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Deux souffles, deux mondes : Jospin et Tabouret au Grand Palais

Eva Jospin

Au Grand Palais, deux mondes se dressent face à nous comme deux respirations, deux invitations à perdre pied : Eva Jospin et Claire Tabouret ouvrent chacune une galerie, deux passages vers l’inconnu. Avec Grottesco, Eva Jospin déploie un paysage de cavernes révélées, de forêts insaisissables et de ruines rêvées, où le végétal, le minéral et l’architectural s’enlacent en un ballet silencieux. On y marche comme on plonge : en franchissant un seuil invisible, happé par des formes qui se transforment à mesure qu’on les approche. Bas-reliefs brodés, architectures troglodytes, forêts qui se referment comme des secrets—tout y semble vestige et promesse à la fois. Face à cet univers en métamorphose, Claire Tabouret propose, avec D’un seul souffle, une respiration tout aussi intense, un autre battement du monde. Ensemble, les deux artistes offrent un voyage où l’on avance à tâtons, émerveillés, dans les replis du réel et les éclats de l’imaginaire. Une exposition comme un seuil, un souffle, un vertige.

Grottesco – Eva Jospin

Pour son exposition Grottesco, Eva Jospin investit la Galerie 9 en rassemblant plus d’une quinzaine d’œuvres, certaines spécifiquement produites pour l’exposition et dévoilées pour la première fois au public ; d’autres aux motifs récurrents dans le travail de l’artiste, mais entièrement revisitées pour l’occasion.

Eva Jospin,Vue d’exposition Palazzo, 2023, Palais des papes, Avignon
© Benoît Fougeirol © Adagp, Paris, 2025

Les paysages sculptés et les architectures imaginaires d’Eva Jospin ont su créer, au fil des années, une œuvre profondément singulière. Le titre de l’exposition, Grottesco, renvoie à une légende : celle d’un jeune Romain, tombé par hasard dans une cavité oubliée où, sous terre, il découvre de magnifiques fresques. Ce n’est qu’ultérieurement que l’on reconnaîtra en ces vestiges la Domus Aurea de Néron, ensevelie depuis des siècles. À partir de ce palais qui semblait grotte naît le « grotesque » — un style où le végétal, l’architectural, le fantastique s’enlacent dans un imaginaire foisonnant.

C’est à ce fil que s’accroche Eva Jospin, pour tisser son propre monde. Depuis une dizaine d’années déjà, la grotte a pris racine dans son travail, s’ajoutant à la forêt, l’habitant, la transformant. Dans ses dessins, ses sculptures et ses installations, on retrouve cette idée de cavité révélée, de profondeur cachée, de formes et de motifs en prolifération.
Le visiteur est invité à traverser l’exposition comme on entre dans un monde. Pas à pas. En surplombant d’abord un Promontoire, en contournant un Cénotaphe, en pénétrant une grotte ornée d’un dôme rappelant celui du Panthéon. On traverse ensuite des ruines architecturales ou des habitations troglodytes pour arriver enfin devant une immense forêt. Elle nous enlace, nous arrête, elle est impénétrable.

Mais l’exposition ne se découvre jamais d’un seul regard : elle nous demande une marche constante, un rebroussement, un détour. La forêt nous contraint à revenir sur nos pas, et ainsi découvrir un autre visage, une face cachée. Car ici, le motif n’est jamais stable, il prolifère, s’ancre dans les matières comme dans les souvenirs. Le parcours où l’architecture domine à l’aller, révèle la nature sauvage et puissante qui l’enveloppe au retour.
À chaque détour, la perception se transforme : ce que l’on pensait reconnaître devient étrange ; ce qui semblait familier se révèle inconnu. L’architecture se mêle au végétal, le minéral dialogue avec le textile.
Les œuvres se regardent, s’imitent, se répondent, parfois à travers un simple motif répété, déplacé, réinterprété. Parmi les pièces inédites, une série de bas-reliefs brodés attire l’œil. Fusion de textile et de sculpture, ces œuvres bousculent la hiérarchie des techniques : la broderie perd sa planéité, gagne en volume, devient architecture. Perles, fils libres, franges et cascades évoquent des nymphées réinventés, des paysages surgit d’un autre temps. Ces broderies sculptées marquent une nouvelle étape dans le travail d’Eva Jospin, une nouvelle extension de son périmètre de marche ou d’exploration vers des formes encore plus hybrides.

