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Superbactéries

Les superbactéries déferlent sur le monde prévient l’OCDE. Nous entrons dans l’ère post-antibiotiques.

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Les bactéries résistantes aux antibiotiques ont causé la mort de 33 100 personnes en 2015 dans l’Union européenne. Elles ont par ailleurs contaminé 671 689 personnes. Soit un impact « comparable à l’effet cumulé de la grippe, de la tuberculose et du virus du sida », sur la même période, notent des chercheurs européens dans une étude publiée dans la revue The Lancet Infectious Diseases. En France, on estime que la résistance antibiotique cause 12 500 décès par an, selon un rapport remis en 2015 au ministère de la Santé.
 
Si rien ne bouge, le monde se dirige vers une « ère post-antibiotique, dans laquelle les infections courantes pourront recommencer à tuer », répète régulièrement l’Organisation mondiale de la santé (OMS). L’antibiorésistance tue déjà 50.000 patients chaque année aux États-Unis et en Europe, et pourrait causer 10 millions de morts par an dans le monde en 2050, soit plus que le cancer, ont prédit des experts mandatés par le gouvernement britannique.
 

Surconsommation d’antibiotiques et superbactéries

Depuis plusieurs années, les milieux de santé publique dénoncent la surconsommation d’antibiotiques aussi bien chez l’homme que chez les animaux d’élevage. Cette consommation irraisonnée a produit un résultat qui risque de s’avérer immaîtrisable : les bactéries ont adopté des parades pour éviter d’être éliminées par les antibiotiques. Elles se sont transformées, ont muté, ont développé des défenses de plus en plus sophistiquées. Les chercheurs parlent dorénavant de « superbactéries ».
 
En décembre 2016, des médecins suisses ont identifié la souche bactérienne la plus coriace au monde. Celle-ci résiste aux deux familles d’antibiotiques utilisés en dernier recours (colistine et carbapénèmes) pour sauver les patients gravement touchés par les infections aux entérobactéries, que l’on trouve communément dans les intestins des humains et des animaux. Très répandues, elles sont responsables, entre autres, des septicémies, des pneumonies et des infections en chirurgie. La découverte a fait l’objet d’une publication dans la revue spécialisée The Lancet Infectious Diseases. Si ces résistances devaient se propager, cela sonnerait le glas du développement de la médecine moderne et nous renverrait à l’ère préantibiotique des années 1930. D’autant que, depuis la découverte des chercheurs suisses, d’autres cas ont été mis au jour, pour lesquels les médecins soupçonnent une transmission de mécanismes de résistance de l’animal à l’homme, ce qui suggère « un fort potentiel de diffusion ».
 
En 2017, l’OMS a ainsi publié la liste des douze familles de bactéries les plus dangereuses pour l’homme. Ces agents pathogènes prioritaires ont tous la particularité de résister aux antibiotiques. Les 12 familles de bactéries sont classées en trois catégories en fonction de leur niveau de priorité. La catégorie “priorité moyenne” recense trois familles : l’Haemophilus influenza causant diverses infections dont les otites ; le pneumocoque, responsable des méningites et des pneumonies ; et les Shingella spp provoquant la dysenterie et d’autres infections intestinales. La catégorie “priorité élevée” compte six familles de bactéries, parmi lesquelles le staphylocoque doré causant des pneumonies ou des infections cutanées, l’Helicobacter pylori causant des ulcères de l’estomac, la Neisseria gonorrhoeae responsable de la gonorrhée et les salmonelles. La catégorie “priorité critique” regroupe trois familles : les Pseudomonas, les Acinetobacter et les entérobactéries. Ces trois agents pathogènes sont les plus résistants aux antibiotiques, même les plus récents.
 
