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Quand l’IA veut réinventer le journalisme et les médias

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Ouest-France, le CNRS et l’Université de Rennes lancent, avec le soutien de l’Agence nationale de la recherche, le premier laboratoire commun, le LabCom Synapses, associant un organe de presse et la recherche académique. Objectif ? Relier l’intelligence artificielle, les médias, les contenus de presse, les journalistes et les lecteurs. En clair, faire converger leurs travaux sur les applications de l’intelligence artificielle, au service d’un meilleur journalisme. Dédié à l’exploration et au développement d’innovations à l’intersection des sciences informatiques et des médias, il œuvrera pour un journalisme de qualité offrant des contenus pertinents et encore plus interactifs aux lecteurs. Qu’est-ce que cela changerait vraiment pour l’industrie des médias et le journalisme ?

Les archives des médias, qui comptent plusieurs millions d’articles, de photos et de vidéos, sont riches en contenu et en potentiel. Or ces collections restent difficilement exploitables, y compris avec les outils d’intelligence artificielle les plus récents. Ouest-France a choisi de s’associer au CNRS et à l’Université de Rennes, avec le soutien de l’ANR, afin de lever ces verrous technologiques tout en maintenant la souveraineté sur ses données et en veillant au respect des droits des personnes citées, photographiées ou enregistrées au sein de cette vaste archive. 

Le patrimoine éditorial Ouest-France constitue une collection importante, de plus de 105 millions de documents, de 1899 à nos jours (48 millions d’articles, 38 millions de photos, 17 millions de pages, 116 000 vidéos…). C’est un mélange riche et complexe de textes, d’images, de vidéos et d’audios, datant de différentes époques et donc avec des champs sémantiques totalement différents les uns des autres. Une collection qui n’existe nulle part ailleurs et qu’il est difficile d’analyser ou d’exploiter sans algorithme. 

Comme l’explique sur le site du média Michel Le Nouy, responsable du domaine informatique « Banques de Contenus » chez Ouest-France : « Ensemble, nous cherchons à comprendre comment l’IA appliquée à l’analyse des archives comme à la production quotidienne peut améliorer les outils du journalisme ; à travailler sur des problèmes fondamentaux et appliqués avec des gains scientifiques et industriels potentiels. Pour Ouest-France, il s’agit d’une opportunité pour accéder à des technologies de pointe et à l’expertise scientifique afin de conserver la souveraineté sur l’information. Cela nous permettra également de valoriser tant nos vastes archives multimédias que la production journalistique quotidienne et d’augmenter l’expertise et la compréhension des sujets complexes liés à l’IA. »

De son côté, au sein de l’Institut de recherche en informatique et systèmes aléatoires (CNRS/Université de Rennes), l’équipe de recherche Linkmedia (1) dirigée par Laurent Amsaleg, directeur de recherche au CNRS, a pour ambition de proposer des méthodes, des techniques et des outils pour explorer la nature de ces collections de documents multimédias extrêmement grandes. Ils utilisent pour cela un corpus d’outils informatiques : IA, apprentissage machine, vision par ordinateur, traitement automatique des langues.

Le LabCom Synapses, financé par l’ANR à hauteur de 363 000€, est l’aboutissement de 30 ans de collaborations entre cette équipe de recherche et Ouest-France. Pour le groupe de presse, ce partenariat permet d’accéder à des technologies de pointe tout en maintenant la souveraineté sur ses données et en veillant au respect des droits des personnes citées, photographiées ou enregistrées au sein de cette vaste archive. Pour les scientifiques, il offre la possibilité de tester leurs travaux dans des contextes réels et d’accéder à des données uniques.

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Le LabCom Synapses déclare se concentrer, dans son comuniqué, sur l’application de l’intelligence artificielle (IA) au service du journalisme, en se priorisant trois axes majeurs :

  • Analyse des archives photographiques : grâce aux 40 millions d’images de Ouest-France, Synapses utilisera l’IA pour faciliter l’analyse et la recherche de photos, facilitant ainsi le travail des journalistes et des documentalistes.
  • Traitement de textes spécifiques : exploiter plus de 100 ans d’archives textuelles pour améliorer la compréhension et le traitement des textes historiques, en surmontant les défis posés par les évolutions linguistiques.
  • Visualisation d’informations complexes : développer des outils pour visualiser des données complexes et interconnectées, rendant l’information plus accessible pour les journalistes.