Depuis Panorama (Louvre, 2016) jusqu’à cette invitation au Grand Palais, en passant par le Palais des Papes, l’Orangerie de Versailles ou le Musée Fortuny à Venise, Eva Jospin n’a cessé d’élargir les contours de son œuvre, de l’augmenter, de la revisiter. Travaillant par superpositions, contaminations et métamorphoses, elle brouille sans cesse les pistes entre les techniques, les matières, les styles et les époques. L’artiste continue de nous émerveiller en jouant avec les échelles et accordant à l’infiniment petit et à l’infiniment grand, la même précision et le même détail. Chaque œuvre se fait à la fois vestige et promesse, transformant une galerie du Grand Palais en un théâtre d’un monde silencieux, dépourvu de présences humaines ou animales, mais néanmoins habité par l’imaginaire de l’artiste.

Avec le soutien de GALLERIA CONTINUA
Scénographie : Jean-Paul Camargo

Eva Jospin, née en 1975 à Paris, est diplômée de l’École nationale supérieure des beaux-arts de Paris. Depuis une quinzaine d’années, elle compose de minutieux paysages forestiers et architecturaux, qu’elle décline sur différents supports. Dessinés à l’encre ou brodés, taillés dans le carton ou sculptés en bronze, ils évoquent les jardins baroques italiens, les rocailles fantaisistes du XVIIIe siècle et les grottes artificielles.
Pensionnaire de la Villa Médicis à Rome en 2017 et élue membre de la section sculpture à l’Académie des beaux-arts en 2024, Eva Jospin a bénéficié de nombreuses expositions d’envergure internationale ; notamment au Palais de Tokyo à Paris (Inside, 2014), au Palazzo dei Diamanti à Ferrare en 2018, au Museum Pfalzgalerie à Kaiserslautern en 2019, à la Hayward Gallery à Londres en 2020, au Het Noordbrabants Museum à Den Bosch (Paper Tales, 2021), au Musée de la Chasse et de la Nature à Paris (Galleria, 2021), à la Fondation Thalie à Bruxelles (Panorama, 2023) et au Palais des Papes à Avignon (Palazzo, 2023). En 2024, de nouvelles expositions personnelles d’Eva Jospin sont organisées au Museo Fortuny à Venise (Selva) et
à l’Orangerie du Château de Versailles (Eva Jospin – Versailles).
L’artiste a également dévoilé plusieurs installations monumentales et immersives dans le cadre de commandes spécifiques, au centre de la Cour Carrée du Louvre (Panorama, 2016) ou à l’Abbaye de Montmajour (Cénotaphe, 2020), et signé la création d’un ensemble de panneaux brodés pour le défilé Dior Haute Couture 2021-2022 (Chambre de Soie, 2021).
Eva Jospin a également créé des œuvres pérennes au Domaine de Chaumont-sur-Loire, (Folie, 2015), à Beaupassage à Paris (La Traversée 2018) et à Milan avec une installation conçue comme un jardin d’hiver (Microclima, 2022).

En 2025, l’artiste est l’invitée de l’Atelier Courbet à Ornans où son exposition Chambre d’écho dialogue avec l’exposition Paysages de marche au Musée Courbet, puis du Grand Palais à Paris où
son exposition Grottesco se déploie dans l’édifice de décembre 2025 à mars 2026. Elle présente également deux expositions au Brésil au Musée Oscar Niemeyer à Curitiba et à la Casa Bradesco à Sao Paulo à l’occasion de la saison France-Brésil 2025.

D’un seul souffle – Claire Tabouret

Pour son exposition D’un seul souffle, Claire Tabouret investit la Galerie 10.2 en choisissant de présenter les maquettes grandeur nature, les esquisses et autres travaux préparatoires des six
futurs vitraux contemporains pour la cathédrale Notre-Dame de Paris.
En décembre 2024, Claire Tabouret, en association avec l’atelier Simon-Marq, a été désignée lauréate de la consultation engagée par le ministère de la Culture pour la création de vitraux contemporains pour NotreDame de Paris. Depuis cette date, Claire Tabouret s’est attelée à la réalisation de maquettes grandeur nature pour les six baies du bas-côté sud de la nef de Notre-Dame.

Claire Tabouret Studio © Claire Tabouret / photo Nathan Thelen, 2024

Pour répondre à l’invitation du Grand Palais, l’artiste propose de dévoiler les coulisses de cette création hors norme en exposant ces « cartons », les esquisses et autres travaux préparatoires.
En raison du caractère historique du projet, Claire Tabouret souhaite ainsi inviter le public à l’accompagner dans cette aventure et lui offrir un premier regard sur les maquettes grandeur nature,
alors que les vitraux seront encore en cours de fabrication à l’Atelier Simon-Marq.

