Dans une longue interview au magazine Wired, Barack Obama s’est livré à une analyse dense et particulièrement éclairante sur le rôle et les dangers de l’Intelligence artificielle. On aimerait que nos politiques français, à l’orée d’élections importantes, aient une hauteur de vue semblable sur un sujet qui impacte déjà profondément des chapitres entiers de l’économie, de l’éducation, de la santé, du savoir, et qui va dans les prochaines années s’imposer au cœur de nos sociétés.
D’emblée, Barack Obama affirme : « Mon successeur devra gouverner un pays transformé par l’IA ». Sans éluder aucune question, le président américain explique comment l’IA s’est immiscée dans nos vies quotidiennes presque subrepticement, dans différents domaines de la vie quotidienne. On pense à Bernard Stigler qui explique dans son dernier livre (La Disruption) comment les innovations disruptives ont la capacité d’installer des états de fait qui défient le droit, la morale, les habitudes les plus établies, sans qu’on s’en aperçoive immédiatement.
Pour Barack Obama, l’enjeu de l’IA ne doit rien laisser au hasard ; il ne peut être abandonné aux firmes privées ni aux caprices des marchés. L’enjeu oblige les gouvernements et notamment le sien à assumer leur responsabilité et à mettre en place des balises. La décision politique est ainsi réhabilitée pour des secteurs comme le numérique dont les conséquences s’inscrivent profondément dans la durée.
C’est la raison pour laquelle le gouvernement américain a publié deux rapports importants, en forme de feuille de route et de mise en garde sur le sujet.
Le premier rapport indique les pistes d’action à mener pour chaque pan de l’administration.
Au gouvernement d’assurer sa responsabilité d’analyser les risques de l’IA et d’évaluer si les lois existantes les couvrent bien. La décision d’ouvrir les routes et autoroutes aux voitures autonomes en est un exemple.
En matière d’éducation, Obama souhaite que se développe une force de travail compétente en IA. Il veut que les citoyens soient suffisamment informés et formés pour comprendre et interpréter les décisions politiques aussi bien que les innovations qui arrivent constamment sur le marché.
En termes de travail, Obama souligne comment l’IA va entraîner des pertes d’emplois et va accroître les inégalités. Il propose que les politiques publiques s’organisent pour assurer une redistribution la plus large possible des bénéfices économiques liés à l’IA. Il estime qu’il faut repenser le modèle social, et évoque sans détours la question du revenu universel dont il estime que ce sera le débat clé dans les 10 ou 20 prochaines années.
Enfin, est évoquée la question de la sécurité. La menace d’une IA autonome qui serait associée à un système d’armement n’est plus de la science-fiction. Le président Obama souhaite qu’une coopération internationale soit mise en place pour éviter tout danger.
Le deuxième rapport définit les grandes priorités de la recherche. Parmi celles-ci figurent le développement de méthodes efficaces pour la collaboration humain-machine, la compréhension et la résolution des questions éthiques, légales et sociétales, et enfin la nécessité de rendre publiques les bases de données servant à entrainer les IA.
On le voit, le président Obama entre dans les détails d’un sujet qu’il semble parfaitement connaître et dont il fait un enjeu majeur à court terme. Espérons qu’il saura donner l’exemple aux autres dirigeants, trop souvent englués dans leurs petites querelles politiques et sourds aux changements majeurs du monde.
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