Ce projet est-il un moyen de s’affranchir des modèles d’IA de grands acteurs technologiques ? Pour Laurent Amsaleg, directeur de recherche au CNRS : « On veut surtout acquérir une compréhension interne de ce que signifie l’IA pour le journalisme. Cette connaissance nous permettra alors de comprendre finement la puissance et les limites des solutions proposées notamment par les GAFAMs« . Pour Michel Le Nouy, « On veut également maîtriser de bout en bout ce que l’IA fait de nos données, ceci en lien avec notre exigence de souveraineté. On veut absolument préserver les particularités et l’ADN de Ouest-France« .

De quel avenir parle-t-on pour les médias ? 

Ce partenariat, bien que présenté comme une initiative destinée à améliorer la qualité du journalisme grâce à l’IA, pourrait, comme tout projet de ce type, avoir des objectifs sous-jacents liés à des enjeux stratégiques, économiques ou sociétaux. Il est ainsi permis de formuler quelques hypothèses sur d’éventuels objectifs moins explicitement affichés :

Valorisation et monétisation des données : Avec plus de 105 millions de documents dans ses archives, Ouest-France dispose d’un patrimoine numérique colossal. Ce partenariat pourrait permettre au groupe de presse d’explorer de nouvelles façons de valoriser ces données, notamment par la création de produits éditoriaux ou commerciaux basés sur l’exploitation des archives (livres, documentaires, plateformes d’accès premium). L’IA pourrait aussi ouvrir des opportunités pour cibler de nouvelles audiences ou vendre des services d’analyse à des tiers. Il est vrai que les robots d’intelligence artificielle moissonnent sans autorisation ni rémunération toutes les informations mises en ligne, selon Les échos, avec leur sujet « Intelligence artificielle : la presse cherche une alternative au pillage »

Renforcement de la compétitivité face aux grands acteurs du numérique : En collaborant avec des institutions prestigieuses comme le CNRS et l’Université de Rennes, Ouest-France pourrait chercher à se positionner comme un leader innovant face à des plateformes comme Google ou Meta, qui investissent massivement dans l’information. Maintenir une souveraineté sur les données et les traitements d’IA est également un moyen stratégique d’éviter une dépendance vis-à-vis des géants technologiques.

Exploration de modèles d’automatisation éditoriale : L’intégration de l’IA pourrait conduire à des expérimentations sur l’automatisation de certaines tâches journalistiques, comme la rédaction d’articles courts, l’analyse de données ou la vérification des faits. Bien que cela ne soit pas explicitement mentionné, cela pourrait réduire les coûts de production et permettre d’allouer des ressources humaines à des contenus à plus forte valeur ajoutée.

Positionnement académique et géopolitique sur l’IA : Le CNRS et l’Université de Rennes, en s’associant à ce projet, pourraient chercher à renforcer leur position dans le paysage international de l’IA appliquée aux sciences humaines et sociales. Cela pourrait également servir à démontrer que des solutions françaises ou européennes peuvent rivaliser avec celles développées outre-Atlantique ou en Asie.

Étude des comportements des lecteurs : L’analyse des interactions des lecteurs avec les archives et les nouveaux contenus interactifs pourrait offrir une mine d’informations sur leurs habitudes, préférences et attentes. Ces données comportementales, bien que présentées comme un outil d’amélioration éditoriale, pourraient aussi être utilisées à des fins de ciblage publicitaire ou marketing.

Développement de partenariats futurs : Ce projet pilote pourrait être une vitrine pour Ouest-France et ses partenaires. Si le LabCom Synapses montre des résultats probants, il pourrait attirer d’autres acteurs du secteur des médias ou d’autres industries à la recherche de solutions technologiques similaires, renforçant ainsi le réseau d’Ouest-France et des institutions académiques impliquées.

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Ces objectifs ne sont pas mis en avant dans la communication officielle. Ils s’inscrivent néanmoins dans des stratégies larges où la technologie, la science et les enjeux économiques se croisent pour façonner l’avenir des médias et des données.

Quelles transformations ?

