontres avec des femmes et des hommes exceptionnels, qui ont élargi mes horizons et ouvert les champs des possibles. J’ai toujours été persuadé que c’est de l’océan et de l’espace que naîtra le destin des civilisations à venir. C’est l’intensité des rêves que l’on réalise qui donne un sens et le goût de la vie.

Jacques Rougerie – Biographie 
Jacques Rougerie est un architecte visionnaire français de renommée mondiale, académicien, explorateur du futur, spécialisé dans le domaine des habitats marins, sous-marins et littoraux. Passionné par la mer et l’espace, il fonde son travail et ses innovations sur une architecture bio-inspirée, résiliente et durable. Son projet emblématique « SeaOrbiter », constitue le point d’orgue de toutes ses réalisations. Il est à l’image de l’ISS dans l’espace : une station océanique internationale dédiée à la recherche scientifique, à l’exploration, à l’étude du climat et à l’éducation.

Jacques Rougerie développe depuis plus de 30 ans des projets de villages flottants ainsi qu’une base et un village lunaire. Il a réalisé plusieurs habitats sous-marins, Galathée, Hippocampe, Aquabulle… pour ne citer que quelques exemples des plus notables. Avec l’agence Rougerie + Tangram et le Lab Rougerie + Tangram, il réalise en France et dans le monde, notamment des musées de la mer, des centres sportifs et aquatiques et des grands équipements aéroportuaires et tertiaires et dernièrement, la Marina des Jeux Olympiques Paris 2024 à Marseille.

En 2009, il crée la Fondation Jacques Rougerie à l’Académie des Beaux-Arts, à l’Institut de France. Son Concours International d’Architecture et d’Innovation annuel est consacré aux grands enjeux climatiques et environnementaux, relatifs notamment au littoral et à la montée des eaux ainsi que des projets liés aux mondes marin et spatial.Cette Fondation encourage les jeunes à relever les défis planétaires actuels et futurs en conjuguant Arts, Sciences, Technologies et Nature pour bâtir au niveau national et international les nouveaux cadres de vie résilients et désirables.

Aussi, Jacques Rougerie donne des conférences dans le monde entier afin de communiquer, partager et diffuser ses passions.1945 Naissance à Paris1956 Découvre le film Le Monde du silence de Jacques-Yves Cousteau et Louis Malle et les livres de Jules Verne.

1964-69 Formation d’architecte à l’Ecole Nationale Supérieure des Beaux-Arts,1973 Projet de Village sous la Mer mandaté par la NOAA et la NASA1974 Fondation du Centre d’architecture et de la Mer (CAM).1974 Publication de Habiter la Mer, Architecture d’Aujourd’hui n°175, 1974.1977 Projet d’un centre culturel d’archéologie sous-marine, l’Archéoscope, Hyères, Var.1977 Réalisation et expérimentation de sa première maison sous-marine Galathée1981 Réalisation du Pavillon de la Mer, Osaka-Kobe, Japon.2008 Élu Membre de la Section d’architecture à l’Académie des beaux-arts – Institut de France.2015 Lauréat du Concours international du Musée archéologique sous-marin Alexandrie.2018 Réalisation du Centre européen de la Mer, Nausica à, à Boulogne-sur-Mer2023 « Poétique du ruissellement » Discours à l’Institut de France, Académie des beaux-arts.2024 Réalisation de la Marina Olympique, Marseille pour les Jeux olympiques 2024.2025 Mise en chantier du Projet SeaOrbiter, Station Internationale Océanique.

Exposition d’Architecture, “Habiter avec la mer” de Jacques Rougerie, jusqu’au 12 mai 2024 – Villa Noailles Hyères – Montée de Noailles – 83400 – Hyères

Photo d’en-tête : Projet de Cité des Mériens – ©Rougerie

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