Bien plus qu’une cathédrale, Notre-Dame de Paris est un écosystème. La taille imposante de cette falaise urbaine et ses innombrables cachettes sont une bénédiction pour certaines espèces qui ont su s’adapter à l’environnement de nos villes. La réouverture officielle de la cathédrale ce week-end du 7 et 8 décembre permet d’espérer le retour de certaines espèces protégées qui y logeaient depuis des siècles, dont le Faucon crécerelle.
Bien plus qu’une cathédrale, Notre-Dame de Paris est un écosystème. Dans le reportage “Les animaux de Notre-Dame« diffusé sur TF1 en 1976, Allain Bougrain Dubourg décrivait déjà la richesse écologique du joyau de l’île de la Cité. En 1986, l’édifice a ainsi accueilli jusqu’à 5 familles de faucons crécerelles, dont les effectifs de la capitale s’élèvent aujourd’hui à moins de 30 couples. Des moineaux domestiques, dont la population parisienne a décliné de 75% en à peine 20 ans, et des chauves-souris de la famille des pipistrelles gravitent également à proximité.
Depuis 2022, la LPO accompagne l’Établissement public Rebâtir Notre-Dame de Paris dans une démarche visant à intégrer la biodiversité dans les travaux de restauration. Dans le cadre de ce partenariat, des visites techniques ont permis d’identifier et d’évaluer les emplacements potentiels pour l’accueil des nids et de proposer des mesures d’amélioration. Les compagnons et entreprises du chantier pourront être formés à repérer et préserver la faune tandis que les naturalistes de la LPO Ile-de-France effectuent un inventaire régulier des espèces présentes sur le site. La mairie de Paris a de son côté émis le souhait que les squares entourant Notre-Dame rejoignent les Refuges LPO, premier réseau de jardins écologiques en France.
Les animaux sauvages ont logiquement déserté les alentours à la suite de l’incendie. Leur réinstallation sera sans doute progressive, car le dérangement demeure important en raison des travaux qui se poursuivent. En 2022, un premier couple de faucons a toutefois pu se reproduire dans un pinacle derrière la tour nord, mais a en revanche échoué l’an dernier.
Architecture et espèces du bâti
De nombreuses espèces animales ont évolué à nos ôtés. Depuis le Moyen Âge, certaines espèces de chauve-souris se sont installées dans les constructions, les martinets noirs également ont délaissé les falaises pour nicher dans l’habitat humain. L’étymologie des noms d’espèce en témoigne : moineau domestique (Passer domesticus), effraie des clochers, lézard des murailles (Podarcis muralis).
Les espèces dites inféodées au bâti appartiennent à l’histoire urbaine. Le maintien de ces espèces est tributaire de leur prise en compte dans l’entretien des édifices. Pourtant, la prise en compte de l’habitat de ces animaux est trop souvent ignorée dans les projets d’architecture. Les effectifs des populations d’oiseaux et de chauve-souris liées au bâti sont en forte régression. En effet, en France, en dix ans, les populations de chauve-souris ont régressé de 38 % et en vingt ans, les populations de martinets noirs ont chuté de 40 %. Le déclin de ces espèces insectivores et inféodées au bâti est dû à l’effondrement de la masse des insectes (73 % des insectes ont disparu en 27 ans selon une étude allemande), mais aussi la disparition de leur habitat à la faveur d’une architecture n’offrant pas de cavités.
C’est pourquoi préserver l’incroyable diversité de cavités qu’offre la cathédrale Notre-Dame est important pour la biodiversité parisienne.
La LPO collabore depuis plusieurs années avec d’autres grands bâtiments religieux. La LPO PACA a par exemple posé en 2022 des nichoirs à hirondelles et martinets sur la Cathédrale Notre-Dame-et-Saint-Arnoux de Gap (Hautes-Alpes) et a été missionnée par la Direction régionale des affaires culturelles (DRAC) pour réaliser les diagnostics écologiques de 7 cathédrales de la région, tandis que la LPO Occitanie surveille un couple de faucons pèlerins installé sur celle d’Albi (Tarn) depuis 2001.
En parallèle, la LPO travaille depuis plus de 10 ans avec le Centre des monuments nationaux (CMN) pour développer des programmes de connaissance et de protection de la biodiversité dans leurs parcs et jardins. Neuf sites sont actuellement engagés dans la démarche Refuges LPO : le château d’Angers, le château d’Assier, le château d’Aulteribe, le site archéologique de Glanum, le domaine national de Saint-Cloud, le site gallo-romain de Sanxay, l’Oppidum d’Ensérune, l’Abbaye de Beaulieu-en Rouergue, la colonne de la grande Armée à Wimille.
Pour Allain Bougrain Dubourg, Président de la LPO : « La LPO est très fière de contribuer à la prise en compte de la biodiversité dans la rénovation de Notre-Dame. La culture et la nature sont deux éléments inestimables et fragiles de notre patrimoine commun, que nous devons impérativement protéger de concert afin de les transmettre aux générations futures. »