L’humanité en péril. Virons de bord, toute ! de Fred Vargas – Editions Flammarion (édition augmentée d’un chapitre inédit), mars 2020 – 256 pages
Avant tout, peut-être serez-vous nombreux à avoir déjà lu ce livre lors de sa première édition et publication en mai 2019. Si non, cette nouvelle édition dans la collection « J’ai lu » ne devra pas vous échapper.
On n’attendait pas Fred Vargas dans ce registre … Elle, l’auteure de multiple (excellents) polars, la voilà qui délaisse son commissaire Adamsberg pour dresser un portrait alarmant sur l’état de notre planète. « Mais bon sang, comment vais-je me sortir de cette tâche insensée ? De cette idée de m’entretenir avec vous de l’avenir du monde vivant ? Alors que je sais très bien que vous auriez préféré que je vous livre un roman policier. Il y a dix ans, j’avais publié un très court texte sur l’écologie. Et quand on m’a prévenue qu’il serait lu à l’inauguration de la COP 24, c’est alors que j’ai conçu un projet de la même eau, un peu plus long, sur l’avenir de la Terre, du monde vivant, de l’Humanité. Rien que ça. »
Ce livre, qui explore l’avenir de la planète et du monde vivant, souhaite mettre fin à la « désinformation dont nous sommes victimes » et enrayer le processus actuel. « Une sorte de nécessité implacable me pousse à écrire furieusement ce livre » explique Fred Vargas au commencement du livre.
Et comme elle le prévient elle-même « A présent, bouclez vos ceintures et accrochez-vous« . Et les chiffres s’égrènent sur les vagues de chaleur et leurs innombrables victimes pour les années à venir, les températures montant inexorablement, pouvant toucher jusqu’à 75 % des habitants de la planète, victimes des chaleurs jamais maîtrisées. Soit les trois-quarts de l’humanité. Fred ne tombe pas de son nid, pas plus que les dirigeants des pays autour de la planète : ils savaient ! Et depuis au moins dix ans …
Ce sont des milliers de données que l’écrivaine a recensés et qui lui permettent de pousser un cri d’alarme et de colère face à l’inaction étatique, soumise aux lobbies, « otage de l’Argent et de la Croissance et advienne que pourra. » Tous les secteurs de nos sociétés sont passés à la moulinette, de l’intensification de l’agriculture, la pollution de l’air et le réchauffement, la désertification, le manque d’eau, la fonte des glaces des pôles et des glaciers, la fonte du permafrost, l’élévation du niveau des mers, les monstrueux impacts de l’élevage et de la culture des sols destinés à nourrir les bêtes, la déforestation, la perte des puits naturels de carbone, les pluies acides, la salinisation des sols, leur appauvrissement, la pollution des eaux – de source, de nappes et de mer – la pollution des sols, les pesticides, herbicides, et antifongiques, la toxicité des fruits, légumes et céréales due à ces pesticides, l’envahissement des mers par les résidus de plastique, occasionnant la mort des poissons et des oiseaux mais infiltrant aussi nos organismes, … Je continue ?! Comme elle le reconnaît elle-même, la liste est si longue … « Mais elle nous permet de comprendre que le bouleversement de tous nos systèmes de production est inévitable dans la première partie de ce siècle ! Le monde ne sera plus comme avant, il ne pourra pas l’être. »
« Tout est question d’excès, et comme le disait Talleyrand, tout ce qui est excessif est insignifiant. On verra que beaucoup de nos problèmes proviennent de l’usage en excès. » Toujours l’excès, on le retrouve partout.
Fred Vargas fustige également « l’ignorance où nous avons été bien envasés » : « Je crois que nous pensions tous que les industries et le transport routier étaient les causes principales des émissions de gaz à effet de serre. Eh bien pas du tout. Si l’industrie vient bien en tête avec 32 % de ses gaz, elle est immédiatement suivie par l’élevage, l’agriculture et la déforestation qui l’accompagnent avec 25 % d’émissions de gaz réchauffants, loin devant le transport (hors bétail) qui compte pour 14%. »
L’inventaire ne s’arrête pas là et les chiffres sont terrifiants. Avec une question qui la taraude : « Auront-ils le cran, ces dirigeants politiques, de faire connaître aux populations, dont ils sont les élus et les responsables, la si grave menace à l’œuvre sur notre Terre ? D’amorcer dès demain et de poursuivre rapidement, sans dévier ni céder aux sirènes du profit, l’inévitable et bénéfique décroissance ? »
Bref, vous l’aurez compris, ce livre est à mettre entre toutes les mains, au plus vite ! Et, rassurez-vous, Fred n’a pas perdu de son humour tranchant qui, malgré tous les chiffres et analyses très sérieuses et convaincantes, nous permet de lire – certes, avec gravité – cet essai avec l’envie furieuse d’en découdre, donc d’agir, car des solutions existent.
Si vous avez aimé, vous aimerez également le Tome 2, « Quelle chaleur allons-nous connaître ? Quelles solutions pour nous nourrir ?« , paru en mai 2022. Dans toutes les bonnes librairies.