L’avenir des médias, façonné par des avancées comme celles envisagées par le LabCom Synapses, semble s’orienter vers des transformations profondes. Ces évolutions, guidées par l’iIA, les nouvelles technologies et les attentes changeantes des consommateurs, pourraient redéfinir la manière dont l’information est produite, consommée et perçue. On peut imaginer d’ores et déjà quelques grandes lignes de ce futur.

Tout d’abord, une personnalisation accrue des contenus. Les médias deviendront de plus en plus capables de fournir des contenus sur mesure, adaptés aux goûts, aux besoins et aux habitudes de chaque utilisateur. L’IA permettra d’analyser les comportements des lecteurs pour proposer des articles, vidéos ou podcasts qui correspondent à leurs intérêts. Cela pourrait améliorer l’expérience utilisateur, mais soulève aussi des inquiétudes quant à l’enfermement dans des « bulles de filtre ».

Ensuite, la facilitation d’une automatisation de la production journalistique. Il ne fait aucun doute que des outils comme le traitement automatique des langues (NLP) permettront de produire des articles courts, des résumés d’actualités ou des rapports de données en quelques secondes. Bien que cela puisse libérer les journalistes pour des enquêtes plus approfondies, il existe un risque que l’automatisation remplace une partie des effectifs humains, avec une uniformisation des contenus.

Une meilleure vérification des faits par l’automatisation. pourrait être un développement futur de ces nouvelles technologies. En effet,  Face à la prolifération des fake news, l’IA est amenée à jouer un rôle clé dans la détection des informations erronées ou mal intentionnées. Des algorithmes sophistiqués pourront analyser des milliards de données en temps réel pour vérifier la véracité d’une information, ce qui pourrait renforcer la crédibilité des médias responsables. Avec des capacités de traitement et de visualisation accrues, les médias se concentreront davantage sur le journalisme de données. Cela inclura des analyses complexes, des infographies interactives et des enquêtes approfondies basées sur des milliards de points de données.

Enfin, c’est la manière de consommer l’information qui pourrait être changée. L’IA peut proposer une interaction immersive et engageante : les lecteurs pourraient « plonger » dans un reportage ou explorer des archives historiques en 3D. Cette immersion augmentera l’engagement du public tout en redéfinissant le rôle des médias dans la narration. des millions d’articles, photos et vidéos, jusqu’ici sous-exploités, deviendront accessibles et pertinents grâce à l’IA. Ces archives permettront non seulement de contextualiser l’actualité, mais aussi de créer des expériences inédites pour les utilisateurs, renforçant la mémoire collective.

L’introduction massive de l’IPA dans le journalisme et les médias apporte aussi une révolution des modèles économiques actuels. La transformation numérique poussera les médias à diversifier leurs revenus. Les abonnements, les microtransactions et les contenus sponsorisés deviendront essentiels. Les archives et les outils technologiques pourraient aussi être monétisés pour des usages tiers, comme la recherche académique ou les entreprises.

Révolution aussi de l’éthique journalistique. Avec l’arrivée de l’IA, les médias devront prouver leur transparence. Les algorithmes de recommandation ou de production de contenu devront être audités pour garantir qu’ils ne renforcent pas les biais ou les manipulations. Les partenariats entre médias, institutions académiques et entreprises technologiques, comme le LabCom Synapses, deviendront la norme. Ces alliances permettront d’innover tout en partageant les ressources et les expertises, renforçant ainsi la résilience du secteur.

Dans un contexte l’accélération des défis climatiques et sociaux, les médias joueront un rôle crucial en tant que vigies. L’IA et les données aideront à couvrir les crises avec précision, mais aussi à éduquer le public sur des enjeux globaux, consolidant leur rôle de « quatrième pouvoir » dans une société en mutation. L’avenir des médias sera marqué par un équilibre complexe entre innovation technologique, besoins sociétaux et impératifs éthiques. Bien qu’il promette des opportunités enthousiasmantes, il soulève aussi des défis majeurs en matière de confiance, d’inclusion et d’indépendance.

(1) Équipe dédiée au traitement de très grandes collections de documents multimédia, elle comporte des personnels du CNRS, d’Inria, de l’INSA Rennes et de l’Université de Rennes). (www.irisa.fr)

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