La scénographie de l’exposition permet au visiteur de ressentir l’atmosphère si particulière de l’atelier, afin qu’il puisse vivre ce moment rare d’un travail en cours, encore en mouvement.
Pour respecter les prescriptions de la consultation conduite par l’établissement public Rebâtir NotreDame de Paris, Claire Tabouret a travaillé en choisissant une balance de couleurs équilibrées mais vives pour que les futurs vitraux conservent cette lumière blanche. Elle a choisi de réaliser cet ensemble d’œuvres en recourant à la technique du monotype, technique d’impression que l’artiste pratique de manière obsessionnelle depuis de nombreuses années. Les monotypes, enrichis par le recours au pochoir, notamment pour les rosaces et autres motifs décoratifs sériels créent une transition douce avec l’évocation en arrière-plan des vitraux du XIXe siècle :
« Ces derniers mois, j’ai créé des maquettes à taille réelle pour chacune des six baies concernées dans le bas-côté sud de la cathédrale. Chacune fait environ 7 mètres de haut. J’ai voulu ainsi être très proche des cartons que réalisent les maîtres-verriers de l’Atelier Simon-Marq. La technique du monotype s’est imposée, comme une évidence. J’ai une presse à l’atelier et j’aime énormément ce procédé d’impression, qui offre des similitudes avec le vitrail. Je peins à l’encre sur du plexiglas transparent, en pensant l’image à l’envers, parfois en jouant du mouvement de la touche, parfois avec des pochoirs qui donnent des contours nets. Puis j’imprime le tout sur du papier très épais. Pour chacune des six baies, j’ai peint ainsi une cinquantaine de morceaux correspondant aux différentes pièces des vitraux et leurs rosaces, assemblés ensuite dans ces très grandes maquettes. »

Claire Tabouret Studio © Claire Tabouret / photo Nathan Thelen, 2024

Le thème de la Pentecôte, symbole d’unité et d’harmonie entre les hommes, choisi par l’archevêché de Paris, a fortement inspiré Claire Tabouret : « J’ai été emportée par la beauté, la poésie du thème de la Pentecôte, choisi par l’archevêque de Paris. Cette idée d’harmonie, d’hommes qui parviennent à s’unir, à se comprendre malgré la diversité de leurs langues, cette folle espérance, j’ai eu envie d’y participer. On vit dans un monde tellement divisé, chaotique, effrayant… »

Scénographie : Jean-Paul Camargo

Claire Tabouret (née en 1981 à Pertuis, France) a étudié à l’École des Beaux-Arts de Paris. Animée par une sensibilité au passage du temps et à la vulnérabilité des relations humaines, la pratique de Tabouret oscille entre des périodes d’urgence productive et de réflexion tranquille. Ses tableaux représentant des corps en confrontation, des portraits, des assemblages de personnes allant de jeunes enfants à des migrants en mer, et des paysages sont souvent baignés de champs de couleurs et animés par des couches, des tissus et des coups de pinceau pleins et lâches.
Tabouret a récemment présenté des expositions individuelles à l’Institute of Contemporary Art Miami, à Miami ; au Palazzo Cavanis, dans le cadre d’un événement collatéral de la 59e Exposition
internationale d’art de la Biennale de Venise, à Venise ; au Musée Picasso, à Paris ; au Musée des Beaux-Arts, à Rouen ; à la HAB Galerie, à Nantes ; à la Collection Lambert, à Avignon ; au YUZ Museum, à Shanghai ; à Almine Rech, à Paris ; à Perrotin, à Tokyo ; à la Night Gallery, Los Angeles ; ainsi qu’une exposition à deux avec Yoko Ono à la Villa Médicis, Rome. Parmi ses expositions collectives récentes, citons le Modern Art Museum of Fort Worth, Fort Worth ; l’Institute of Contemporary Art Miami, Miami ; le Tel Aviv Museum of Art, Tel Aviv ; le Columbus Museum of Art, Columbus ; la Bourse de Commerce, Paris ; entre autres.
Ses œuvres ont été acquises par de grandes collections et font notamment partie du Los Angeles County Museum of Art, de l’Institute of Contemporary Art Miami, Musée d’art Perez, Musée d’art de Dallas, Musée d’art de Columbus, Musée des beaux-arts de Montréal, Collection Pinault, Centre Georges Pompidou, Musée Voorlinden et Musée YUZ, entre
autres.
Elle vit et travaille en France et à Los Angeles.

 

Expositions au Grand Palais Paris, du 10 décembre 2025 au 15 mars 2026 :

  • Claire Tabouret : Du 10 décembre 2025 au 15 mars 2026 – Grand Palais – Galerie 10.2 / Entrée Clarence Dillon
    Exposition produite par le GrandPalaisRmn
  • Eva Jospin : Du 10 décembre 2025 au 15 mars 2026 – Grand Palais – Galerie 9 /Entrée Clarence Dillon
    Exposition produite par le GrandPalaisRmn

Photo d’en-tête : Eva Jospin Panorama, 480 x 900 x 900 cm, 2016 – Bois et carton © flufoto (Barış Aras & Elif Çakırlar) Courtesy Noirmontartproduction © Adagp, Paris, 2025

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