Taux de résistance à huit antibiotiques en 2015
 
Selon les projections d’un rapport publié ce 7 novembre, qui ne concerne que 33 des 36 pays de l’OCDE, les bactéries résistantes pourraient tuer 2,4 millions de personnes en Europe, en Amérique du Nord et en Australie d’ici 2050. Les estimations parlent de 10 millions de personnes pour le monde entier.
Les taux de résistance pour huit combinaisons antibiotique/bactérie jugées prioritaires sont passés de 14 % en 2005 à 17 % en 2015 dans les pays de l’OCDE, avec toutefois des différences marquées entre les pays. Les taux de résistance moyens en Turquie, en Corée et en Grèce (environ 35 %) étaient ainsi sept fois plus élevés qu’en Islande, aux Pays-Bas et en Norvège, les pays aux taux les plus bas (environ 5 %).
Dans les pays à revenu faible et intermédiaire, la résistance aux antimicrobiens est déjà élevée et devrait progresser plus vite encore que dans les pays de l’OCDE. Ainsi, au Brésil, en Indonésie et en Russie, entre 40 et 60 % des infections sont déjà résistantes, contre 17 % en moyenne dans les pays de l’OCDE. Et dans ces pays, les taux de résistance aux antimicrobiens devraient croître entre quatre et sept fois plus vite que dans les pays de l’OCDE entre aujourd’hui et 2050.
 
Une étude distincte, parue lundi dans la revue The Lancet Infectious Diseases, chiffrait à 33.100 le nombre de morts imputables à ces bactéries en 2015 dans l’Union européenne. La majorité des décès touchent les jeunes enfants de moins de 12 mois et les plus de 65 ans. L’impact en termes de mortalité est le plus élevé en Italie et en Grèce, l’Italie comptant à elle seule pour plus du tiers des morts associées aux « superbactéries », selon l’étude. Pendant la même période, plus de 10.000 personnes sont décédées en Italie d’infections, notamment par la bactérie Escherichia coli et le staphylocoque doré.

LIRE DANS UP : Alerte aux super-bactéries

Selon le quotidien Le Parisien, sur le total de 670 000 infections par une bactérie multirésistante estimées en 2015, près des deux tiers ont été contractées dans le milieu hospitalier. Les chercheurs soulignent « l’urgence d’une prise en compte de la résistance aux antibiotiques comme une donnée de santé vitale pour les patients et le besoin de concevoir des traitements alternatifs pour les patients qui ont d’autres maladies et qui sont vulnérables du fait de défenses immunitaires amoindries ou de l’âge ».
 

 2 $ par an et par personne pour éviter les trois-quarts des décès

Longtemps considérés comme des biens de consommation courante, les antibiotiques avaient jusqu’à présent un prix peu élevé, compensé par des volumes de distribution importants. Mais les autorités sanitaires restreignent désormais leur usage pour éviter l’émergence de nouvelles résistances.
Nombre de grands laboratoires pharmaceutiques ont longtemps délaissé ce domaine de recherche, au profit de branches plus rémunératrices, comme le diabète ou le cancer. Résultat : aucune nouvelle classe d’antibiotique n’est arrivée sur le marché depuis 30 ans. Mais, face à une situation médicale et sanitaire de plus en plus inquiétante, la recherche publique et les laboratoires privés, après avoir longtemps négligé les recherches dans ce domaine, ont intensifié leurs efforts au cours de ces dernières années pour proposer aux malades de nouvelles solutions thérapeutiques. C’est la course aux innovations pour tenter d’enrayer le processus.

LIRE DANS UP : Résistance aux antibiotiques : Quelles innovations ?

Pourtant, on pourrait combattre cette résistance avec des « mesures simples » au coût modéré, selon l’OCDE : « Encourager une meilleure hygiène » (en incitant par exemple à se laver les mains), « mettre fin à la surprescription d’antibiotiques » ou encore généraliser les tests de diagnostic rapide pour déterminer si une infection est virale (auquel cas les antibiotiques sont inutiles) ou bactérienne.
Selon l’OCDE, ces mesures ne coûteraient que deux dollars par personne et par an et permettraient d’éviter les trois quarts des décès.
 
Pour les auteurs du rapport, les bactéries résistantes aux antibiotiques ne mettent pas seulement des vies en danger mais pèsent également sur les systèmes de santé : elles pourraient entraîner jusqu’à 3,5 milliards de dollars de dépenses annuelles d’ici 2050 dans chaque pays de l’OCDE. « Ces bactéries coûtent plus cher que la grippe, que le sida, que la tuberculose. Et elles coûteront encore davantage si les États n’agissent pas pour régler ce problème », a expliqué à l’AFP Michele Cechini, spécialiste de santé publique à l’OCDE.
 
 

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