Les célébrissimes statue de la Liberté et « skyline » de Manhattan enveloppées d’un brouillard jaune-orange d’une odeur âcre, caractéristique de bois brûlé : les feux de forêt au Québec ont plongé New York, à 800 km au sud, dans une atmosphère inquiétante et irrespirable. Les masques du Covid font leur réapparition dans les rues de Manhattan, Brooklyn et Queens, tout comme à Central Park, le gigantesque poumon vert de la capitale économique et culturelle des Etats-Unis.
En plein centre de Manhattan, cœur de la finance et des entreprises de la mégapole, les conditions atmosphériques ont empiré d’heure en heure : un brouillard couleur jaune-orange de plus en plus épais des gratte-ciels et un air quasiment irrespirable pour les employés de bureau qui se hâtent d’aller chercher à manger. Depuis ce mardi 6 juin, les autorités de la ville et de l’Etat multiplient les messages d’alertes pour sensibiliser les New-Yorkais à l’impact soudain et sans précédent de ces incendies au Canada, dont l’intensité et la fréquence sont liées au changement climatique.
Le sénateur Chuck Schumer, chef de la majorité démocrate au Sénat à Washington s’est dit « attristé de constater que la ville de New York, qui bénéficie d’habitude d’une bonne qualité d’air, a l’une des pires au monde à cause de ces feux de forêt » au Québec, 800 km au nord. La situation est encore plus mauvaise dans les grandes banlieues huppées et vertes au nord du Bronx, le long du fleuve Hudson, où le ciel a viré mardi au jaune-orange-gris et où l’air racle la gorge.
D’après le service de météo national, l’indice de qualité de l’air est passé de « nocif à « très nocif » et même à « dangereux » en certains endroits de l’Etat de New York, où toutes les activités scolaires et parascolaires en plein air sont suspendues. « Ce n’est pas le jour pour s’entraîner au marathon », a prévenu, avec son sens de la litote, le maire de la ville Eric Adams. Il n’a pas tort : la concentration de microparticules PM2.5 est à un niveau plus d’une dizaine de fois plus élevé que les normes de l’Organisation mondiale de la Santé.
Difficultés respiratoires
Depuis mardi, soudainement, les monuments les plus connus — statue de la Liberté, pont de Brooklyn, tour One World Trade Center — ne se détachent plus comme d’habitude sous un ciel bleu et limpide et sont dissimulés dans la brume et les fumées.
Tous les vols au départ ou à l’arrivée des aéroports new-yorkais ont été retardés, un match de base-ball des Yankees contre les White Sox de Chicago a été reporté à jeudi et la comédienne britannique Jodie Comer, invoquant des « difficultés respiratoires » a été remplacée au bout de dix minutes pour sa pièce en solo « Prima Facie » à Broadway.
A des centaines de kilomètres au sud, la capitale fédérale Washington a vécu aussi dans une odeur âcre et sous un ciel voilé, avec une qualité de l’air « nocive » pour les personnes les plus fragiles. Comme à New York et dans l’Etat du Maryland, les écoles publiques ont annulé les activités en extérieur pour les enfants.
Pour 100 millions d’habitants, de Chicago au nord-est à Atlanta au sud, « la qualité de l’air dans cette zone est principalement affectée par les feux canadiens », selon l’EPA, l’agence de protection de l’environnement. Rien que pour New York, tout dépendra de la « direction des vents » mais les fumées pourraient perdurer « une à deux semaines », selon la météo nationale.
Le Canada en feu
Ce phénomène est une conséquence des feux dévastateurs du Canada. 425 incendies actifs, dont plus de la moitié sont hors de contrôle, sont recensés par le Centre interservices des feux de forêt du Canada (CIFFC). Jusqu’à présent, les incendies ont brûlé près de 10 millions d’hectares, soit 17 fois la moyenne des 20 dernières années.
Tant qu’ils ne seront pas maîtrisés, ils continueront à remplir le ciel de cendres et de fumées, colorant l’atmosphère de ces étranges nuances d’orange. Les particules de fumée agissent en effet comme un filtre, laissant apparaître seulement les plus grandes longueurs d’onde de la lumière, qui sont de couleur orange ou rouge.
Les autorités de New York “s’attendent à ce que la situation dure plusieurs jours”, relève The Wall Street Journal. Mais ce n’est peut-être qu’un début, prévient le quotidien économique : “Les autorités du Canada ont averti que le pays se préparait cette année à la saison d’incendies la plus destructrice de son histoire. En d’autres termes, les Américains pourraient connaître un été enfumé.”
L’accroissement de la fréquence et de la sévérité des feux fait partie des résultats du changement climatique. Un rapport du programme environnemental des Nations unies, en 2022, évaluait la hausse des incendies extrêmes de 14 % d’ici à 2030, et de 30 % d’ici à 2050. Aux États-Unis, ce type de fumées touchait autrefois surtout la côte ouest, autour de la Californie, mais la côte Est se trouve de plus en plus concernée.
Avec AFP